La législation
islamique consiste en l'ensemble des lois et des statuts promulgués
par Allah en vue de régir ou d'organiser toutes les relations de
l'humanité, à savoir les relations de l'homme avec Allah,
avec lui-même ou avec les autres.
La pensée
islamique est l'ensemble des connaissances et des sciences tirées
du Message, telles que la pensée économique et politique,
la philosophie, les Fondements de la Jurisprudence (Uçûl
al-Fiqh), l'Éthique, l'exégèse etc. Le Saint Coran
et la Sunnah du Prophète sont la source de la pensée,
de la connaissance et de la législation islamique, comme l'affirme
clairement le Livre d'Allah en différents endroits:
En se fondant sur
ces données coraniques les sommités de la science et du savoir
ont considéré la Sunnah comme la seconde source de la législation,
de la pensée et de la culture islamiques. L'Imam al-Çâdiq,
un descendant du Saint Prophète expliquant la place de la Sunnah
dans la législation dit: «Il n'y a pas une chose dans laquelle
il n'y a pas (des traces) du Livre ou de la Sunnah»
De même,
on attribue à l'Imam al-Çâdiq les propos suivants:
«Toute chose doit être référée au Livre
et à la Sunnah, et tout Hadith qui ne s'accorde pas
avec le Livre d'Allah est un faux ornement».
Quant à
l'Imam Mûsâ al-Kâdhim, fils de l'Imam al-Çâdiq,
il donne encore plus de précision sur la limitation des sources
de la Charî`ah, au Coran et à la Sunnah. En
effet lorsque Somâ`ah, l'un de ses Compagnons lui demanda: «Est-ce
que tout est dans le Livre d'Allah et dans la Sunnah? ou bien vous avez
votre propre opinion sur certaines choses?». L'Imam al-Kâdhim
répondit: «Tout est dans le Livre d'Allah et dans la Sunnah
de Son Prophète».
Et selon l'Imam
Mohammad al-Bâqer, le père de l'Imam al-Çâdiq:
«Quiconque dépasse la Sunnah, doit être ramené
à lintérieur du cadre de celle-ci».
Lorsque nous étudions
la Jurisprudence musulmane et les statuts détaillés tirés
de la Loi islamique, nous remarquons que la Sunnah en est la source
détaillée, étant donné que le Coran ne traite
des détails des statuts cultuels et sociaux que d'une façon
limitée, laissant au Messager d'Allah le soin de les expliquer et
de les développer, ce qui était tout à fait de sa
compétence, vu sa parfaite connaissance du contenu du Coran, et
la science divine qu'Allah lui a infusée.
Le Saint Prophète
a appliqué ce fondement constitutionnel et en a détaillé
les lois en précisant quels sont les biens imposables de la Zakât,
quelle est le montant de la Zakât à y prélever,
quelle est l'échéance du paiement de cette Zakât,
et dans quelle condition le prélèvement de la Zakât
est obligatoire etc.
Allah a ordonné
aux gens d'accomplir le pèlerinage de la Mecque, alors que le Prophète
s'est chargé de leur expliquer quel est le mode de son accomplissement,
en leur énonçant: «Apprenez de moi les cérémonies
(du pèlerinage) que vous avez à accomplir».
De la même
façon, le Saint Prophète a expliqué les statuts de
la Prière, du commerce, du mariage, de la filiation, de l'allaitement,
des pactes politiques, de la guerre, de la terre, de l'association, du
louage, de la dette, de la justice etc. Et quiconque étudie la relation
entre le Livre d'Allah et la Sunnah, constate qu'elle est similaire à
celle qui existe entre la constitution et les lois, les décrets
et les instructions dans la législation positive.
Ainsi, la constitution
établie par l'assembée nationale par exemple est la loi fondamentale
de l'Etat et de la société, alors que les dispositions des
lois ordinaires, les décrets et les chartes des droits sont des
détails législatifs tirés des lois constitutionnelles.
Donc le législateur juridique se charge de déterminer les
statuts et les détails conformément aux lois générales
décrétées par le Coran.
Le Saint Prophète
est instruit par Allah et il ne communique une législation ni ne
décrète une loi que conformément à l'instruction
qu'Allah lui a donnée dans les domaines des actes cultuels, de la
loi sociale et des intérêts généraux, en sa
qualité de gouvernant et de tuteur des Musulmans. Tout ce qui provient
du Saint Prophète à titre de Sunnah qu'Allah lui a enseignée
exprime donc une instruction qu'il a reçue d'Allah. De là,
la source de la Sunnah peut être:
- soit ce que le
Prophète tire du Livre d'Allah, étant donné que la
Révélation est adressée à lui et il en connaît
par conséquent le contenu, ou bien ce qui lui vient par inspiration
ou encore ce qui est infusé dans son âme sainte.
- soit par une instruction
directe venant d'Allah par l'intermédiaire de l'Archange Jibrâ'îl.
Les Uléma
ont admis qu'une partie des statuts et des législations secondaires
promulgués par le Prophète pour la Communauté musulmane
soit déduite de ce qu'Allah lui a révélé, et
d'aucuns ont donné à cette déduction l'expression
d"ijtihâd du Messager". Et si l'on admettait la pertinence
de cette expression, il faudrait préciser tout de suite que ledit
ijtihâd du Messager n'est pas le même ijtihâd
que celui des jurisconsultes (faqîh), lequel peut s'avérer
correct ou erroné, alors que le premier, l'ijtihâd
du Messager, est un ijtihâd exclusivement correct et ne fait
que traduire le jugement effectif d'Allah, car les statuts et législations
déduits par le Prophète sont emprunts à l'esprit de
la Loi d'Allah et à la matière de la Législation,
Loi et Législation dont il a une connaissance parfaite et totale.
Répondant
à la question de savoir s'il était possible que le Prophète
ait pu déduire les statuts légaux par les méthodes
théoriques, légales (ijtihâd) - à l'exclusion
de l'analogie - al-Muhaqqiq al-Hillî dit: «Nous n'excluons
pas une telle possibilité, bien que nous n'ayons pas connaissance
que le Saint Prophète y a eu recours effectivement. Et si nous admettions
cette possibilité, la réponse à la question de savoir
s'il peut se tromper dans son ijtihâd, est négative
pour plusieurs raisons:
1- Le Prophète
est infaillible et immunisé contre lerreur et la faute volontaire
ou involontaire.
3- S'il pouvait commettre
une faute, on ne pourrait plus avoir confiance en ce qu'il nous ordonne
ou interdit de faire, ce qui conduirait à répugner à
l'acceptation de ses instructions».
«Il (Allah)
a dégagé la responsabilité des membres de ma Communauté
dans neuf cas: l'erreur, l'oubli, l'ignorance (d'une chose), l'insupportabilité,
la contrainte, la force majeure, la "tîrah" (pressentiment,
suprerstition), la tentation de penser à la Création...».
Et lorsque nous regardons
de près ces règles législatives, nous en trouvons
les origines dans le Livre d'Allah implicitement ou explicitement. En voici
quelques exemples:
L'Imam al-Çâdiq,
soulignant le fait que le Saint Prophète était soigneusement
assisté dans ses pas par l'Eprit Saint (l'archange Jibrâ'îl)
dit: «Le Messager d'Allah était dirigé et assisté
par l'Esprit Saint. Il ne trébuchait ni ne commettait une faute
dans ce qui est de nature à présenter une tentation pour
les hommes».
Les Musulmans croient
unanimement que le Livre d'Allah et la Sunnah du Prophète constituent
les deux sources de la pensée, de la législation et du savoir
islamiques.
Cette croyance
est l'une des évidences de la Doctrine islamique et la seule législation
adoptée à l'époque du Saint prophète.
Après le décès
du Messager d'Allah, lorsque des événements et des faits
nouveaux surgirent alors quil nexistait pas de textes législatifs
explicites les concernant, les Musulmans éprouvèrent le besoin
de connaître les règles qui régissent lesdits événements
et faits et qui déterminent leur position légale vis-à-vis
de ces nouveautés.
Aussi, les gens recouraient-ils
aux érudits parmi les Compagnons pour demander leur opinion à
ce propos, et ces derniers émettaient des avis parfois concordants
et parfois divergents. On appelait alors ces avis la doctrine ou le décret
du Compagnon.
De même les
Compagnons accomplissaient des actes cultuels, politiques ou fiscaux etc.
et on appelait ces actes propres au Compagnon, la Sunnah du Compagnon.
Plus tard les Musulmans
divergèrent sur la valeur légale de la sunnah du Compagnon:
peut-on la considérer comme une preuve législative ou non?
Les fondements de cette divergence se résument comme suit:
a- La définition
du Compagnon (qui peut être considéré comme Compagnon?)
b- Dans quelle
mesure peut-on considérer la sunnah du Compagnon comme un
argument légal et comme une source de la Loi?
c- Et étant
donné que la validité de la Sunnah du Compagnon, en tant
que source de la Loi, dépend du savoir et de lintégrité
de ce dernier, une polémique véhémente éclate
propos de ces deux axes.
Cette polémique
et le débat sur cette question législative conduisirent à
l'apparition de deux écoles principales. L'une considérait
la Sunnah du Compagnon comme une source valable de la Loi, l'autre affirmait
que l'acte du Compagnon ne saurait constituer une source législative,
tout en pouvant être un indice de la Sunnah du Prophète,
étant donné que cet acte est le fait d'un Compagnon qui est
censé agir selon la Loi islamique.
Si l'on se réfère
à la définition linguistique du mot compagnon "çâhib",
on constate que le Compagnon est celui qui était fréquemment
en compagnie du Prophète.
Cette définition
a été adoptée par l'École d'Ahl-ul-Bayt, alors
que Ibn Hajar al-`Asqalânî al-Châfi`î a défini
le Compagnon comme étant: «Celui qui a rencontré le
Prophète en croyant en sa mission prophétique et qui est
mort musulman. L'expression celui qui a rencontré le Prophète
comprend aussi bien quelquun qui avait fréquenté le Prophète
pendant longtemps, que celui qui ne lavait rencontré qu'un court
instant, aussi bien celui qui a rapporté des faits et dires de lui
que celui qui nen a rien rapporté, aussi bien celui qui avait participé
à ses batailles que celui qui y était absent, aussi bien
celui qui l'avait simplement vu sans s'asseoir avec lui que celui qui n'avait
pas pu le voir à cause d'une cécité, par exemple».
Toutefois, Ibn Hajar
a cité une définition d'al-Mazarî, qui diffère
de la sienne: "Lorsque nous disons que tous les Compagnons sont justes
nous ne désignons pas par cet énoncé toute personne
ayant vu le Prophète un jour, ou lui ayant rendu visite occasionnellement,
ou s'étant réuni avec lui ponctuellement pour une affaire
sans que cette réunion ait une suite. Nous visons par notre énoncé:
ceux qui lont fréquenté, ceux qui l'ont soutenu, ceux qui
lont secouru et ceux qui ont suivi la lumière descendue avec lui:
voilà ceux qui ont été heureux."
Cette définition
du Compagnon proposée par al-Mazarî s'accorde avec celle de
l'École d'Ahl-ul-Bayt en ceci que lune et lautre n'attribuent
pas le titre de Compagnon à quiconque ayant tout simplement aperçu
le Saint Prophète, lui ayant rendu visite dans une séance
ou l'ayant à peine rencontré. Elles en réservent lhonneur
(de ce titre) à quelquun qui a accompagné fréquemment
le Saint Prophète, qui l'a soutenu et qui est resté avec
lui pendant si longtemps que l'on peut dire selon la norme qu'il était
de sa compagnie. En un mot, le Compagnon est celui qui a pu, grâce
à sa longue présence aux côtés du Saint Prophète,
assimiler sa tradition, participer à son cheminement et suivre son
exemple.
De même que
les uléma des différentes écoles juridiques ont divergé
sur la définition du Compagnon, ils ont divergé également
sur la valeur juridique de la Sunnah du Compagnon. En effet, l'École
d'Ahl-ul-Bayt a récusé la validité juridique de cette
sunnah du Compagnon.
La raison en est
que les Compagnons eux-mêmes ont montré les contradictions
qui existaient entre leurs conduites, leurs coutumes et leurs doctrines.
Chacun d'eux avait une conduite, des actes et une doctrine propres à
lui, et chacun d'eux ne se considérait pas comme ayant l'obligation
de suivre la sunnah d'un autre Compagnon.
Rappelons à
cet égard le refus de l'Imam `Ali de s'engager à respecter
la Sunnah de ses deux prédécesseurs, Abû Bakr
et `Omar. En effet, selon les historiens, Abdul-Rahmân Ibn `Awf s'est
réuni seul à seul avec `Ali Ibn Abî Tâlib après
la mort de `Omar Ibn al-Khattâb et dit: «Tu dois t'engager
devant Allah à nous gouverner suivant le Livre d'Allah, la Sunnah
du Prophète et la conduite d'Abî Bakr et de `Omar, si tu étais
choisi comme Calife». L'Imam `Ali se contenta de répondre:
«Je vous accorde mon engagement à vous gouverner autant que
possible selon le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète».
Puis Abdul-Rahmân
se réunit de nouveau avec l'Imam `Ali et lui répéta
la même proposition, et l'Imam `Ali donna la même réponse.
Et lorsque Abdul-Rahmân
Ibn `Awf revint à l'Imam `Ali pour lui répéter sa
proposition pour la troisième fois, ce dernier lui dit: «Le
Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète suffisent. Tu
peux donc en tant que mujtahid, me dispenser de cette affaire...
Mais `Othmân
Ibn `Affân contrairement à l'Imam `Ali accepta la condition
de Abdul-Rahmân pour accéder au califat, sans pour autant
respecter la sunnah de `Omar dans de nombreuses occasions, durant
son califat.
D'autre part, l'Imam
`Ali, lorsqu'il accéda, enfin, au califat, opéra beaucoup
de changements dans ce qui avait été adopté par son
prédécesseur `Othmân.
Il est donc évident,
si l'on s'en tient à ces exemples illustres et révélateurs,
que la Sunnah du Compagnon n'a pas une valeur dobligation et ne constitue
pas une source de la Loi et de la législation. La raison en est
simple. La compagnie du Prophète ne confère pas au Compagnon
l'infaillibilité et sa conduite reste exposée à l'erreur.
L'histoire nous
porte le meilleur témoignage à cet égard à
travers les conflits sanglants et les guerres horribles qui opposèrent
les Compagnons les uns aux autres et les erreurs que les uns relevèrent
chez les autres.
De même que
les Musulmans divergèrent sur "largumentalité" de la Sunnah
du Compagnon de même ils divergèrent sur la valeur d'argument
de sa doctrine, à savoir ses décrets religieux et ses actes
dont on ignore la référence ou le fondement. Certains uléma
et imams d'écoles juridiques la considérèrent comme
un argument juridique, d'autres refusèrent de lui conférer
cette légalité.
Parmi ceux qui
ont refusé daccorder un caractère d'argument à la
doctrine du Compagnon, figure le philosophe al-Ghazâlî qui
a dit à ce propos: «Quiconque est à même de commettre
une faute ou une erreur, et dont on n'a pas établi l'infaillibilité,
sa parole ne saurait servir d'argument légal. Comment dès
lors pourrait-on considérer leur parole (la parole des Compagnons)
comme une preuve légale, alors qu'ils peuvent se tromper? Comment
pourrait-on prétendre qu'ils sont infaillibles sans qu'il y ait
une preuve admise unanimement de leur infaillibilité? Comment pourrait-on
concevoir l'infaillibilité d'individus dont les opinions respectives
(sur un même sujet) sont différentes? Et comment, enfin, des
gens prétendument infaillibles pourraient-ils émettre des
jugements divergents sur un même sujet? Ceci ne saurait se concevoir
lorsqu'on sait que les Compagnons eux-mêmes étaient tombés
d'accord pour dire que chacun d'eux puisse avoir une opinion différente
des autres sur un même sujet. La preuve en est le fait qu'Abû
Bakr et `Omar Ibn al-Khattâb, n'aient pas renié à d'autres
Compagnons d'avoir une opinion différente de la leur sur un même
sujet. Bien au contraire, ils ont imposé à chaque mujtahid
(Compagnon capable d'émettre une opinion personnelle) de suivre
sa propre opinion relativement aux questions susceptibles de faire l'objet
de divergence d'opinions. En bref, l'absence de preuve de l'infaillibilité
(des Compagnons), le fait de l'existence de divergence entre les Compagnons,
et le fait qu'ils aient admis officiellement que chacun d'eux puisse avoir
une opinion différente des autres, sont les trois preuves incontestables
de la "non-argumentalité" de la doctrine du Compagnon.»
D'autres savants
ont émis le même jugement qu'al-Ghazâlî à
ce sujet. Contentons-nous de citer ce qu'a dit à ce propos le savant
hanbalite Al-Âmedî en s'appuyant sur les opinions semblables
exprimées par d'autres imams décoles juridiques:
«Tous
sont tombés d'accord que la doctrine (lopinion) du Compagnon sur
les questions de l'ijtihâd ne saurait servir de preuve irréfutable
pour un autre Compagnon capable d'exprimer une opinion personnelle (mujtahid),
peu importe qu'il soit imam, gouvernant ou juge légal. Mais ils
ont divergé quant à savoir si la doctrine du Compagnon constitue
ou non un argument légal aux compagnons des Compagnons (Compagnons
de 2ème génération = tâbi`în) et aux
mujtahid qui leur ont succédé : les Ach`arites et les mu`tazalites,
al-Karkhî, al-Châfi`î (selon lune des deux opinions
quil a exprimées à ce sujet), Ahmad Ibn Hanbal (selon lun
des deux récits quon lui impute relativement au même sujet)
ont répondu par la négative. J'affirme donc qu'elle ne constitue
absolument pas un argument obligatoire...»
«Il s'agit
de savoir maintenant s'il est permis de suivre la doctrine d'un Compagnon,
lorsqu'il est établi qu'elle ne constitue pas un argument obligatoire?
Je réponds à ceci qu'il est absolument interdit de le faire»
La Sunnah
des Ahl-ul-Bayt.:Retour au sommaire:.
S'appuyant sur des
Textes (du Coran et de la Sunnah du Prophète) qui font autorité,
les adeptes d'Ahl-ul-Bayt, quant à eux, considérèrent
la Sunnah de l'Imam `Ali Ibn Abî Tâlib, de ses deux fils al-Hassan
et al-Hussayn, et des Imams descendant de ce dernier, comme étant
le prolongement de la Sunnah du Saint prophète, et l'expression
de cette celle-ci. C'est pourquoi ils l'ont adoptée comme une source
de Loi après le Livre d'Allah et la Sunnah du Messager d'Allah.
Les uléma
de l'École d'Ahl-ul-Bayt fondèrent ce principe sur l'infaillibilité
des Imams d'Ahl-ul-Bayt et leur dépouillement de tous péchés,
ainsi que sur le fait qu'ils avaient été associés
au Livre d'Allah et à la Sunnah du Prophète, et que
ce dernier avait demandé à la Ummah (la Communauté
musulmane) de se rattacher à eux et de suivre leurs instructions
après sa dis. Lun des arguments sur lesquels les uléma de
l'École d'Ahl-ul-Bayt fondèrent leur croyance à l'obligation
de suivre la Sunnah des Imams d'Ahl-ul-Bayt est le verset coranique
suivant (dit le Verset de Tat-hîr ou de Purification)
qui décrète la pureté de ces Imams:
«O vous
les Ahl-ul-Bayt (Les Gens de la Maison du Prophète)! Allah veut
seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement»
(Sourate al-Ahzâb, 33 : 33).
Les différents
livres de Tafsîr (exégèse) et les différents
hadith s'accordent pour souligner que les personnes visées dans
ce verset sont les membres de la famille du Saint Prophète, en l'occurrence:
`Ali Ibn Abî Tâlib (cousin et frère du Messager d'Allah),
Fâtimah al-Zahrâ', la fille chérie du Prophète
et l'épouse de l'Imam `Ali, ainsi que leurs deux fils, al-Hassan
et al-Hussayn.
En effet, selon al-Suyûtî
al-Châfi`î, dans al-Durr al-Manthûr: <Al-Tabarânî
a rapporté ce témoignage d'Om Salamah: «Le Messager
d'Allah demanda un jour à Fâtimah: Appelle ton mari et ses
deux fils. Elle s'exécuta. Le Prophète les couvrit alors
d'un manteau de Fadak, et posa sa main sur eux en disant: O Allah!
Ce sont les Ahl Mohammad- ou les Âle Mohammad, selon une autre
version- (la famille de Mohammad)! Que Tes Prières et Tes Bénédictions
soient donc sur les Âle Mohammad comme elles avaient été
sur les Âle Ibrâhîm. Et Om Salamah de poursuivre:
«J'ai alors relevé le manteau pour me joindre à eux,
mais le Prophète l'a retiré de ma main en disant: Tu es
bien à ta place»>.
Et selon al-Tirmithî:
«Le Verset d'al-Tat-hîr (33 : 33) a été
révélé dans la maison d'Om Salamah. Le Prophète
appela alors Fâtimah, al-Hassan, al-Hussayn et `Ali. Il les plaça
derrière son dos, les couvrit d'un manteau et dit: O Allah! Ce
sont les Gens de ma Maison (Ahl-u Baytî), éloigne d'eux donc
la souillure et purifie-les totalement. Om Salamah demanda alors: «Et
moi, suis-je avec eux, O Prophète d'Allah?». Le Prophète
répondit: Tu restes à ta place et tu es bien là».
Quant au Prophète
lui-même, il laissa beaucoup de traces incitant les Musulmans à
suivre la Sunnah des Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon Ahmad Ibn Hanbal et Abû
Ya`lâ, citant Abî Sa`ïd al-Khidrî, le Prophète
a dit lors du Pèlerinage d'Adieu (Hajjat al-Wadâ`),
s'adressant aux foules des Musulmans: «Je suis sur le point d'être
appelé (par Allah) et de répondre (à cet appel). Je
vous laisse les Deux Poids: Le Livre d'Allah, et ma progéniture,
les Gens de Ma Maison. (Allah) le Subtil et le Bien-Informé m'a
appris qu'ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils me rencontrent
auprès du Bassin (au Paradis). Regardez donc comment vous
les traiterez après ma disparition».
L'Imam Ja`far al-Çâdiq
a expliqué pour sa part quel est le fondement légal des décrets
religieux chez les Imams d'Ahl-ul-Bayt. Sourah Ibn Kulayb rapporte: «J'ai
demandé à Abî `Abdullâh (l'Imam al-Çâdiq):
«Quelle est la source du décret émis par l'Imam?».
Il m'a répondu: «Le Livre Saint"». Je lui ai dit: «Et
lorsqu'il s'agit de quelque chose qui ne figure pas dans le Livre!».
Il a répondu: «La Sunnah». Je lui ai demandé
encore: «Et lorsqu'il s'agit de quelque chose qui ne figure ni dans
le Livre ni dans la Sunnah!». «Il n'existe pas une chose qui
ne figure ni dans le Livre ni dans la Sunnah» m'a-t-il répondu».
L'Imam Mohammad al-Bâqer,
quant à lui, a expliqué clairement que la source des décrets
des Imams d'Ahl-ul-Bayt remonte obligatoirement à leur grand-père,
le Saint Prophète. Ainsi, s'adressant à l'un de ses compagnons,
Jâbir, il lui dit: «O Jâbir! Si les décrets que
nous émettons à l'adresse des gens exprimaient nos opinions
personnelles, nous aurions péri. Mais nous fondons nos décrets
sur le patrimoine que le Prophète nous avait laissé et sur
les fondements d'une science que nous héritons de père en
fils et que nous préservons (thésaurisons) précieusement,
tout comme thésaurisent ces gens-là leur or et leur argent».
Il ressort de ce
qui précède que tout ce qui a été fait, dit
et émis par les Imams d'Ahl-ul-Bayt ne s'écartait point du
Saint Coran et exprimait le contenu du Livre d'Allah et de la Sunnah
du Prophète. C'est pourquoi leur tradition est devenue l'un des
fondements de la Loi et l'une des sources de la législation.
Tous les Messages
et les Lois divins firent l'objet d'altérations et de falsifications.
Tel fut le cas avec la Tora du judaïsme et les Evangiles du Christianisme.
Au regard de lhistoires, il sest avéré que ces Livres censés
être la Parole de Dieu sont différents dans leurs contenus
de ce qui fut révélé au Prophète Moïse
et au Prophète Jésus. Le Coran est le seul Livre divin qu'Allah
a préservé de toute modification et de toute altération.
En effet, Allah dit
dans le Saint Coran:
«C'est Nous
qui avons fait descendre le Rappel (Le Coran) et c'est Nous qui le maintenons
intact». (Sourate
al-Hijr, 15: 9)
et:
«Il Nous
appartient de le rassembler et de le lire». (Sourate al-Qiyâmah,
75 : 17)
Les Musulmans de
génération en génération prirent un soin particulier
pour préserver ce Livre divin, le protéger, l'apprendre par
coeur, l'enregistrer dans des livres, prendre toutes les précautions
nécessaires afin de s'assurer que pas une lettre n'y soit rajoutée
ni n'en soit supprimée. Mais si cette première source de
la Loi divine a pu être préservée de toute altération
grâce à la Volonté d'Allah, la Sunnah, la deuxième
source de la Législation, de la pensée et de la croyance
islamiques fut la proie des falsificateurs et des inventeurs qui, animés
par de vilains desseins politiques et de bas intérêts, se
permirent de la modifier, de laltérer par des rajouts et des soustractions,
imputant au Saint Prophète ce qu'il n'avait ni fait ni dit ou dénaturant
ce qu'il avait fait et dit. Le Prophète, conscient de ce grave danger,
de son vivant, avait pourtant mis en garde les Musulmans contre les falsificateurs,
notamment lors du Pèlerinage d'Adieu:
«Les
falsificateurs de ma Sunnah ont augmenté en nombre et vont augmenter
encore plus après moi. Quiconque m'attribue volontairement quelque
chose de faux, aura réservé sa place dans l'Enfer. Et quiconque
vous rapporte un hadith (une tradition: parole ou acte) qui me soit attribué,
examinez-le à la lumière du Livre d'Allah et de ce qui est
établi de ma Tradition. Acceptez-en ce qui concorde avec le Livre
d'Allah et ma Tradition, et rejetez-en ce qui contredit le Livre d'Allah
et ma Tradition».
La falsification
de la Sunnah avait pris diverses formes. La pire forme de falsification
était l'invention, c'est-à-dire attribuer au Saint prophète
ou aux Saints Imams une tradition qui n'avait d'existence que dans l'imagination
et dans l'esprit malsain de l'inventeur. Définissant cette forme
de la falsification du Hadith, al-Chahîd al-Thânî
écrit: «C'est la pire des catégories du Hadith
faible. Et il n'est permis de le citer qu'en soulignant son caractère
de hadith inventé».
Ainsi les corpus
de Hadith furent remplis de Traditions inventées et les mémorisateurs
de Hadith citaient des dizaines de milliers de traditions inventées,
qu'on trouve notamment dans les panégyriques des personnes et des
cités.
Et ceci répondait
à un dessein politique perfide et faisait partie de la propagande
politique qui avait pris des proportions considérables au début
du règne Omayyade, après l'an 40 A.h.
D'un autre côté,
l'invention de hadith répondait parfois à un autre
motif. Certains personnages qui prétendaient vouloir encourager
les actes recommandés (et non obligatoires) pensaient qu'il n'était
pas préjudiciable d'attribuer au Saint prophète certains
bons actes afin d'inciter les gens à faire le bien.
Pour se faire une
idée juste des proportions démesurées qu'avait atteintes
l'invention de hadith, il est utile de rappeler que le célébrissime
rapporteur de Hadith, al-Bokhârî, pour compiler son
corpus, a trié environ quatre mille traditions censées être
dignes de fois sur un total d'environ six cent cinquante mille traditions
attribuées au Saint Prophète! Quant à Ahmad IbnHanbal,
il a trié les traditions qui forment son corpus (Mosnad)
parmi sept cent cinquante mille traditions qui lui avaient été
proposées. C'est du moins ce qu'ont affirmé eux-mêmes
ces deux géants rapporteurs de hadith.
Al-Sayyed al-Murtadhâ
parlant des inventions et des falsifications de hadith introduites
par les Extrémistes (Ghulât), écrit dans son
livre, "al-Ghorar wal-Dorar :
«On rapporte
que lorsque Mohammad Ibn Solaymân, le gouverneur de Kûfa sous
le Califat d'al-Mançûr arrêta un nommé Abdul-Karîm
Ibn al-`Awjâ', celui-ci déclara, lorsqu'il apprit la virtualité
de son exécution: ... J'ai glissé parmi vos hadith
quatre mille faux hadith inventés de toutes pièces».
Il convient de noter
ici, que l'épreuve dramatique et les divisions successives que les
Musulmans n'ont cessé de subir depuis des siècles sont dues
essentiellement à la falsification des Traditions du Saint Prophète
et des Nobles Imams d'Ahl-ul-Bayt. Sans cette falsification, ce profond
fossé qui sépare les Musulmans et ce grave différend
doctrinal et législatif qui les divisent n'auraient pas existé.
Quelques
Exemples de Hadith Inventés
.:Retour au sommaire:.
Un des exemples
de hadith inventés est celui-ci: «Mes Compagnons
sont comme les étoiles. N'importe lequel d'entre eux que vous suivriez,
vous serez bien guidés». Or, ce hadith fabriqué
se trouve à l'origine de beaucoup et de fausses idées et
de concepts erronés relatifs à la Sunnah et aux Compagnons.
Pourtant les grands
rapporteurs de Hadith ont affirmé qu'il s'agit d'un propos
faussement attribué au Saint Prophète. Ainsi, Ibn Qayyim
al-Jawziyyah a écrit franchement que ce hadith est inventé.
Quant à al-Thahabî, il a émis des réserves sur
son authenticité et a souligné la malhonnêteté
et la nature mensongère de son rapporteur, Ja`far Ibn `Abdul-Wâhid
al-Hâchimî, en s'appuyant sur les opinions des biographes (les
auteurs de biographie des rapporteurs de Hadith). Et il dit à
son propos: «Le hadith de "Mes Compagnons sont comme les étoiles..."
est l'un de ses mauvais coups».
Pour Ibn Taymiyyah:
«Le hadith de "Mes Compagnons sont comme les étoiles..."
est mis en doute par les imams de hadith, il est donc sans valeur
juridique».
Un autre exemple
de hadith inventé, c'est: «Je vous commande ma Tradition
et celle des Califes-bien-Dirigés et bien-guidés. Retenez-les
avec vos dents». Il suffit d'en vérifier la chaîne de
transmission pour constater que c'est une parole imputée faussement
au Saint Prophète. En effet, dans cette chaîne de transmission
figurent deux noms, Baqiyyah Ibn al-Walîd et `Abdullâh Ibn
`Amr al-Salamî, dont l'honnêteté est mise en cause par
les imams de Hadith. Ainsi, Ibn `Ayyinah dit à propos du
premier nommé: «N'écoutez pas ce que rapporte Baqiyyah...».
Et selon Yahyâ Ibn Mu`în, parlant du même Baqiyyah Ibn
al-Walîd: «S'il rapporte des hadith cités par
des gens dignes de foi, tel que Çafwân Ibn `Amr et d'autres,
d'accord. Mais s'il cite à l'appui des hadith rapportés,
des inconnus (tels que ceux qu'il cite concernant le hadith ci-dessus),
il faut le négliger...». Quant à Abû Mus-her,
il écrit à son propos: «Les hadith rapportés
par Baqiyyah ne sont pas sans tache. Méfiez-vous-en donc».
Selon Ibn Hajar: «Al-Bayhaqî écrit dans Al-Khilâfiyyât:
«Il est admis unanimement que Baqiyyah n'est pas une référence
valable».
Concernant le second
nommé, `Abdul-Rahmân Ibn `Omar al-Salamî, Ibn Hajar
écrit: «Selon al-Fattân al-Facî, il n'est pas
valable, parce que inconnu...».
L'Enregistrement
du Hadith
.:Retour au sommaire:.
Le Prophète
avait à sa disposition un nombre de scribes dits les scribes de
la Révélation, dont la fonction consistait à écrire
les Révélations sur les peaux, les branches de palmier, les
os etc., auxquels s'ajoutaient des mémorisateurs et des lecteurs
parmi les Compagnons, dont la tâche était d'apprendre par
coeur et d'étudier le Texte révélé.
En revanche, la
Sunnah du Prophète ne connut pas les mêmes soins, du
vivant de ce dernier et ne bénéficia pas de la présence
de scribes particuliers chargés de l'enregistrer sous ses différentes
formes: parole, acte et approbation tacite (taqrîr). Pourtant, on
rapporte du Saint Prophète qu'il a autorisé ses Compagnons
d'écrire le Hadith.
En effet, Abû
Dawûd, al-Hâkim et bien d'autres ont rapporté le témoignage
suivant de `Abdullâh Ibn `Amr Ibn al-`Âç:
«J'ai demandé
au Saint Prophète: Lorsque je t'entends dire quelque chose, pourrais-je
le noter? Il m'a répondu: «Oui». Je lui ai dit: Aussi
bien lorsque tu parles en état de colère qu'en état
de contentement? «Oui, répondit le Saint Prophète.
Car je ne dis que la vérité dans les deux cas».
Abû Hurayrah,
cité par al-Bokhârî, dit à ce sujet: «Aucun
des Compagnons du Prophète n'a entendu de lui plus de Hadith que
moi. À lexception de `Abdullâh Ibn `Amr, car lui, il écrivait,
moi non».
Selon al-Tirmithî,
citant Abû Hurayrah: «Un Ançârî qui
avait l'habitude de fréquenter le Saint Prophète, de l'écouter
et de s'intéresser à ce qu'il disait sans pouvoir le mémoriser,
s'en plaignit un jour auprès du Messager d'Allah. Celui-ci, faisant
un signe de la main, lui dit: «Aie recours à ta main droite».
Selon d'autres
hadith, le Saint Prophète dit: «Enregistrez le savoir
dans les livres».
Râfî`
Ibn Khodayj témoigne à ce propos: «J'ai demandé
au Saint Prophète: O Messager d'Allah! Lorsque nous t'entendons
dire quelque chose, pouvons-nous le noter?. Il répondit: Écrivez-le
sans aucun embarras».
Tous ces récits
confirment l'autorisation donnée par le Saint Prophète à
ses Compagnons d'enregistrer le Hadith.
D'autres récits
affirment qu'il a appelé ses disciples à mémoriser
le Hadith et à le diffuser parmi les Musulmans. En voici
quelques exemples:
«Qu'Allah embellisse
la face de quiconque ayant entendu ma parole, l'apprend par coeur, l'assimile
et la transmet telle quelle; car peut-être quun porteur de connaissance
(fiqh) ne serait pas connaisseur (faqîh) lui-même,
et peut-être quun porteur de connaissance pourrait transmettre celle-ci
à quelqu'un qui soit meilleur connaisseur que lui».
Et:
«Quiconque
parmi ma Communauté aura appris par coeur quarante de mes paroles
relatives à sa religion, pour la Face d'Allah (et dans l'espoir
d'en être récompensé dans) l'Au-delà, Allah
le ressuscitera en érudit et en savant le Jour de la Résurrection».
Il est évident
que l'un des moyens de la mémorisation et de la diffusion du Hadith
est l'écriture. Par conséquent, le fait de donner l'ordre
de mémoriser le Hadith implique l'autorisation de tout ce
qui serait à même de mener à bien l'exécution
dudit ordre. Bien plus, il implique l'obligation d'écrire le Hadith
si la sauvegarde de la Sunnah (la Tradition du Saint prophète)
et sa protection contre tous dangers de perte en dépendaient.
Un autre fait tendant
à corroborer la pratique de l'écriture à l'époque
du Saint prophète est constitué des lettres qu'il envoya
à des rois et des chefs d'Etat, sans parler des pactes et des accords
qu'il fit rédiger et qui ont été conservés.
Enfin, on rapporte
d'Ibn `Abbâs: «Lorsque la maladie du Prophète s'aggrava,
il dit: Apportez-moi de quoi écrire à votre intention une
lettre qui vous évitera de vous égarer après moi.
`Omar intervint alors et dit: Le Prophète est sous l'emprise de
la douleur. Nous avons le Livre d'Allah. Cela nous suffit. Les gens présents
tombèrent en désaccord et les bruits grandissant de la dispute
indisposa le Prophète qui s'écria: Allez-vous-en! Il n'est
pas convenable que vous vous disputiez chez moi. Sur ce Ibn `Abbâs
sortit en disant: Le grand malheur, tout le grand malheur réside
dans l'empêchement du Messager d'Allah d'écrire (son testament)».
Face à ces
récits concordants qui indiquent la tendance du Saint Prophète
à lencouragement de la pratique de l'enregistrement des Traditions,
il y a deux récits attribués au Messager d'Allah laissant
croire à son opposition à une telle pratique. En effet, selon
Ibn Sa`îd al-Khidrî: «Le Prophète a dit: N'écrivez
de ce que je dis que lCoran et Quiconque a écrit de ce que je
dis, autre chose que le Coran, qu'il l'efface».
Lorsqu'on confronte
les récits parfois contradictoires et opposés relatifs à
la position du Saint Prophète vis-à-vis de l'enregistrement
de la Sunnah, il n'est pas difficile de déduire qu'il tendait
à y souscrire. Aussi, une partie des grands Compagnons, tels que
l'Imam `Ali et son fils l'Imam al-Hassan comprirent-ils cette tendance,
l'adoptèrent et s'y conformèrent. En témoigne cette
déclaration de l'Imam `Ali, cité par al-Suyûtî:
«Lorsque vous écrivez le Hadith, faites-le en en mentionnant
la chaîne de transmetteurs». Ils furent suivis par les autres
Imams d'Ahl-ul-Bayt et par la deuxième génération
des compagnons (al-Tâbi`în). Dautre part, les uléma
musulmans finirent par adopter définitivement la même attitude,
en s'appliquant à l'écriture systématique du Hadith.
Sans cet enregistrement, la Sunnah du Prophète aurait disparu
et l'humanité aurait perdu la plus grande richesse de son histoire.
Ibn Salâh soulignant
l'importance capitale de l'enregistrement du Hadith écrit:
«Sans son enregistrement dans des livres, le Hadith aurait
disparu pendant ces derniers siècles».
Et c'est justement
la crainte de voir disparaître les traces du Hadith, qui a
conduit le Calife `Omar Ibn `Abdul-Azîz à donner l'ordre de
l'enregistrer sous son califat (99 - 101 A.H.).
Mais entre-temps,
malheureusement, de longues décennies s'étaient écoulées,
pendant lesquelles les autorités califales qui s'étaient
succédé à la tête du jeune État islamique
avaient pris une position très hostile à l'enregistrement
du Hadith, sous divers prétextes, laissant le champ libre aux falsificateurs
de tous poils et à tous ceux qui désiraient manier la Tradition
au gré de leurs intérêts ou de leurs sentiments.
En effet, l'histoire
nous apprend que les Califes Abû Bakr, `Omar et `Othmân, suivis
par les Califes Omayyades - jusqu'au califat de `Omar Ibn `Abdul-`Azîz
- interdirent l'enregistrement du Hadith.
Ainsi, Abû
Bakr avait rassemblé les gens après le décès
du Prophète et leur dit: «Vous attribuez au Messager d'Allah
des propos sur lesquels vous divergez, et les gens après vous, encore
plus que vous. Abstenez-vous donc de rapporter les paroles du Prophète.
Et si on vous pose une question, répondez: Il y a entre vous et
nous le Livre d'Allah. Considérez comme licite tout ce qu'il a rendu
licite et comme illicite tout ce qu'il a rendu illicite.»
Parlant du même
sujet sous le Califat de `Omar, Ibn Sa`d écrit dans ses "Tabaqât":
«Les hadith attribués au Messager d'Allah ayant crû
considérablement sous le Califat de `Omar Ibn al-Khattâb,
celui-ci demanda aux gens de les lui apporter. Lorsqu'ils sexécutèrent,
il donna l'ordre de brûler tous les hadith ainsi rassemblés».
Quant à `Othmân
Ibn `Affân, il donna l'ordre, lors d'un discours, d'interdire la
citation de tout hadith attribué au Messager d'Allah, s'il
n'était pas rapporté sous les Califats d'Abû Bakr et
de `Omar: «Personne, dit-il, n'a le droit de rapporter un hadith
qui ne fût entendu ni à l'époque d'Abû Bakr ni
à l'époque de `Omar».
Mu`âwiyah,
exploita cette interdiction de l'enregistrement du hadith, et s'en
servit dans son conflit avec l'Imam `Ali d'abord et dans la campagne qu'il
mena par la suite contre sa famille, lorsqu'il s'empara du pouvoir en vertu
du Traité de réconciliation avec l'Imam al-Hassan, où
il donna l'ordre aux traditionnistes et aux rapporteurs de Hadith de s'abstenir
de citer tout propos du Messager d'Allah évoquant les vertus et
les hautes qualités de `Ali Ibn Abî Tâlib.
Al-Madâ'inî
écrit à ce propos dans son livre "Al-Ahdâth": «Mu`âwiyah
rédigea une note à l'intention de ses gouverneurs, après
le Traité de Réconciliation, dans les termes suivants:
Quiconque
rapporte quoi que ce soit des vertus d'Abî Turâb (`Ali Ibn
Abî Tâlib) et de sa famille son sang sera répandu...»
On comprend facilement,
dans ces conditions pourquoi et comment la
Sunnah du Prophète
souffre de tant de controverse depuis la disparition du Messager d'Allah.
La
Bid`ah (l'invention, lhérésie)
.:Retour au sommaire:.
Nous avons déjà
appris le sens du terme Sunnah. Pour en approfondir notre connaissance,
il est opportun davoir quelques notions de son opposé, le mot "bid`ah"
(invention, hérésie).
Bid`ah signifie,
linguistiquement, inventer. Et en tant que terme technique islamique,
ce mot désigne ce qu'on invente dans la religion et ce qui n'a pas
de racine dans le Coran et la Sunnah. On dit bid`ah (invention)
parce que celui qui la professe l'a inventée (ibtada`a) lui-même.
Donc, bid`ah
est tout ce qui est intrus dans la religion et qui n'en fait pas partie
à l'origine. Or, le Saint Prophète avait mis les Musulmans
en garde contre les hérésies dans les termes suivants:
« La meilleure
des paroles est le Livre d'Allah, la meilleure guidance, c'est celle
de Mohammad, et les pires des choses ce sont les choses inventées,
et toute chose inventée (dans la religion) est un égarement».
Pour nous résumer,
la bid`ah est à l'opposé de la Sunnah. Et les
bida` (pluriel de bid`ah), les hérésies ou
les choses inventées, consistent en tout ce qui a été
rajouté à la Religion et qui n'avait pas d'origine dans le
Livre d'Allah ni dans la Sunnah de Son Messager, mais que certains
persistent pourtant à le considérer comme faisant partie
de la Charî`ah (la Loi islamique).
Les hérésies
visent à faire dévier l'Islam et à introduire dans
la structure de cette religion des idées, des croyances et des pratiques
qui lui sont étrangères.
Les autres religions
ayant souffert de l'intrusion des hérésies dans leurs Messages
et de la déviation qui s'en était suivie, le Coran a averti
les gens du danger de ces hérésies idéologiques et
comportementales :
«... et
la vie monastique qu'ils ont instaurée - nous ne la leur avions
pas prescrite - uniquement poussés par la recherche de la satisfaction
de Dieu. Mais ils ne l'ont pas observée comme ils auraient dû
le faire». (Sourate
al-Hadîd, 57 : 27)
Pour préserver
la pensée, la Loi et la conduite islamiques de toutes hérésies
et de toute déviation, l'Islam a imposé aux Musulmans en
général et à leurs uléma en particulier l'obligation
de combattre les éléments hérétiques qu'on
injecte dans la Religion sous forme de pensées, philosophies et
théories, ou qui s'y introduisent par des pratiques et des conduites
qui nont rien dislamique. Cette obligation a été affirmée
et confirmée dans des paroles attribuées au Saint Prophète
et aux Imams d'Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon la chaîne de transmission
des Ahl-ul-Bayt, le Prophète a dit: «Lorsque les hérésies
apparaîtront au sein de ma Communauté, que le `Âlem
(le savant musulman) mette en évidence son savoir, et s'il ne le
fait pas, qu'Allah le maudisse».
Et dans un de ses
discours, l'Imam `Ali a lancé cet avertissement dans le même
sens: «O gens! Le Commencement des dissensions, c'est la soumission
à des caprices et l'invention de lois, dans lesquelles on s'oppose
au Livre d'Allah, et des hommes deviennent les maîtres d'autres hommes.
Si le faux était purement faux, les demandeurs de la vérité
le découvriraient facilement. Et si la vérité restait
une pure vérité, elle ne conduirait pas à des divergences.
Mais le malheur est que l'on prend une partie du faux et une partie de
la vérité que l'on mélange pour les présenter
comme un ensemble...»
Et selon l'Imam al-Çâdiq:
«Toute hérésie est un égarement et tout égarement
conduit en Enfer".
Zarârah l'un
des Compagnons de l'Imam al-Çâdiq témoigne: «J'ai
demandé à Abû `Abdullâh al-Çâdiq
de me définir le licite et l'illicite. Il m'a répondu: «Ce
qui a été rendu licite par Mohammad restera licite jusqu'au
Jour de la Résurrection, et ce qui a été décrété
illicite par lui demeurera illicite jusqu'au Jour de la Résurrection.
Rien ne peut s'y rajouter».
Et selon l'Imam `Ali:
«Personne n'aura inventé une hérésie sans abandonner
en échange une Tradition (Sunnah)».
Ceci dit, une mise
au point et une précision simposent afin déviter tout équivoque
et tout abus danlemploi du mot bid`ah. Pour être considérée
comme hérétique, une pensée ou une pratique doit comporter
deux éléments associés: 1- lorsquelle serait, évidemment,
étrangère à la Foi; 2- et que son tenant la considère
comme faisant partie de la Foi. Donc, si un Musulman invente quelque chose,
cette invention n'est considérée comme une hérésie
opposée à la Sunnah (ni comme un acte interdit ou
illicite) que s'il l'introduit dans la religion en la considérant
comme une partie d'elle, et que si cette invention était opposée
au Coran et à la Sunnah. De là, le fait de célébrer
l'anniversaire de la naissance du Prophète, par exemple, n'est pas
une bid`ah interdite, bien que cette commémoration soit une
nouveauté et qu'elle ne fût pratiquée ni par le Prophète
ni par les Compagnons qui vécurent à son époque.
Il en va de même
pour l'ornement du Coran ou des mosquées, lequel ne constitue pas
une hérésie illégale. Donc, le critère de la
notion de bid`ah est le fait d'introduire dans la religion ce qui
n'en fait pas partie, et de le considérer comme une partie d'elle.
Le
Rapport entre la Sunnah et le Coran
.:Retour au
sommaire:.
Il y a des liens
législatifs et dinterprétation entre la Tradition du Prophète
et le Coran. Ils peuvent être résumés comme suit:
I.- La Sunnah
du Prophète particularise le général dans le Coran
Certains versets
coraniques ont un caractère général; par conséquent
les lois qu'ils renferment sont de portée générale
et sans restriction apparente. Cest la Sunnah qui (pour des raisons
dont le Prophète a pris connaissance soit à travers la Révélation,
soit par inspiration quAllah lui donne) s'est appliquée à
particulariser beaucoup de cas de généralité et à
excepter une partie des individus compris dans ces généralités
de la portée des lois.
II.- La Sunnah
restreint le caractère de ce qui est absolu dans le Coran
Il convient tout
d'abord de définir ce qui est absolu et ce qui est restreint avant
d'aborder la compétence de la Sunnah à restreindre
les dispositions et les concepts révélés sous une
forme absolue dans le Livre d'Allah.
Une parole absolue
est une parole qui ne comporte aucune restriction ni réserve ni
condition, liée au temps, à l'espace, à la quantité
ou à la qualité... L'exemple en est cet énoncé:
«Donnez
de l'aumône au pauvre».
Le mot pauvre dans
cet énoncé est sans restriction ni condition. Par conséquent,
l'ordre donnez l'aumône s'applique ici à tout pauvre.
Quant à
une parole restreinte, c'est une parole assortie de conditions et limitée
par des restrictions et des réserves qui réduisent le champ
de l'absolu.
L'exemple en est
cet énoncé: «Donnez de l'aumône au pauvre
pieux». Ici le mot "pieux" apporte une restriction au mot
"pauvre".
En vertu de cette
restriction, l'ordre de donner l'aumône ne bénéficie
qu'au pauvre pieux. Il ne profite pas à tout pauvre, comme dans
l'énoncé précédent.
Revenons à
présent à notre sujet pour expliquer que les dispositions
de loi et les concepts apportés par les versets coraniques sont
parfois de caractère absolu et parfois de caractère restreint.
Et il est établi législativement chez les uléma que
la Sunnah du Prophète a compétence pour restreindre
ce qui est absolu dans le Coran. Prenons-en un exemple: Dans le verset
coranique suivant: «O vous les croyants! Obéissez à
Allah! Obéissez au prophète et à ceux d'entre vous
qui détiennent l'autorité» (Sourate al-Nisâ',
4 : 59), l'expression "ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité"
a un caractère absolu et non restreint, car le verset, considéré
indépendamment de son contexte, rend obligatoire l'obéissance
à tout gouvernant, abstraction faite de sa qualité d'intégrité
ou de déviation, mais le Prophète qui est chargé d'expliquer
le Coran a restreint l'obligation d'obéir au gouvernant, à
la condition que celui-ci ne désobéisse pas à Allah,
en déclarant: «Pas d'obéissance à une créature,
lorsqu'elle désobéit au Créateur».
Cette restriction
apportée par le Prophète n'est qu'une explication fondée
sur la signification de nombreux autres versets coraniques qui appellent
à la justice et à l'intégrité et interdisent
l'injustice, la corruption et le péché, et dont la portée
constitue une restriction au verset précité.
III. La Sunnah
explique ce qui est global (mojmal) dans le Coran
Beaucoup de versets
coraniques relatifs à la législation et à la doctrine
ont été révélés sous une forme globale
(mojmal) et non expliqués, et c'est le Prophète qui
s'est chargé de leur explication et de l'éclaircissement
de leur signification, et ce de différentes façons:
a-
L'explication par la parole:
Le Prophète
s'est appliqué à travers ses paroles à expliquer beaucoup
de versets équivoques ou polyvalents en éclaircissant leur
signification, et les Musulmans les ont compris grâce à cette
explication verbale.
b-
L'explication par écrit:
Le Saint Prophète
a adressé des dizaines de lettres à ses gouverneurs et aux
rois et chefs d'État des quatre coins du monde à l'époque.
De plus, il a fait enregistrer beaucoup de pactes et d'engagements. Or,
certains paragraphes de ces lettres et pactes écrits apportent des
éclaircissements à certaines notions globales dans le texte
coranique.
c-
L'explication par l'acte:
Le Saint Prophète
a apporté des éclaircissements et des détails, à
certains énoncés coraniques globaux, par sa pratique et par
sa façon d'appliquer le contenu de ces énoncés, comme
il l'a fait dans sa prière, son ablution, son pèlerinage.
En effet, ces obligations ont été décrétées
dans le Coran d'une façon globale, et sans que la forme de leur
application fût détaillée. Les Musulmans ont compris
et appris leur procédure d'application en voyant le Prophète
faire la prière, l'ablution et le pèlerinage.
Les uléma
ont souligné que l'acte ou l'action du Prophète ne peut constituer
une explication (d'un énoncé coranique) que dans deux cas:
1- Lorsqu'on s'assure
que son acte vise expressément à éclaircir une notion
coranique globale, par exemple, lorsqu'il dit: «Priez comme vous
m'avez vu prier».
2- Lorsqu'on apprend
par le bon sens que son acte vise à éclaircir une notion
globale, par exemple lorsqu'il illustre l'explication d'un texte coranique
par un acte ou une conduite.
d-
L'explication par le geste:
En effet, il arrivait
que le Prophète expliquait un concept global par le geste, comme
il l'a fait en montrant deux fois les dix doigts des deux mains et une
troisième fois neuf doigts seulement pour expliquer que le mois
lunaire peut être de 29 jours et non seulement de 30 jours, comme
les gens le concevaient à lépoque.
e-
L'explication par l'abandon (tark):
Un autre mode d'explication
des statuts du Coran par le Prophète consiste à renoncer
à un acte après l'avoir fait expressément. En accomplissant
ledit acte dont l'énoncé est dans le Coran, on apprend que
l'énoncé s'applique à lui et à sa communauté
et lorsqu'il y renonce, on apprend qu'il sort du cadre du général.
IV. La Sunnah
abroge-t-elle une disposition coranique?
Le terme "abrogation"
(naskh) est connu chez les Musulmans. Il y a abrogation lorsquune
loi en annule une autre, conformément aux intérêts
de l'humanité et compte tenu de la progression de la communication
du Message divin. Il y a eu abrogation dans le Coran, lorsqu'un verset
coranique en a abrogé un autre. Mais ce type de changement se limite
à un nombre réduit de statuts.
Les uléma
ont estimé qu'il est possible que la Sunnah puisse abroger une disposition
énoncée dans un verset coranique, tout comme il est possible
qu'un verset coranique en abroge un autre. Mais ils se hâtent de
précque cette possibilité est une recherche purement théorique
et n'a pas d'application dans la réalité, car il n'y a aucun
verset coranique qui eût été abrogé par une
Tradition Prophétique. Et ils ajoutent que si une telle abrogation
s'était produite effectivement, nous ne pourrions pourtant la considérer
comme vraie que si elle a été confirmée par diverses
sources concordantes. Car un hadith rapporté par une source
unique est considéré comme conjectural, et il est incorrect
de se fonder sur cette source conjecturale pour admettre l'abrogation d'un
statut coranique dont la provenance d'une source divine est certaine, étant
énoncé par un verset coranique. Or, la règle professe
que ce qui est conjectural ne saurait abroger ce qui est certain.
Il convient de
noter maintenant que la compétence de la Sunnah pour particulariser
une loi coranique générale, ou limiter la généralité
de cette loi ou pour l'expliquer et la détailler est fondée
sur trois bases:
1- Le fait que
le Messager d'Allah comprend ce qu'Allah vise dans tel ou tel autre statut
coranique. Il connaît donc la loi absolue à laquelle une restriction
a été apportée ou un statut général
dont la portée a été limitée dans d'autres
endroits du Coran. Aussi intervenait-il expliquer au commun des mortels
cette limitation et cette restriction.
2- Parfois l'explication
(la limitation ou la restriction) d'un statut coranique par la Sunnah
est fondée sur le fait qu'Allah a inspiré à son Prophète
un cette explication législative ou doctrinale.
3- Parfois la limitation
ou la restriction que la Sunnah apporte à un statut coranique
repose sur le fait que le Prophète était doté de compétences
propres à sa qualité d'autorité légale que
l'intérêt général ou la nécessité
conduit à restreindre et à particulariser ce qui semblait
avoir un caractère absolu.
Ainsi, les limitations
et les restrictions apportées par la Sunnah à des
statuts coraniques absolus ou généraux, ou les explications
détaillées qu'elle donne à une loi globale, reposent
sur des fondements et des justifications législatives qui résident
dans le fait que le Prophète était d'une part le rapporteur
ou l'explicateur de la Législation islamique, et d'autre part, le
gouvernant de la Ummah (la Nation Musulmane).
La
Science du Hadith
.:Retour au sommaire:.
`Ilm al-Hadith
est la science qui étudie le texte (le contenu) du Hadith,
et la chaîne de ses transmetteurs (ou rapporteurs) afin de déterminer
si un hadith est acceptable, rejeté ou probable.
Étant donné
que la Sunnah du Prophète est la seconde source de la Législation
et du Savoir islamiques, et qu'elle s'adresse aux Musulmans de toutes époques
et de toutes contrées pour qu'ils se conforment à ses statuts,
à ses concepts et à ses directives, mais qu'en raison des
intervalles temporels entre le Prophète et les générations
nées après sa disparition, ou des obstacles qui empêchaient
certains de ses contemporains d'avoir un contact direct avec lui, les Musulmans
n'ont la possibilité d'avoir accès à la Sunnah
et de connaître son contenu que par des moyens de communication indirects.
En effet, les moyens de communication du savoir à l'époque
du Prophète se limitaient à deux instruments:
1- La communication
orale des paroles, actes ou approbations tacites du Prophète - par
ceux qui avaient l'occasion directe dentendre ses paroles, dassister
à ses actes et de le voir en approuver tacitement dautres (actes).
2- L'écriture
des paroles, des actes et des approbations tacites du Prophète,
afin de permettre à ceux qui n'y assistaient pas directement, d'en
avoir connaissance.
Malheureusement ce
savoir instrumental accumulé chez les Musulmans et communiqué
par les rapporteurs du hadith soit oralement soit par
écrit, n'était
pas fidèlement transmis dans son intégralité. Il a
fait l'objet, en effet, de subversion, de modification tendancieuse et
d'altération malsaine. Déjà du vivant même du
Prophète, des propos et des actes lui avaient été
faussement attribués. Que dire de ce qui s'est passé après
sa mort, où il était autrement plus difficile de contrer
une information incorrecte ou tendancieuse le concernant. De plus, les
motivations politiques et politiciennes, les idéologies et les écoles
de pensées déviationnistes, les complots des ennemis de l'Islam
ont joué un grand rôle dans l'altération de la Sunnah.
Beaucoup de propos et d'actes du Prophète ont été
effacés de la Sunnah et beaucoup de faux hadith sy sont
glissés.
À cette action
subversive s'ajoutent les cas de perte et d'oubli involontaires dus à
la faillibilité des hommes.
Pour toutes ces raisons
et bien d'autres, les uléma de l'Islam ont été amenés
à fonder une science spéciale, en l'occurrence, la Science
de Hadith qui a pour objet d'étudier les personnalités des
rapporteurs de Hadith et le texte du Hadith, et de connaître
les degré de véracité des hadith attribués
au Prophète.
En dautres termes,
les uléma spécialisés, souciex de parvenir au texte
provenant réellement du Prophète et des Imams dAhl-ul-Bayt,
pour pouvoir l'adopter comme une source de la Législation et un
fondement de la structure idéologique et culturelle de la Ummah,
ont élaboré une méthode de recherche pluridisciplinaire
quils ont appelée la Science ou les Sciences du Hadith
dont les principales branches sont:
1- La Science
des rapporteurs de Hadith (`Ilm al-Rejâl)
2- La Science
des Fondements du Texte (`Ilm al-Derâyah)
La première,
la Science des Rapporteurs de Hadith, se propose d'étudier les caractéristiques
de ceux qui rapportent et transmettent le hadith, c'est-à-dire les
caractéristiques qui permettent d'opter pour l'acceptation ou le
rejet du hadith qu'ils rapportent, en tenant compte de leur moralité
ou caractère- sincère, digne de foi ou menteur (al-Jarh
wa-l-Ta`dîl)- et de leur capacité de bien saisir le texte
du hadith et de le transmettre correctement, de leur célébrité
(connus ou inconnus), de leurs rites, doctrines et de tendances, de leurs
générations (l'époque dans laquelle a vécu
chacun d'eux), afin de déterminer si le hadith rapporté
était réellement cité par tel ou tel rapporteur. Bref,
cette science vise à apporter des renseignements complets sur la
personnalité du rapporteur de Hadith afin de déterminer
avec justesse sil faut rejeter le hadith qu'il rapporte ou l'accepter
comme une source de la Loi.
Ainsi, la Science
des Rapporteurs de Hadith, est la science des chaînes de transmission
ou la science de recherche des hommes qui constituent la chaîne de
transmission. Fait corps avec la Science de rapporteurs de hadith,
la science des biographies, laquelle étudie les personnalités
des uléma, des rapporteurs de hadith et d'autres, et fournit
ainsi des renseignements supplémentaires à la Science des
Rapporteurs de hadith, en projetant la lumière
sur les personnalités
de ces derniers et sur les circonstances et les conditions politiques,
historiques et idéologiques dans lesquelles ils ont vécu
et évolué.
Quant à la
Science des Fondements du Texte (matn), elle étudie les fondements
du texte, les influences et les modifications qu'il a pu subir,
ainsi que d'autres aspects susceptibles d'aider le chercheur à évaluer
le texte et à déterminer dans quelle mesure il pourrait
être digne de foi.
Le texte ou le "matn",
c'est le texte attribué au Prophète ou à l'Imam, tel
qu'il nous est parvenu. Et on a défini le texte du hadith
comme étant le vocabulaire du hadith qui en indique le sens.
Ainsi, les deux Sciences
(celle des Rejâl et celle de Derâyah) se complètent
dans l'objectif. Elles visent à étudier la chaîne et
le texte du hadith afin d'en déterminer l'authenticité
ou la fausseté, le degré de la certitude le concernant, les
influences ou les modifications que ses éléments (ses mots)
auraient pu subir et qui pourraient entamer son intégrité,
ce qui permet de classer chaque hadith parmi les textes à
adopter ou à rejeter, ou encore dopter pour un hadith plutôt
que pour un autre - lorsqu'il y a opposition entre les deux - en fonction
de l'existence d'éléments positifs dans la chaîne ou
le texte dudit hadith, faisant pencher la de son côté
aux dépens de l'autre.
Le
Besoin d'une Science de Rapporteurs de Hadith
.:Retour au
sommaire:.
Nous avons déjà
défini la Science des Rapporteurs de Hadith comme étant
la science qui se charge d'étudier les conditions et les personnalités
de ces derniers, c'est-à-dire de vérifier: dans quelle mesure
ils sont dignes de foi ou capables de rapporter correctement le texte,
quelles sont leurs appartenances doctrinales, dans quelles époques
ils ont vécu etc...
Un débat
scientifique s'est engagé entre les uléma sur la pertinence
de cette science. Une partie d'entre eux, les Akhbârites ont
soutenu la thèse de l'inutilité d'un telle science en alléguant
que les hadith enregistrés dans les corpus de référence,
tels "Al-Kâfî" d'al-Kulaynî, "Al-Tahthîb", d'al-Tûcî,
"Al-Istibçâr" et "Man Lâ Yahdhoroh-ol-Faqîh" d'al-Çadûq
sont des hadith sains (çahîh: dignes de confiance),
puisque les théologiens qui les avaient compilés s'étaient
appliqués à les vérifier, et à les épurer
avant de les mettre à la disposition des lecteurs, et que par conséquent
il n'est nul besoin de les réétudier ni de les vérifier
à nouveau. De même, ont-ils ajouté, les Récits
(Riwâyât) que les faqîh renommés avaient
adoptés ou rejetés ne nécessitent pas que l'on en
réétudie ou en vérifie à nouveau, la chaîne
de transmission. Il faut donc, ont-ils conclu, les adopter en se fiant
au travail accompli par les faqîh renommés parmi nos prédécesseurs.
Ils ont émis le même avis concernant les corpus de hadith
"Al-Çihâh", tels que "Çahîh al-Bokhârî",
"Çahîh Muslim" etc.
Mais une autre
partie des uléma ont rejeté cette thèse, en affirmant
à l'appui de la méthodologie inductive et de la recherche
scientifique que les corpus de hadith en question ne renferment
pas que des hadith sains, et ne constituent donc pas une référence
totalement crédible. Ils pensent quil faut étudier les personnalités
des rapporteurs de hadith pour s'assurer de l'authenticité
de chaque hadith, soumettre ces hadith à l'examen
et à la recherche, et qu'on ne doit pas se contenter de la recherche
faite par les auteurs des corpus en cours.
Il est à
noter que cette dernière thèse a été corroborée
par la méthode inductive et par des preuves qui démontrent
que beaucoup de rapporteurs fréquemment cités dans les corpus
adoptés sont peu sûrs et ne méritent pas une confiance
totale. De plus, selon cette thèse, les hadith relatifs aux
statuts (ahkâm) et à la doctrine se trouvent dans des
livres autres que les corpus dont on prétend que les hadith
qu'ils contiennent sont authentiques.
Le grand faqîh
et Mujtahid, le défunt Âyatollâh Abul-Qâcim
al-Kho'î, parlant de la première thèse, celle qui appelle
à se contenter des corpus de hadith déjà compilés,
explique: «Un groupe de traditionniste allèguent que les hadith
qui figurent dans les quatre corpus sont absolument authentiques. Mais
cette affirmation est absolument fausse. Car comment pourrait-on prétendre
l'authenticité absolue d'un hadith transmis d'une source
unique à une autre source unique? Surtout lorsqu'il est établi
que parmi les rapporteurs de hadith figurant dans les quatre Corpus,
il y en a certains qui sont reconnus comme étant des menteurs et
des inventeurs».
On peut opposer
le même argument aux autres Corpus (Çihâh), tels
que Çahîh Muslim et Çahîh al-Bokhârî
etc.
Les
Qualités d'un Rapporteur dont le Récit est acceptable
Les uléma
de Hadith et des Fondements de la Jurisprudence ont exigé
quun rapporteur doive remplir les conditions suivantes pour accepter ses
récits:
1- La majorité:
Le rapporteur de hadith a dû être majeur lorsqu'il a
transmis ou rapporté son récit. Le récit d'un mineur
est donc rejeté.
2- La Sanité
d'esprit: Celui dont on accepterait le récit doit être sain
d'esprit. Le récit de l'aliéné et du malade mental
n'est pas admis.
3- L'intégrité
(`adâlah): Pour que le récit d'un rapporteur de hadith
soit admissible, il faut que celui-ci soit intègre, c'est-à-dire
non pervers, car Allah dit: «O vous les Croyants! Si un homme
pervers vient vous apporter une nouvelle, faites attention! Car si, par
inadvertance, vous portiez préjudice à un peuple, vous auriez
ensuite à vous repentir de ce que vous auriez fait». (Sourate
al-Hujurât, 49 : 6)
Mais certains uléma,
tel al-Cheikh al-Tûcî, ainsi qu'Abû Hanîfah affirment
que tout musulman est a priori intègre à moins qu'on n'établisse
sa perversion.
4- Le rapporteur
de Hadith ne doit avoir de traits de caractère contraires
à la distinction et à la délicatesse (muruwwah).
5- Le rapporteur
de Hadith doit avoir un esprit éveillé
et une capacité de précision dans la mémorisation,
qualités nécessaires pour préserver le récit
contre toute faute, toute altération, et toute erreur dans la lecture
et l'écriture etc. Il faut qu'il soit également capable de
percevoir ce qui pourrait altérer le sens d'un mot ou d'une expression
et de lire avec une correction parfaite.
6- Les uléma
acceptent le récit d'un rapporteur de hadith digne de foi,
abstraction faite de sa doctrine et de sa tendance idéologique.
La
Détraction (al-jarh) et la Défense (ta`dîl)
«Al-Jarh wa-l-Ta`dîl»
.:Retour au sommaire:.
Jarh,
c'est le fait de mettre en cause l'intégrité et la crédibilité
du rapporteur, en l'accusant, par exemple de mensonge, d'invention, de
tromperie etc.
Quant à
ta`dîl, c'est le fait d'établir l'intégrité
et la crédibilité du rapporteur.
La science de la
Détraction et la Défense est l'une des principales branches
de `Ilm al-Rejâl (la science des Rapporteurs de Hadith),
car la première tâche du chercheur en Science de Rejâl
est d'établir la véracité ou le manque de crédibilité
du rapporteur de Hadith.
Les
instruments utilisés dans l'établissement de la Détraction
et de la Défense
.:Retour au sommaire:.
Les principaux moyens
de l'établissement de la Détraction et de la Défense
du rapporteur sont les sens et la fréquentation. En effet, la démonstration
de la Détraction et de la Défense se fait par le témoignage
porté sur les conditions du rapporteur, et le témoin est
celui qui acquiert la connaissance d'une chose par les sens, en l'occurrence,
l'ouïe et la vue.
Au départ,
personne ne peut établir la Détraction du rapporteur ni témoigner
de son intégrité ou de sa crédibilité, excepté
celui qui a vécu avec lui et connu son comportement et les traits
de sa personnalité, et qui pourrait dès lors témoigner
de sa perversion ou de son intégrité et de sa crédibilité,
ou encore de son incapacité à transmettre correctement le
hadith etc.
C'est de ces témoins
qui fréquentaient les rapporteurs de Hadith que les autres
transmettent les témoignages de Détraction et de Défense,
et nous les relatent. Celui qui nous transmet un témoignage de Détraction
ou de Défense doit remplir une condition essentielle: la sincérité
et la crédibilité pour que le témoignage qu'il transmet
soit acceptable. Partant de ce principe, la présentation de rapporteurs
de Hadith, faite par des uléma de la Science de Rejâl,
qui ne soient pas contemporains des rapporteurs qu'ils nous présentent,
tels que, al-`Allâmah al-Hillî et Ibn Tâwûs etc...
n'est pas considérée comme un témoignage de détraction
ou défense d'un rapporteur de Hadith, mais une simple enquête
scientifique et une simple conviction à laquelle est parvenu un
expert dans le domaine, et rien de plus. Une telle présentation
est donc soumise à la critique et au débat, contrairement
au témoignage d'un témoin intègre, contemporain du
rapporteur, lequel (témoignage) est obligatoirement admis et adopté
tant qu'il n'y aura pas une preuve absolue de l'existence d'une erreur
dans ce témoignage, erreur
due à un oubli, à une méprise ou à tout autre
motif semblable.
Les uléma
de la Science du Hadith et des Fondements de la Jurisprudence, expliquent
que si le témoignage en faveur de l'intégrité d'un
rapporteur est admis, même lorsqil nest pas justifié, cest
parce que les raisons de l'intégrité sont trop nombreuses
pour être mentionnées, et qu'il faut quelles soient toutes
réunies pour qu'on puisse établir l'intégrité
d'un homme.
En revanche, le témoignage
tendant à la détraction d'un rapporteur, n'est admis que
si l'on en mentionne les motifs, car les opinions divergent quant au concept
de la détraction et de l'infraction à la loi: quelqu'un pourrait
avoir commis un accroc à l'intégrité selon un avis
juridique donné et serait par conséquent contesté
(reprochable), alors que son acte ne serait pas considéré
comme contraire aux critères de l'intégrité, selon
d'autres avis juridiques. C'est pourquoi, la mention du motif de la détraction
devient nécessaire dans la mesure où elle nous permettrait
de vérifier si la détraction est fondée ou non, sauf
lorsque le détracteur, le défenseur et le récepteur
de la détraction et de la défense sont du même avis
juridique et utilisent les mêmes termes juridiques, auquel cas précis,
le témoignage tendant à la détraction ou à
la défense est admis, même en l'absence de l'explication du
motif ou du terme "intégrité".
C'est pour cela que
certains uléma exigent une enquête sur la personnalité
du rapporteur, lorsque le témoignage tendant à sa détraction
n'est pas corroboré par la mention du motif de celle-ci.
La
divergence des Uléma sur l'interprétation de l'acceptabilité
de l'opinion du chercheur en Science de Rejâl
.:Retour au sommaire:.
Ce sujet peut s'expliquer
et se résumer de la façon suivante:
1- Un groupe duléma
a affirmé que l'énonce (khabar) émis par un
seul savant en Science de Rejâl doit être considéré
comme un argument juridique suffisant pour la détraction ou l'accréditation
du rapporteur, étant donné que cet énoncé à
source unique est admis comme argument juridique dans les statuts légaux
(ahkâm char`iyyah). Cette opinion est répandue parmi
les uléma contemporains.
2- D'autres uléma
ont exigé que la détraction ou l'accréditation d'un
rapporteur ne puisse se faire que par les témoignages de deux savants
intègres en sciences de Rejâl.
Ils ont justifié
leur exigence en arguant: «La détraction ou l'accréditation
d'un rapporteur est une sorte de témoignage, or tout témoignage,
pour être admis, doit être porté par deux témoins.
3- L'avis du savant
en Science de Rejâl, concernant un rapporteur nous apporte
la conviction intime de la contestabilité ou de la crédibilité
du rapporteur. Or, la conviction intime constitue un argument juridique
que nous avons l'obligation de suivre.
4- Un quatrième
groupe duléma dit que nous sommes acculés à admettre
l'avis du savant en Science de Rejâl, même si cet avis
apporte la conjecture - et non la certitude - en raison de la disparition
des moyens de connaître les traits de la personnalité des
rapporteurs, et de l'absence dindices suffisants pour la connaissance
de ces derniers. Or, la règle veut que lorsque l'accès à
la connaissance est fermé ou que les indices suffisants à
la démonstration sont absents, la conjecture soit un argument juridique
valable.
Les
termes qualificatifs de la détraction et de l'accréditation
(défense)
.:Retour au sommaire:.
Afin que l'opération
de l'appréciation du rapporteur de hadith soit très précise
et minutieuse, les uléma ont déterminé les vocabulaires
qualificatifs de la détraction et de la l'accréditation.
En effet al-Chahîd al-Thânî (Zayn al-Dîn al-`Âmilî)
a écrit à cet égard: «Les termes de l'accréditation
(ta`dîl) sont `âdil (intègre), thiqah
(digne de confiance), hujjah (fait autorité), çahîh
al-hadîth (dont le hadith est sain) ou tous autres mots
exprimant les mêmes sens».
Ainsi, lorsque les
uléma de la science de Rejâl étudient la personnalité
d'un rapporteur et qu'ils lui donnent les qualificatifs ci-dessus ou d'autres
ayant les mêmes sens, cette qualification équivaut à
une attestation (témoignage) de son intégrité, de
sa crédibilité et de son accréditation en tant que
source de transmission de hadith. Quant aux termes utilisés
par les uléma en science de Rejâl pour indiquer la
faible crédibilité du rapporteur et le manque de confiance
en lui, on les appelle les qualificatifs (termes) de détraction,
et ce sont: «dha`îf (faible), kath-thâb
(menteur), wadh-dhâ` (inventeur),
ghâl (hyperbolique), etc.
Ainsi, lorsque les
chercheurs en Science de Rejâl attribuent à un rapporteur
l'un de ces qualificatifs ou tout autre mot ayant le même sens, cela
signifie que ce rapporteur n'est pas digne de confiance et qu'il est interdit
d'adopter les hadith qu'ils rapportent ou transmettent, une fois
que sa détraction est établie.
Les
moyens d'accès du rapporteur au récit
.:Retour au sommaire:.
Nous avons appris
que le sanad (la chaîne de transmission) d'un récit
(riwâyah) ou d'un Tradition, c'est l'ensemble des rapporteurs
de ce récit, lesquels le relatent l'un à l'autre. Or, il
y a plusieurs moyens qui permettent au premier maillon de la chaîne
de transmission d'avoir accès à un récit qui sera
transmis par les autres maillons de la chaîne. Al-Chahîd al-Thânî
a mentionné dans "Al-Derâyah" différentes façons
d'avoir accès au récit et de le transmettre:
1-
L'entendre directement relaté par le chaykh:
C'est-à-dire
du Traditionniste qui rapporte le récit ou la Tradition. Dans ce
cas le rapporteur dit, citant le chaykh dont il a entendu le récit;
«J'ai entendu Untel dire...» ou bien: «Untel m'a relaté...»
ou encore: «Untel nous a informé...».
De cette façon
nous apprenons que le moyen d'accès du transmetteur au récit
est l'écoute directe du chaykh. Or, la connaissance du moyen
d'accès au récit détermine dans quelle mesure nous
pourrions adopter ce récit comme crédible.
Les uléma
considèrent ce moyen comme le meilleur des moyens d'accès
au récit.
2-
La soumission (lecture) du récit au chaykh:
Certaines personnes
qui s'intéressent à la mémorisation du Hadith,
tombent sur un récit dans un livre ou entendent quelqu'un en réciter
un. Elles le font entendre alors, après l'avoir mémorisé,
au chaykh expert en Récit, et ce dernier en approuve l'authenticité.
Le rapporteur écrit alors: «J'ai lu devant un tel (le nom
du chaykh), - ou j'ai entendu quelqu'un lire devant Untel - ceci
et cela... et il a approuvé».
Et le récit
sera considéré comme accrédité, lorsqu'on aura
établi la crédibilité de tous les maillons de la chaîne
de chaykhs experts.
3-
L'autorisation:
C'est la permission
que le chaykh (l'expert en Hadith) donne à quelqu'un
de citer et de transmettre le contenu d'un livre à d'autres, ou
bien de relater les Récits parvenus par ouï-dire au chaykh
lui-même, en lui disant: «Je t'ai autorisé à
relater le livre untel...» ou bien: «Je t'ai autorisé
à relater mes ouï-dire...»
4-
La remise (monâwalah):
C'est le fait que
le chaykh remet son livre - en donation ou en prêt - à
son disciple en lui disant: «Ceci contient les Récits que
j'ai entendus d'Untel, relate-le donc de ma part...» ou bien: «Je
te donne l'autorisation de le relater en mon nom». Dès lors,
le disciple peut relater, le contenu dudit livre en citant le chaykh.
5-
L'écriture:
L'un des moyens
d'obtenir un Récit du chaykh c'est l'écriture. Celui-ci
écrit, ce qu'il relate, à lintention dune personne présente
ou non, puis il l'autorise à relater ce qu'il lui a écrit.
Dès lors, la personne à qui l'écrit est adressé
peut en relater le contenu. Mieux, l'avis le plus répandu parmi
les uléma est que cette personne peut le relater même si le
chaykh ne rédige pas à son intention une lettre d'autorisation,
car le fait d'avoir écrit à son intention le Récit
comporte implicitement l'autorisation de le relater, à l'instar
de la règle qui régit le rapport entre un muftî
(quelqu'un qui émet une fatwâ - décret ou avis
religieux) et la personne à qui est adressée la fatwâ
(décret religieux). En effet, lorsque le muftî rédige
une fatwâ, on peut valablement la transmettre et la diffuser
même si le muftî n'a pas rédigé avec la
fatwâ l'autorisation de sa transmission.
6-
L'information (i`lâm):
Cela veut dire
que le chaykh informe son disciple: «Les Récits figurant
dans ce livre sont relatés par moi...» ou bien: «Ce
hadith est relaté par moi... ou je l'ai entendu...»
sans y ajouter: «Relate-le de ma part» ou «Je t'autorise
à le relater».
Certains uléma
ont admis l'adoption d'une telle source en se fondant sur l'information
donnée par le chaykh au disciple, alors que d'autres ont
refusé de l'adopter.
7-
L'écrit trouvé (wajâdah):
C'est le fait que
quelqu'un trouve un Récit relaté et rédigé
par quelqu'un d'autre, sans que celui-ci le lui ait remis, ni ne l'ait
autorisé à le relater, et sans qu'il l'ait entendu directement
de lui. Mais un tel patrimoine requiert que l'on vérifie l'appartenance
de l'écrit à celui qui est censé l'avoir écrit,
avant de l'adopter comme maillon valable dans la chaîne de transmission,
si, bien entendu l'auteur présumé de l'écrit trouvé
est crédible.
Tels sont donc
les principaux moyens de la réception du hadith d'une source
directe et de sa transmission aux autres. Il est à noter que ce
sont les hadith parvenus aux Musulmans à l'époque de la transmission
qui ont été transmis par ces moyens.
Mais depuis que
l'imprimerie a connu un développement important, que les science
et les moyens de sa diffusion se sont répandus partout et que les
Hadith et les Récits ont été compilés
dans de grands corpus, tels que "Al-Kâfî", "Al-Bokhârî"
et bien d'autres, ce sont ces corpus qui servent de source directe pour
celui qui s'y réfère, et on n'a plus besoin de se référer
aux chaykh du Récit ni de lui en demander l'autorisation.
Des Rapporteurs portant
les mêmes noms et le
moyen de les distinguer
Nous avons appris
dans les pages précédentes que les rapporteurs de Hadith
sont divisés en plusieurs catégories:
a- Ceux qui sont
connus pour leur véracité et leur crédibilité.
b- Ceux dont on
a établi le mensonge et le peu de crédibilité.
c- Ceux autour
desquels planent des doutes et des soupçons, doutes et soupçons
qui sont bien-fondés selon certains avis, sans fondement selon d'autres.
d- Ceux à
propos desquels les savants ne savent pas grand-chose et ne peuvent pas
établir des portraits caractéristiques clairs.
Nous voulons maintenant
aborder un autre aspect relatif à ces rapporteurs, à savoir
que beaucoup d'entre eux ont en commun un prénom, un nom ou un surnom,
ce qui ne manque pas de créer une certaine confusion et souvent
une méprise. Ainsi, on tombe souvent sur des rapporteurs dénommés
Mohammad Ibn Qays, Mohammad Ibn Ismâ`îl, Abî Baçîr,
Ibn Sanân etc. Or, il y a dans les chaînes de transmission
plusieurs rapporteurs qui s'appellent Mohammad Ibn Qays, ou Mohammad Ibn
Ismâ`îl ou Abî Baçîr etc. Il est donc nécessaire
de démêler ces homonymes pour pouvoir distinguer celui qui
désigne un rapporteur crédible de celui qui renvoie à
un rapporteur de faible crédit, celui qui appartient à un
rapporteur inconnu de celui qui revient à rapporteur non accrédité...
et ainsi de suite, afin dadopter le Récit du rapporteur crédible
et de rejeter les autres. Il va de soi que nous ne serions pas confrontés
à un tel problème si tous les rapporteurs portant le même
nom étaient d'une même catégorie, c'est-à-dire
tous crédibles, tous inconnus, ou tous peu crédibles.
Illustrons ce problème
par quelques exemples pratiques:
- On peut
lire dans Majma` al-Rejâl (Collecteur des Rapporteurs de Hadith)
d'al-Qahbâ'î:
«Abû
Baçîr Yahyâ ibn (fils de) Abî al-Qâcim:
Abû Mohammad; Abû Baçîr al-Asadî,
`Abdullâh Ibn Mohammad: Abû Mohammad; Abû Baçîr
al-Morâdî, Layth Ibn al-Bokhtarî: Abû Yahyâ...
Le nom d'Abû Baçîr pourrait désigner chacun de
ces trois rapporteurs, lorsque le hadith transmis est de l'Imam al-Çâdiq
ou de l'Imam al-Bâqer....Mais s'il s'agit d'un hadith transmis de
l'Imam al-Kâdhim, le rapporteur désigné par le nom
d'Abû Baçîr, est Yahyâ Ibn Abî al-Qâcim...».
- On peut
lire également dans le même Majma` al-Rejâl:
«Ibn Sanân:
Mohammad et `Abdullâh Ibnâ (les deux fils de ) `Abdul-Rahmân
al-Hâchimî; et Mohammad Ibn Sanân Ibn Tarîf
al-Zâhirî... On les distingue par les générations
et les degrés (darajah) respectifs de chacun...».
- Et enfin,
on lit dans la note marginale du même "Majma` al-Rejâl:
«Al-Chahîd
al-Thânî - Qu'Allah lentoure de Sa Miséricorde - a
écrit dans son livre, "Derâyat al-Hadîth wa Chartihâ":
«Tout ce qui est rapporté de l'Imam al-Bâqer par Mohammad
Ibn Qays est à rejeter, car ce nom est commun à un rapporteur
crédible et un rapporteur de faible crédit...Mais pour y
démêler le rapporteur crédible de celui de faible crédit,
on peut se référer au rapporteur qui les cite. En effet,
`Âçim Ibn Hamîd et Yûsuf Ibn `Aqîl et d'autres
ne citent que des rapporteurs crédibles, alors que Yahyâ cite
des rapporteurs de faible crédit...».
De ce texte, nous
apprenons qu'Abû Baçîr est le surnom de trois rapporteurs
de hadith et qu'Ibn Sanân est le surnom de trois autres rapporteurs,
à savoir: `Abdullâh Ibn Sanân al-Hâchimî,
Mohammad Ibn Sanân al-Hâchimî (le frère du premier
nommé) et Mohammad Ibn Sanân al-Zâhirî.
Et lorsqu'on se réfère
aux recherches de `Ilm al-Rejâl (la Science des Rapporteurs
de Hadith), on apprend que Mohammad Ibn Sanân al-Hâchimî
et Mohammad Ibn Sanân al-Zahirî sont des rapporteurs de faible
crédit (dha`îf). Donc, lorsqu'un hadith est
rapporté par Ibn Sanân, le chercheur doit vérifier
de quel Ibn Sanân il s'agit, et s'il constate que le rapporteur désigné
sous cette appellation est bien `Abdullâh Ibn Sanân al-Hâchimî,
il adopte le hadith et l'accepte, mais s'il se rend compte que le rapporteur
est Mohammad Ibn Sanân al-Zâhirî, il rejette le hadith.
S'il ne parvient
pas à déterminer de quel Ibn Sanân il est question,
il doit s'abstenir d'adopter le hadith, faute de pouvoir s'assurer de la
crédibilité du rapporteur. Il en va de même chaque
fois qu'il est difficile de démêler plusieurs rapporteurs
ne jouissant pas du même crédit.
La
Méthode de distinction des rapporteurs au nom commun
.:Retour au sommaire:.
Il ressort de ce
qui précède que les spécialistes de la science des
Rapporteurs de Hadith ont une méthode de recherche et de
vérification leur permettant d'identifier les différents
rapporteurs portant le même nom ou le même surnom. Cette méthode
est fondée sur plusieurs indices ou présomptions, dont le
plus important consiste à déterminer la génération
du rapporteur (l'époque dans laquelle il a vécu) ainsi que
les rapporteurs qu'il cite ou qui le citent, car cette détermination
aide parfois à identifier le rapporteur en cause et à le
distinguer de ses homonymes. Ainsi nous avons remarqué que Majma`
al-Rejâl nous informe que nous pouvons distinguer les différents
rapporteurs désignés par le nom commun d'Ibn Sanân,
par la génération et le degré de chacun.
De la même
façon, nous nous sommes aperçus que pour déterminer
la crédibilité d'un hadith rapporté par le
nom de Mohammad Ibn Qays qui désigne le nom commun de trois rapporteurs
différents, il faut se référer à ceux qui citent
ce nom commun: si c'est `Âcim Ibn Hamîd ou Yûsuf
Ibn `Aqîl qui le citent, il s'agira du rapporteur crédible,
puisque ces deux rapporteurs ne citent que des sources dignes de foi.
Toutefois, il faudrait
noter que ces deux indices (la génération et les rapporteurs
qui citent un nom commun entre plusieurs rapporteurs) ne constituent pas
toujours un critère de distinction des rapporteurs au nom commun.
Car il arrive que des rapporteurs d'une même génération
(époque) citent un seul et même rapporteur, ou qu'ils soient
cités eux-mêmes par un même rapporteur, comme nous l'avons
remarqué. C'est pourquoi, le chercheur a besoin d'autres indices
de distinction et démêlement.
Les
Voies menant vers la Sunnah
.:Retour au sommaire:.
Il est évident
qu'il y a une distance temporelle entre l'époque de la Sunnah
du Prophète et l'époque pendant laquelle cette Sunnah
aété écrite et enregistrée dans des Corpus
crédibles auxquels les Musulmans se réfèrent depuis.
C'est pourquoi les spécialistes de la Sunnah ont été
confrontés à
un problème scientifique, en l'occurrence les moyens d'établir
l'authenticité de ce qui avait été attribué
au Prophète et aux Imams, et la méthodologie de démonstration
de cette authenticité.
Aussi ont-ils divisé
les moyens d'établir l'authenticité des Traditions attribuées
au Prophète et aux Imams, telles qu'elles sont parvenues à
nous, en deux catégories:
1- Les moyens absolus.
2- Les moyens non
absolus.
Ci-après,
nous allons expliquer avec plus de détails ces deux catégories
de moyens.
1- Les moyens absolus (décisifs):
Ils comprennent les
moyens suivants:
a- L'énoncé
informatif (khabar: information) concordant.
b- L'énoncé
informatif entouré d'indices absolus (décisifs).
c- Le consensus unanime.
d- La conduite des
Compagnons respectueux de la Loi (Sîrat al-Mutacharri`ah).
e- La fixation d'un
statut légal chez les Compagnons respectueux de la Loi.
f- La conduite des
Sages (al-Sîrah al-`Oqalâ'iyyah ou Binâ' al-`Oqalâ').
Essayons maintenant
d'éclaircir brièvement chacun de ces moyens.
a- L'énoncé informatif
concordant:
Il sera expliqué
plus loin.
b- L'énoncé informatif
entouré d'indices absolus:
Il s'agit d'un énoncé
informatif non concordant, connu ou non connu, mais entouré d'indices
qui rendent obligatoire le fait de le considérer comme provenant
absolument de l'Infaillible (le Prophète ou un Imam d'Ahl-ul-Bayt).
Ainsi, si un énoncé
informatif nous parvient d'un rapporteur ou de plusieurs, et qu'il est
entouré d'indices et de preuves qui nous apprennent obligatoirement
qu'il provient du Prophète ou de l'Imam, cet énoncé
est considéré comme appartenant incontestablement à
la Sunnah.
c- Le consensus unanime:
Le consensus unanime
est l'un des moyens indicatifs de la preuve légale et il est défini
comme étant l'accord d'un si grand nombre de théologiens
et de légistes sur un avis juridique qu'il est obligatoire de le
considérer comme un statut légal.
Donc, le consensus
unanime consiste en un décret (avis) religieux sur lequel les jurisconsultes
sont unanimement d'accord, sans que l'on sache sur quelle base législative
ils se sont fondés pour émettre cet avis. Car ce consensus
unanime indique l'existence d'une preuve de la Sunnah (sur laquelle
ils se sont fondés), même si cette preuve ne nous est pas
parvenue. C'est de cette façon que le consensus unanime est considéré
comme l'un des moyens indicatifs de la Sunnah.
d- La conduite des Compagnons respectueux
de la Loi:
La conduite des Compagnons
respectueux de la Loi est un sujet qui a fait l'objet de recherche chez
les uléma des Fondements de la Jurisprudence (Uçûl
al-Fiqh). Selon eux, si une conduite est observée par un grand
nombre de Compagnons connaissant les statuts légaux et les observant,
cette conduite est considérée dès lors comme un argument
légal indiquant la preuve de son appartenance à la Sunnah.
Le Martyr Sayyed Mohammad Bâqer al-Sadr a expliqué de la façon
suivante le sens de la "Conduite des Compagnons connaissant et observant
les statuts légaux", et sa valeur d'argument législatif:
«Le pendant du consensus unanime est la conduite de ceux qui connaissaient
et observaient les statuts légaux à l'époque des Infaillibles,
ou à une époque proche de celle-ci, du fait même qu'ils
connaissaient et observaient les statuts légaux...». Et al-Sadr
d'ajouter: «Quant à la Conduite des Compagnons connaissant
et observant les statuts légaux, on peut la considérer en
elle-même comme un indice la preuve légal, du fait que lesdits
Compagnons, lorsqu'ils observent une conduite, en leur qualité de
gens connaissant et observant les statuts légaux, ont forcément
appris cette conduite du Législateur. Mais on objecterait à
cet argument que cette conduite des mutacharri`ah pourrait ne pas traduire
le statut légal du fait de la possibilité qu'ils aient négligé
d'interroger l'Infaillible sur la conformité de leur conduite au
statut légal, ou bien qu'ils en aient mal compris la réponse
- si interrogation il y avait. Toutefois, cette possibilité s'affaiblit,
selon le calcul des probabilités, à mesure qu'augmente le
nombre de ceux qui ont observé cette conduite parmi les Compagnons
connaissant et observant les statuts légaux. C'est pour cela que
nous avons dit que la Conduite des mutacharri`ah est le pendant
du consensus unanime, car tous deux sont fondés, en tant quindication
du statut légal, sur le calcul des probabilités, mais à
cette différence près que le consensus unanime représente
une position théorique des jurisconsultes, relative aux décrets
juridiques (fatwâ), alors que le second traduit une conduite
religieuse pratique des Compagnons connaissant et observant les statuts
légaux».
Ainsi, la conduite
des mutacharri`ah parmi les Compagnons du Prophète est une
indication et une expression de la Sunnah du Prophète, et
par conséquent elle est une preuve de celle-ci, c'est-à-dire
une preuve du statut légal que le Prophète avait communiqué
par son acte, son absence d'acte, sa parole ou par son silence approbateur,
mais qui ne nous est pas parvenu, et que nous avons découvert à
travers la conduite des mutacharri`ah parmi ses Compagnons ou ceux
de la génération suivante, lesquels l'ont appliqué
dans leur conduite et leur pratique. Et cette conduite est l'indice de
la Sunnah du Prophète.
Et de même
que la conduite des Compagnons du Prophète ou des mutacharri`ah
des générations proches de leurs époques est un indice
de la Sunnah du Prophète, de même la conduite des mutacharri`ah
parmi les Compagnons des Imams et parmi ceux de la génération
suivante indique un acte ou une parole des Imams.
e- La fixation des mutacharri`ah:
C'est l'un des moyens
indiquant la Sunnah. Il s'agit d'un statut légal fixé
dans l'esprit des Compagnons du Prophète ou de l'Imam, par une longue
application, s'étendant sur deux générations ou plus.
Sayyed Mohammad Taqî al-Hakîm, expliquant comment la fixation
s'est opérée dans les esprits des mutacharri`ah, écrit:
«La fixation d'un décret religieux dans l'esprit de l'opinion
publique ne nécessite pas son application par deux ou trois générations».
Par cette fixation
nous apprenons un statut légal sans en connaître sa référence.
Elle devient donc un indice d'un statut légal dont la source est
la Sunnah du Prophète.
La
relation entre le Consensus Unanime et la Conduite des Mutacharri`ah:
.:Retour au sommaire:.
Le Martyr Sayyed
Mohammad Bâqer al-Sadr traitant de la relation entre le Consensus
Unanime et la Conduite des Mutacharri`ah et la fixation chez les
mutacharri`ah, écrit: «Le consensus unanime en question, indique
(révèle) un Récit (riwâyah) non écrit
mais vécu à travers le comportement et la fixation de l'ensemble
des mutacharri`ah».
Il conçoit
donc la conduite des mutacharri`ah comme un chaînon intermédiaire
entre le consensus unanime et le statut légal.
En effet, lorsque
les faqîh sont unanimement d'accord sur une fatwâ dont
on ne connaît pas le point d'appui (mustanad), cela "révèle
par une conjecture tendant à la conviction intime (lexistence dun
statut légal) à travers la conformité comportementale
(à ce statut) et la fixation (de ce statut) chez les mutacharri`ah
contemporains de l'époque des Textes (législation)».
En d'autres termes,
ce sont la conduite des mutacharri`ah et leur fixation qui ont inspiré
aux faqîh ce consensus et qui révèlent par conséquent
la preuve du statut légal. Comme si les faqîh tombés
en accord unanime, avaient examiné la conduite des mutacharri`ah
et leur fixation pour en déduire le statut légal. Ainsi,
la fatwâ issue du consensus unanime est fondée sur
la conduite et la fixation des mutacharri`ah. Or, cette conduite
et cette fixation révèlent la preuve (la Sunnah),
puisquelles en découlent.
f- La conduite des Sages (al-Sîrah
al-`Oqalâ'iyyah):
C'est la conduite
sociale des sages, en tant que tels, à l'époque du Prophète
(ou de l'Imam), conduite sur ce dernier se tait et ne la désapprouve
pas. Le silence du Prophète ou de l'Imam constitue alors la preuve
de la légalité de cette conduite. Ainsi, lorsque nous apprenons
que les gens avaient une conduite sociale donnée à l'époque
du Prophète (ou de l'Imam) et que nous n'avons aucune preuve ou
information indiquant que ce dernier l'eût condamnée ou interdite,
nous pouvons en déduire qu'il l'approuve.
C'est de cette façon
que la conduite des Sages constitue une voie révélatrice
de la Sunnah du Prophète.
Nous pouvons déduire
de l'approbation (par le Prophète ou l'Imam) d'une conduite des
Sages la légalité de cette conduite d'une part, et dautre
part, une règle générale s'appliquant sur un domaine
plus large que le cadre particulier de ladite conduite, si le concept approuvé
tacitement dans celle-ci est de nature plus vaste que le cadre limité
de la conduite en question.
2- Les moyens non absolus (non
décisifs):
Désignent
ce qui est à même de révéler la Sunnah
d'une façon incomplète. Cette catégorie de moyens
d'établir lappartenance à la Sunnah se divise en
deux voies:
a- Une voie dont
on a établi la valeur dargument par une preuve absolue
(décisive)
C'est l'énoncé
informatif (de source) unique, car il y a dans le Coran, dans la Sunnah,
dans le consensus unanime, dans la raison et dans la conduite des Sages,
des preuves absolues qui établissent la validité de l'énoncé
informatif de source unique et l'obligation de s'y conformer, même
si sa provenance du Prophète ou de l'Imam est conjecturale.
b- Une voie dont
on n'a pas établi la valeur d'argument par une preuve absolue.
L'un des exemples
les plus saillants de cette voie est la notoriété. Lorsque
nous examinons lensemble des exemples de la notoriété, nous
constatons que celle-ci désigne trois choses ou trois voies révélatrices
de la Sunnah, et dont la valeur scientifique ou la capacité
à révéler la Sunnah se situent à un
degré inférieur au consensus unanime.
Ce sont:
1- La notoriété
du récit: C'est le fait quun récit soit suffisamment connu
et cité par les rapporteurs, par opposition à la rareté
(nudrah) et à l'anomalie (chuthûth).
On fait appel à
la notoriété du récit lorsqu'on a affaire à
deux récits opposés dont l'un est plus connu que l'autre
parmi les rapporteurs. Le premier sera adopté au détriment
de l'autre. De cette façon la notoriété du récit
sert de voie révélatrice de la Sunnah.
2- La notoriété
pratique: Cest le fait que la plupart des faqîh adoptent un Récit
et en font une source de promulgation de décrets religieux, malgré
la faiblesse de crédit de sa chaîne de transmission, ou bien
au contraire quils négligent un récit malgré sa chaîne
irréprochable.
Ainsi, l'adoption
de ce récit indique l'authenticité de son contenu et révèle
la Sunnah, car le fait que la plupart des faqîh l'ont adopté
engendre la conviction de sa provenance du Prophète ou de l'Imam.
C'est pourquoi un
groupe duléma ont professé que la notoriété
pratique pallie la faiblesse de la chaîne de transmission, alors
quun autre groupe a récusé cette thèse.
Et de même
que la notoriété pratique de ce récit constitue une
preuve conjecturale de son appartenance au Prophète ou à
l'Imam, de même le fait que la plupart des faqîh renoncent
à adopter un récit à chaîne de transmission
saine révèle leur non-conviction de son appartenance au Prophète
ou à l'Imam, en raison de défauts qu'ils auraient constatés
dans le contenu dudit récit.
3- La notoriété
du décret (fatwâ): C'est le fait qu'un décret
religieux soit réputé parmi les faqîh sans que l'on
sache sur quel fondement ils sappuient pour adopter ce décret.
Ainsi, la réputation
de ce décret parmi une partie des ulémas indique l'existence
d'une Sunnah sur laquelle ils se sont fondés, même si nous
n'en avons pas connaissance. Il est à noter toutefois que certains
uléma récusent la valeur dargument de la réputation
du décret et n'y recourent pas.
La
Division du Hadith
.:Retour au sommaire:.
Nous avons déjà
noté que la Sunnah du prophète est la deuxième
source de la législation, de la pensée et de la connaissance
en Islam, le Coran en étant la première. Lhistoire nous
apprend que les Manichéens, les Juifs, les Hypocrites, les Ghulât
et les éléments infiltrés dans la Communauté
musulmane livrèrent une guerre idéologique féroce
contre l'Islam et s'ingénièrent à le saper de l'intérieur,
en attribuant faussement des propos ou des actes au Prophète et
aux Imams, en maniant la Sunnah au gré de leurs desseins
perfides, en inventant des milliers de hadith et en en déformant
des milliers d'autres, au point qu'il était difficile de démêler
le bon grain de l'ivraie, de distinguer le vrai du faux, et de savoir quelle
tradition est intacte et laquelle est amputée ou surchargée
d'éléments intrus. Donc, pour parvenir au Texte de la Sunnah,
les uléma ont procédé à la mise au point d'une
méthode de recherche visant à étudier et à
vérifier les personnalités des rapporteurs de Hadith
et le contenu de chaque hadith. De cette façon, la Science
du Hadith a vu le jour en vue d'étudier la chaîne de
transmissions du Hadith et le contenu de celui-ci, et dans le but
d'établir l'authenticité d'une Tradition et de démontrer
la fausseté d'une autre. Après avoir étudié
et vérifié l'ensemble des Traditions attribuées au
Saint Prophète et aux Imams et parvenues aux générations
postérieures à l'époque de la législation,
les spécialistes ont divisé ces Traditions en deux catégories:
1-
Le hadith sain (çahîh)
2-
Le hadith faux (ghayr çahîh)
En fait, l'histoire
nous informe que l'origine de cette division remonte à l'époque
même du Prophète, lorsque celui-ci déclare dans un
discours: «O gens! Le nombre de ceux qui m'attribuent faussement
des Traditions, va croissant».
Mais c'est après
la disparition du Prophète et avant la fondation de la Science de
Rejâl que les uléma parmi les Compagnons et les Compagnons
de ceux-ci (tâbi`în) se sont mis à trier, avec
plus de soin, les hadith sains et non sains, évitant d'accepter
un hadith avant d'avoir vérifié la crédibilité
de son rapporteur. Ainsi, on rapporte que les Imams d'Ahl-ul-Bayt ont récusé
beaucoup de récits et dénoncé les mensonges de beaucoup
de rapporteurs. Et après la naissance de la Science de Rejâl
qui avait rendu possible le tri des rapporteurs crédibles, on a
procédé à la répartition de ceux-ci en différentes
catégories selon le degré de la connaissance du rapporteur,
de sa capacité à transmettre intégralement le hadith,
de la conformité de sa conduite à la Loi, etc.
De même, les
uléma spécialisés ont remarqué que certains
hadith étaient rapportés avec la chaîne complète
de leurs rapporteurs, alors que d'autres ont été transmis
sans que le rapporteur en mentionne la chaîne complète de
transmission ou pis encore, sans citer aucun des rapporteurs censés
les avoir transmis, ou bien en n'en mentionnant que le premier rapporteur.
D'autre part, on
a remarqué que certains récits étaient rapportés
par un grand nombre de rapporteurs absolument dignes de foi, alors que
certains autres n'étaient rapportés que par un ou deux rapporteurs.
Il était donc
naturel que le crédit que les uléma accordaient à
un rapporteur citant la chaîne complète de transmission de
son récit soit différent du crédit accordé
à un autre qui ne cite pas ses sources, même s'il est digne
de foi. Il en va de même pour le récit rapporté par
un grand nombre de rapporteurs et un autre rapporté par un ou deux
rapporteurs, même crédibles. C'est pourquoi le récit
ou l'énoncé informatif sain (çahîh) a
été classé selon le nombre de ses rapporteurs crédibles:
1- L'énoncé
informatif concordant (mutawâter):
C'est l'énoncé
informatif rapporté par un si grand nombre de rapporteurs de chaque
génération, qu'il est impossible qu'ils puissent être
soupçonnés de complicité de mensonge, en raison justement
de leur grand nombre.
Les Musulmans sont
tombés unanimement d'accord sur le fait que les énoncés
informatifs concordants conduisent à la certitude quant à
lauthenticité du sujet contenu dans ces énoncés informatif,
et par voie de conséquence, à lobligation léde s'y
conformer. L'énoncé informatif concordant lui-même
a été divisé en deux sortes:
a- La concordance
dans les mots: C'est la transmission d'un énoncé informatif
qui nous parvient avec une concordance dans les mots et le sens (le signifiant
et le signifié).
b- La concordance
par le sens (le signifié): C'est la transmission d'un énoncé
informatif qui nous parvient avec une concordance dans le sens et non dans
les mots(le signifiant). Les rapporteurs nous le transmettent dans des
versions différentes, mais portant toutes un même sens. L'exemple
en est les énoncés informatifs concordants transmis dans
différentes versions, mais soulignant tous, le courage de `Ali ou
la générosité de Hâtam etc.
La concordance par
le sens pourrait nous parvenir par un grand nombre de voies à source
unique, mais portant toutes un même et seul sens. Dès lors,
ces énoncés informatifs à source unique entrent dans
la catégorie de la concordance par le sens, étant donné
que par leur grand nombre ils ont atteint le quota de la concordance, laquelle
conduit à la certitude scientifique. C'est ce qu'affirme al-Muhaqqiq
al-Hillî: «La concordance par le sens conduit à la connaissance
- comme c'est le cas pour la générosité de Hâtam
et le courage de `Ali - bien que les énoncés informatifs
de cette générosité et de ce courage sont à
source unique.»
2- L'énoncé
informatif à source unique:
C'est l'énoncé
informatif dont le nombre de rapporteurs n'atteint pas le quota requis
(la limite requise) pour la concordance, peu importe qu'il soit transmis
par un rapporteur ou plus. L'énoncé informatif à source
unique est de type conjectural: il ne conduit pas à la connaissance
ni n'apporte la certitude.
Un long débat
s'est engagé entre les uléma au sujet de l'acceptation et
du refus de l'énoncé informatif à source unique et
de sa valeur dargument dans les statuts légaux. Aussi, se sont-ils
rangés dans deux écoles, l'une refusant l'admissibilité
de l'énoncé informatif à source unique en affirmant
son incapacité à apporter la certitude dans le statut légal
en raison de la probabilité du glissement dun mensonge ou d'un
élément subversif, ou de l'erreur chez le rapporteur, l'autre
l'acceptant en s'appuyant sur des arguments tirés du Coran et de
la Sunnah.
Mais l'énoncé
informatif à source unique a fini par être admis, et les uléma
l'ont adopté depuis lors dans la jurisprudence et dans la déduction
des statuts légaux.
Les
arguments de la validité légale de l'énoncé
informatif à source unique
.:Retour au sommaire:.
a- Les arguments
tirés du Coran: Les uléma se sont surtout référés
au verset suivant pour démontrer la validité légale
de l'énoncé informatif à source unique:
«O vous
les croyants! Si un homme pervers vient vous apporter une nouvelle, faites
attention! Car si, par inadvertance, vous portiez préjudice à
un peuple, vous auriez ensuite à vous repentir de ce que vous auriez
fait». (Sourate al-Hujurât, 59 : 6)
Les uléma
ont argué que ce verset avait été révélé
à propos d'al-Walîd Ibn `Oqbah Ibn Mo`ît, lequel ayant
été envoyé par le Prophète auprès des
Banî Moçtalaq pour percevoir l'impôt de la Zakât,
est retourné chez le Prophète avant même d'arriver
à destination, en prétendant qu'ils l'avaient chassé
et qu'ils voulaient le tuer. Le Prophète s'est mis alors en colère
et alors qu'il s'apprêtait à les attaquer, le verset en question
a été révélé, pour dévoiler le
mensonge de lémissaire du Prophète et souligner sa perversité.
Ce verset indique:
1- Qu'il ne faut
pas croire à l'information apportée par un pervers avant
d' en avoir vérifié le bien-fondé.
2- Qu'on peut croire
un informateur unique s'il est véridique et non pervers. Car le
Prophète avait cru son émissaire avant qu'il ne découvre
sa perversion.
Ils se sont appuyés
également sur cet autre verset pour corroborer leur thèse
sur la validité légale de l'énoncé informatif
à source unique:
«Ceux
qui cachent les Signes manifestes et la Direction que Nous avons révélée
après que Nous les avons fait connaître aux hommes au moyen
du Livre: Voilà ceux qu'Allah maudit, et ceux qui maudissent les
maudissent». (Sourate al-Baqarah, 2 : 159)
Ce verset maudit
quiconque cache les signes d'Allah et la Direction qu'IL nous montre, et
s'abstient de nous les faire connaître.
De là fut
décrétée l'interdiction de la dissimulation d'un énoncé
informatif ou d'un récit entendu du Prophète. Mais pour que
cette interdiction conduise au but recherché (la communication et
la transmission d'un message d'Allah), il est obligatoire de croire celui
qui rapporte et transmet les directives d'Allah et par conséquent,
celles de Son Prophète, peu importe qu'il soit le seul porteur de
ces directives ou quil y en ait plusieurs.
b- Les arguments
tirés de la Sunnah:
Les uléma
se réfèrent également à la Sunnah, et
notamment au hadith ci-après pour affirmer la valeur d'argument
de l'énoncé informatif à source unique:
«Qu'Allah
embellit un serviteur qui, ayant entendu ma parole, la mémorise,
l'assimile et la transmet tel qu'il l'a entendue, car peut-être quun
porteur de connaissance serait un non-connaisseur, et peut-être quun
porteur de connaissance pourrait porter une connaissance à quelqu'un
qui serait plus érudit que lui».
Cette invitation
à transmettre la parole du Prophète, adressée à
tout Musulman, est un indice de l'obligation de croire celui qui rapporte
(du Messager dAllah) un énoncé informatif, même s'il
est l'unique porteur de cet énoncé, mais à condition
quil ne soit pas pervers bien entendu.
De même, les
uléma ont fondé l'adoption de l'énoncé informatif
à source unique sur la conduite pratique du prophète. En
effet, le Messager d'Allah envoyait souvent des messagers et des émissaires
solitaires pour communiquer les instructions du Prophète. Les gens
les croyaient et se conformaient aux enseignements du Prophète qu'ils
leur transmettaient. En outre, les Compagnons du Prophète et des
Imams, connaissant les statuts légaux et les appliquant (mutacharri`ah)*
se soumettaient aux énoncés informatifs rapportés
par une source unique, mais crédibles, sans que le Prophète
ni les Imams naient désapprouvé leur conduite (le fait de
se soumettre et de se conformer à de tels énoncés
informatifs). Or, cette non-désapprobation équivalait à
une approbation tacite de ladite conduite, en l'occurrence, l'application
de l'énoncé informatif à source unique.
Il est à noter
que ceux qui ont récusé l'énoncé informatif
à source unique, ne l'ont fait que par souci de renforcer les mesures
de protection de la Sunnah contre le mensonge, l'infiltration subversive,
l'erreur etc. Mais ce souci de protection, poussé à cette
extrême, est une arme à double tranchant, et pourrait conduire
à la suppression de la plus grande partie des Récits et des
sources de statuts légaux de la charî`ah, et à un vide
juridique concernant un grand nombre d'obligations cultuelles et de relations
sociales.
Mais les adversaires
de l'adoption de l'énoncé informatif à source unique
ont opposé leurs propres arguments aux arguments des tenants de
cette adoption. Ils objectent que l'énoncé informatif à
source unique est présumé (conjectural) parvenir du Prophète
ou de l'Imam, et que par conséquent il n'est pas convenable de fonder
la Charî`ah et la pensée islamique sur la conjecture, alors
que le Coran nous interdit de suivre la conjecture dans les versets suivants:
«O vous
les Croyants! Evitez de trop conjecturer sur autrui: certaines conjectures
sont des péchés». (Sourate
al-Hujurât, 49 : 12)
et:
«La conjecture
ne sert à rien contre la Vérité». (Sourate
al-Najm, 53 ; 28)
À cette objection
les défenseurs de la thèse de l'adoption ont répondu:
les preuves de la légalité de l'applicabilité de l'énoncé
informatif à source unique qu'on présume provenir du Prophète
ou de l'Imam sont des preuves décisives (absolues), ce qui leur
confère valeur dargument et légalité.
Les
Divisions de l'Enoncé Informatif à Source Unique
.:Retour au sommaire:.
L'énoncé
informatif à sourcunique peut être de faible ou de fort crédit
selon sa chaîne de transmission. C'est pourquoi on a classé
les énoncés informatifs à source unique dans quatre
catégories.
Selon les uléma
spécialistes de la Science des Traditions, le premier à avoir
classifié le Hadith en quatre catégories, dans l'École
Sunnite, était al-Tirmithî. Dans l'École Chiite (d'Ahl-ul-Bayt),
cette classification n'a vu le jour qu'au cours du 7ème siècle
de l'Hégire, grâce au travail de Sayyed Ibn Tâwûs
(décédé en 637 A.H.) et de son disciple, al-`Allâmah,
al-Hillî. Mais cette classification a rencontré une vive opposition
d'une grande partie duléma de cette École.
Pourquoi
a-t-on procédé à la classification du Hadith?
.:Retour au
sommaire:.
La classification
du Hadith visait les objectifs suivants:
1- Eliminer le
hadith de faible crédit qui ne peut servir de référence
légale.
2-Lorsqu'un hadith
classé dans une catégorie supérieure s'oppose à
un autre classé dans une catégorie inférieure, on
adopte le premier à l'exclusion du second.88
Les récits
à sources uniques ont été classifiés selon
les qualités des rapporteurs de la chaîne: l'intégrité,
la louange (mad-h) et la faiblesse, de la façon suivante:
1- Çahîh
(sain, authentique)
2- Hasin
(beau-bien)
3- Mowath-thaq
(accrédité)
4- Dha`îf
(faible)
Les uléma
adoptent les trois premières catégories. Quant à la
quatrième catégorie, le faible, ils l'ont divisé
en plusieurs sous-catégories dont les plus importantes sont: morsal
(à chaîne amputée), mawdhou` (inventé),
modallas (frelaté).
Lorsqu'on étudie
la chaîne de transmission des récits, les livres de Rejâl,
et les théories de la Science de Rejâl, chez les uléma
de l'Islam, on constate que chacun des spécialistes et des rapporteurs
de Hadith a sa voie propre qui lui permet de remonter au Prophète.
Ainsi, al-Bokhârî, par exemple, adopte des rapporteurs quil
lui-même. Il en va de même pour Muslim, al-Tirmithî,
Ahmad Ibn Hanbal, al-Châfi`î, Abû Hanîfah, al-Kulaynî,
al-Çadûq, al-Tûcî etc. Ces uléma ont retenu,
chacun selon ses propres convictions et après enquête, vérifications
et recherches, des rapporteurs en qui ils ont placé leur confiance.
Mais tous ces uléma s'accordent sur la crédibilité
d'un groupe de rapporteurs et en adoptent les récits, tout en différant
sur la crédibilité d'autres.
C'est ainsi que Muslim,
par exemple, récuse certains rapporteurs adoptés par al-Bokhârî,
qui lui-même récuse certains de ceux qui ont la confiance
d'Ahmad Ibn Hanbal. De même, on peut remarquer qu'al-Bokhârî
par exemple pose des conditions pour l'acceptation d'un récit, différentes
de celles posées par Ahmad Ibn Hanbal et par d'autres spécialistes
du Hadith. Le même problème de divergence et de convergence
sur la crédibilité de certains rapporteurs de Hadith
ou sur les conditions de l'acceptabilité d'un récit, existe
chez les uléma de Hadith de lÉcole Chiite.
C'est pourquoi, Chaykh
al-Islâm commentant Mosnad Mâlik, écrit: «Le livre
de Mâlik est sain à ses yeux- et pour ceux qui ont la même
opinion que lui sur la valeur d'argument du hadith morsal (à
chaîne amputée) ou monqati` (qui est rapporté
des compagnons89 des Compagnons) etc- et non aux yeux de ceux
qui ont une autre définition du hadith sain.»90
On peut lire dans
"Tadrîb al-Râwî" d'al-Suyûtî sur cette divergence
entre les grands savants du Hadith: «Il y a quatre cent trente
et quelques rapporteurs de hadith adoptés par al-Bokhârî
mais exclus par muslim. Quatre-vingts parmi eux rapportent des récits
faibles. Et il y a six cent vingt rapporteurs adoptés par Muslim
et exclus par al-Bokhârî. Cent soixante d'entre eux rapportent
des hadith faibles»91
Ainsi, les uléma
musulmans ont des vues divergentes relativement aux rapporteurs de Hadith
et au Hadith lui-même. C'est pourquoi chacun d'eux a élaboré
sa théorie, ses définitions et ses conditions propres, concernant
les rapporteurs et l'acceptabilité du Récit (riwâyah).
La
Classification du Hadith selon la Continuité de sa Chaîne:
Lorsque les uléma
ont étudié les récits transmis par les générations
précédentes, ils les ont classés, selon leur chaîne
de transmission, en deux catégories:
1- Le Hadith mosnad
(soutenu): C'est le hadith dont la chaîne de transmission est ininterrompue
dans aucun de ses maillons. La chaîne de transmission du récit
comprend ici la mention des noms de tous ses rapporteurs, depuis celui
qui avait entendu la parole du Prophète (ou de l'Imam infaillible)
ou assisté à son acte, jusqu'au dernier récepteur.
2- Le Hadith morsal
(à chaîne amputée): C'est le hadith dont la
chaîne est éliminée et dont les noms des rapporteurs
ne sont pas mentionnés (ou bien présentés dune manière
vague, équivoque et incomplète, par exemple, lorsque le rapporteur
-ou le transmetteur- dit: «Selon certains, ou selon certains de
nos compagnons...» ou de toute autre façon similaire qui laisse
le nom du rapporteur dans l'ombre).
De même,
est considéré comme morsal, le hadith dont
certains des rapporteurs sont méconnus ou négligés
par les biographes, même s'ils sont mentionnés dans la chaîne
de transmission dudit hadith. Tout hadith ou récit de ce
genre entre dans la catégorie de morsal. Notons que le "morsal"
est classé parmi les hadith faible (dha`îf).
Al-Chahîd
al-Thânî, Zayn al-Dîn al-`Âmilî a défini
le hadith morsal comme suit: «C'est ce qui a été
rapporté de l'Infaillible (le Prophète ou l'Imam) sans la
mention du transmetteur, ou par un transmetteur dont le nom est oublié
ou négligé, ou d'une façon équivoque, telle
que: Le Messager d'Allah a dit ceci et cela..., ou selon quelqu'un...,
ou encore selon quelques-uns de nos condisciples etc. Le hadith
morsal n'est pas un argument légal, en raison de la méconnaissance
de ce qui en est supprimé (dans le texte du hadith ou dans sa chaîne
de transmission)».
Il ressort donc
que le morsal est un hadith faible que beaucoup duléma
négligent, quelque crédible que soit son rapporteur, et ce
en raison de la méconnaissance des maillons de sa chaîne de
transmission.
Mais certains uléma
acceptent et adoptent les hadith morsal lorsqu'ils sont transmis
par des rapporteurs notoirement connus pour leur intégrité,
leur piété et leur capacité de transmettre correctement
le hadith, en arguant que de tels rapporteurs ne sauraient citer un hadith
sans avoir acquis préalablement la certitude qu'il avait été
rapporté correctement et intégralement du Prophète
ou de l'Imam, notamment lorsque son rapporteur se permet de dire explicitement:
«Le Prophète (ou l'Imam) a dit...» formule qui implique
qu'il était certain que le hadith qu'il citait provient bien du
Prophète ou de l'Imam, autrement, citer le hadith de cette façon
affirmative (sans vérification), lui aurait fait perdre la réputation
de crédibilité et d'intégrité.
Mais d'autres uléma
réfutent cette théorie et refusent de suivre ses arguments.
Lun des exemples
de l'adoption des hadith morsal par un groupe de uléma,
et le refus de leur adoption par un autre groupe, est ce que "Al-Rawdhah
al-Bahiyyah Fî Charh al-Lam`ah al-Dimachqiyyah" écrit à
propos de la dette: certains faqîh ont décrété
l'échéance de la dette et de la créance du défunt
à sa mort (ce qu'il doit et ce qu'on lui doit) et l'obligation de
la régler après sa mort, en s'appuyant sur un récit
morsal. Mais al-Chahîd al-Awwal et al-Chahîd al-Thânî
ont refusé de décréter l'échéance de
la dette qu'on a envers le mort, parce qu'ils récusaient la valeur
d'argument du récit en question, en raison de son caractère
de morsal.
Ainsi, al-Chahîd
al-Awwal écrit: «Si le débiteur meurt la dette vient
à échéance, mais si le créancier meurt, la
dette (quon a envers lui) ne vient pas à échéance».
Commentant le propos de ce dernier, Al-Chahîd al-Thânî
ajoute: «On a dit que la dette vient à échéance
avec la mort du créancier en s'appuyant sur un récit morsal
et par analogie (qiyâs) avec le cas de la mort du débiteur,
ce qui n'est pas valable».
Le Récit morsal
en question, est le récit de MohammadIbn Ya`qûb al-Kulaynî,
citant Abû `Alî al-Ach`arî, citant Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr,
citant quelqu'un parmi ses compagnons, citant Khalaf Ibn Hammâd,
citant Ismâ`îl Ibn Abî Qorrah, citant Abî Baçîr
qui témoigne: «Abû `Abdullâh (l'Imam al-Çâdiq)
a dit: «Si un homme meurt, sa dette et sa créance viennent
à échéance».92
Le caractère
morsal dans ce récit réside dans le fait que le nom
du rapporteur cité par Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr n'est pas
mentionné - puisqu'on lit dans la chaîne de transmission dudit
récit (...Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr citant quelqu'un parmi
ses compagnons). Or, ce quelqu'un est inconnu. De là, le récit
est classé récit morsal de la catégorie que
certains faqîh (comme al-Chahîd al-Awwal et al-Chahîd
al-Thânî) refusent d'adopter, comme nous venons de le constater.
Les
catégories du (récit) morsal:
.:Retour au sommaire:.
Lorsque les uléma
ont étudié les hadith morsal, ils ont constaté
que certains d'entre eux sont transmis par des rapporteurs accrédités,
et certains autres par des rapporteurs non accrédités. Aussi,
ont-ils divisé les hadith morsal en deux catégories:
1- Le morsal
d'un rapporteur crédible: C'est le récit attribué
à l'Infaillible par un rapporteur dont les biographes des rapporteurs
sont convaincus qu'il ne transmet que le récit dun rapporteur digne
de foi. Et cela suffit pour la légalité de l'adoption de
son récit, selon beaucoup duléma des Fondements de la Jurisprudence,
comme nous l'avons expliqué plus haut.93
2- Le morsal
d'un rapporteur non crédible: c'est le récit imputé
à l'Infaillible par un rapporteur dont on ignore la qualité
de sa transmission de récits.94
Certains uléma
de la Science des Fondements de la Jurisprudence acceptent la valeur légale
de ces récits morsal, si les plus réputés parmi
leurs prédécesseurs, avaient appliqué leurs contenus.
Ils justifient cette position en arguant que les plus notoires des faqîh
précédents n'auraient pas adopté ces récits,
s'ils n'avaient pas suffisamment de présomption de leur véracité.
Mais là, encore, d'autres uléma refusent de considérer
que la pratique d'un précédent faqîh notoire,
pallie la faiblesse de la chaîne de transmission, et récusent
donc cet argument.
Ayant compris la
position des uléma sur les récits
morsal qui ont trait aux statuts légaux (les récits
des statuts), il convient, maintenant, d'expliquer la valeur scientifique
des récits morsal qui ont trait à la détraction
ou à l'accréditation d'un rapporteur.
Notons tout dabord
que la détraction et l'accréditation constituent un témoignage
du détracteur et de l'accréditeur. Rappelons ensuite que
`Ilm al-Rejâl (la Science des rapporteurs de Hadith)
s'occupe de l'étude des traits caractéristiques des rapporteurs
de Hadith et de la présentation de ces rapporteurs. Or, le
biographe ou le savant en `ilm al-uçûl a deux façons
de présenter et de faire connaître un rapporteur. Tantôt
il porte un témoignage direct et personnel sur un rapporteur dont
il était contemporain, qu'il connaissait et qu'il fréquentait.
Auquel cas, son témoignage est accepté, s'il est digne de
foi. Tantôt, il présente un rapporteur dont il n'est pas contemporain,
en s'appuyant sur des récits qui décrivent et évaluent
ses qualités et sa personnalité. Auquel cas, on procède
à l'étude de ces récits et à l'examen de leur
chaîne de transmission. Si la voie (la chaîne de transmission)
conduisant au contemporain dudit rapporteur s'avère crédible,
le récit de ce dernier est adopté et l'accréditation
(faite par le biographe) est acceptée, au même titre qu'on
accepte les récits portant sur les statuts légaux. Mais si
le biographe présente un rapporteur dont il n'est pas contemporain,
sans mentionner la chaîne de transmission (la voie) remontant à
l'origine de cette présentation, celle-ci est considérée
comme morsal. Or, certains uléma émettent des réserves
quant à la validité de son accréditation. Il y a,
néanmoins, y a une théorie scientifique propose une solution
à ce problème. Il s'agit de la théorie du recours
aux connaisseurs experts, et de la valeur légale de l'avis de l'expert.
C'est pourquoi, les faqîh font confiance à l'avis du
biographe expérimenté et à ses accréditations,
en sa qualité d'expert, même s'il ne mentionne pas le moyen
qu'il a utilisé pour parvenir à la présentation du
rapporteur.
L'Opposition
entre les Récits et les Théories de sa Solution
.:Retour au sommaire:.
L'Islam est la religion
que le Prophète Mohammad a apportée pour traiter tous les
domaines de la vie. Le Message divin comprend en effet les questions de
la doctrine, de l'éducation, de la morale, des règles de
la bonne conduite, et les différentes règles et lois qui
régissent la relation de l'homme avec son Créateur, avec
lui-même, avec sa société, avec le monde de la nature
et de l'animal qui l'entoure.
La Sunnah
est la deuxième source de la législation, après le
Coran, et elle est le dépositaire des détails des
statuts et des lois, inspirés du Coran ou reçus par le Prophète
à travers la Révélation ou par lInspiration divine,
car le Messager dAllah a, comme nous le décrit le Coran: «n'est
pas dans l'erreur; il ne parle pas sous l'empire de la passion. C'est seulement
une Révélation qui lui a été inspirée.
Le Puissant, Le Fort la lui a fait connaître». (Sourate
al-Najm, 53: 2 - 5)
Donc, tous les statuts,
la pensée doctrinale et les concepts visant à orienter et
à organiser la vie de l'humanité forment une unité
idéologique et législative concordante et intégrale
dans laquelle il n'y a pas d'éléments opposés ou contradictoires.
Toutefois la Sunnah
impeccable ne nous est pas parvenue sous sa forme originelle authentique
et intégrale. C'est pourquoi nous rencontrons des récits
attribués au Prophète et aux Imams qui s'opposent les uns
aux autres ou qui se contredisent les uns les autres ou encore qui sont
en opposition et en contradiction avec les significations de certains versets
coraniques. Ainsi, on pourrait tomber sur un récit qui autorise
un acte et sur un autre qui l'interdit, ou bien sur un récit qui
explique un concept ou une pensée donnés, et sur un autre
qui leur donne une explication différente. C'est pourquoi, les uléma
des Fondements de la Jurisprudence ont traité de la question de
l'opposition dans la Sunnah, d'une façon exhaustive, en ont
expliqué les raisons et en ont fixé les solutions scientifiques.
La
définition de l'opposition:
.:Retour au sommaire:.
L'opposition en tant
que terme technique est défini comme étant la négation
réciproque entre les deux significations de deux preuves95.
L'opposition entre
deux récits ne se réalise que si chacun des deux récits
est totalement sain et acceptable sur le plan de la chaîne de transmission
(sanad) et sur le plan du contenu (matn), et que si l'un
nie l'autre, sans que l'un ait primauté sur l'autre.96
Il est à noter
aussi que l'opposition ne se réalise qu'entre les preuves conjecturales
elles-mêmes. Il ne peut donc pas y avoir opposition entre une preuve
absolue (décisive) et une autre preuve absolue, ni entre une preuve
absolue et une preuve conjecturale, ni entre une preuve absolue et les
"fondements pratiques", tel "l'istiçhâb"97
par exemple.
Les recherches effectuées
par les uléma spécialistes de la science du Hadith
et de la science des Rapporteurs de Hadith montrent que les éléments
intrus dans la Loi et les propos ou les actes imputés faussement
au Prophète, aux Imams et aux Compagnons, constituent la raison
principale de l'existence d'une telle opposition entre les récits.
Et ce type d'opposition réelle forme la majeure partie des cas d'opposition
entre les récits.
Mais il y a un autre
type d'opposition, qu'on appelle opposition apparente, parce qu'elle n'est
pas une opposition réelle, puisqu'il s'agit d'une opposition entre
le général et le particulier, entre l'absolu et le restreint.
Aussi, a-t-on divisé l'opposition entre les récits en deux
catégories:
1- L'opposition
stabilisée ou fixée (mustaqer): laquelle est une opposition
réelle entre deux récits dans ce sens que chaque récit
dément l'autre es'oppose à l'autre par le sens et la signification
de telle sorte qu'il n'est pas possible de résoudre cette opposition.
Auquel cas une partie des uléma choisissent de déchoir les
deux récits à la fois et de recourir à l'adoption
du "fondement pratique" (al-açl al-`amalî) tel açl
al-barâ'ah (le fondement de l'innocence), alors que d'autres
uléma optent pour la thèse du choix de l'adoption de l'un
des deux récits, en se fondant sur les preuves légales qui
autorisent quiconque assujetti aux obligations religieuses d'opter pour
l'adoption de l'un ou l'autre des deux récits en attendant qu'il
découvre la vérité, le choix correct ou le plus probable.
2- L'opposition
non stabilisée (non fixée): C'est une opposition apparente
qu'on peut traiter ou résoudre par la comparaison des portées
des récits, telle que l'opposition entre un récit à
portée générale et un autre à portée
particulière, ou entre un récit à portée absolue
(universelle) et un autre à portée restreinte. Auquel cas,
on choisit et adopte le récit à portée particulière
à l'exclusion de celui à portée générale,
parce que la raison d'être du premier est justement de particulariser
le général ou de restreindre l'absolu, et non de s'y opposer.
Il en va de même dans le cas d'une opposition entre un récit
qui interdit un acte et un autre qui l'autorise. Auquel cas, on confronte
les deux récits et le résultat de cette confrontation nous
permet de découvrir que l'interdiction énoncée dans
le premier récit est une interdiction de contrainte (et non absolue)
c'est-à-dire qu'il est permis de faire cet interdit sous la contrainte.
Dès lors, on comprend qu'il n'y a pas opposition entre le récit
qui autorise l'acte et l'autre qui l'interdit.
L'Egalité
et la Préférence
.:Retour au sommaire:.
Lorsqu'on compare
les récits opposés et quon analyse leurs chaînes de
transmission, leurs contenus et leurs contextes historique, politique et
social, nous constatons que certains d'entre eux comportent dans leurs
contenus ou dans leurs chaînes de transmission des éléments
qui font pencher la balance vers eux au détriment de ceux qui leur
sont opposés, alors que d'autres sont égaux dans leurs caractéristiques
et leur valeur. C'est pourquoi les uléma ont consacré une
recherche spécifique à cette question et l'ont appelée
"L'égalité et la préférence". Aussi, ont-ils
divisé les récits opposés en deux catégories:
1- Les récits
opposés égaux: Ce sont des récits opposés par
leurs significations et égaux par les qualifications de leur chaîne
de transmission et de leur contenu. De là on ne peut ni distinguer
les uns des autres, ni préférer les uns aux autres, ce qui
a conduit les uléma, comme nous l'avons souligné plus haut,
à soutenir deux thèses pour traiter avec les récits
opposés égaux qu'on ne peut réconcilier: déchoir
les deux récits opposés égaux ou choisir l'un d'eux.
2- Le récit
préférable: C'est le récit que l'on préfère,
à cause de ses qualificatifs, à celui qui est en opposition
avec lui. Un tel récit est adopté à l'exclusion de
celui qui lui est opposé, en raison des éléments préférentiels
ou avantageux qu'il comporte.
Les
différentes sortes des éléments préférentiels:
.:Retour au sommaire:.
Les uléma
de la Science du Hadith ont divisé les éléments
préférentiels d'un récit en trois sortes:
1- Les éléments
préférentiels relatifs à la chaîne de transmission:
Ce sont les éléments qu'on trouve dans la chaîne de
transmission de lun des deux récits opposés et qui confèrent
à ce récit un plus haut degré de probabilité
de sa provenance du Prophète ou de l'Imam, ce qui incite à
l'adopter au détriment de l'autre.
Les éléments
préférentiels de cette catégorie sont:
a- La multitude
(le grand nombre) des rapporteurs du récit: Le récit rapporté
par un nombre de rapporteurs, supérieur au nombre des rapporteurs
du récit opposé comporte un élément avantageux
ou préférentiel.
b- La supériorité
des qualifications98 du rapporteur d'un récit à
celles du rapporteur de récit opposé, donne au premier récit
un avantage sur le second.
c- Le raccourcissement
de la chaîne de transmission: C'est le nombre réduit dintermédiaires
de transmission entre le rapporteur et le Prophète ou l'Imam. On
choisit le récit transmis par le plus petit nombre dintermédiaires,
en raison de la diminution de la possibilité d'une erreur ou d'un
oubli dans la transmission. Ainsi, on choisit de préférence
le récit d'un intermédiaire (transmetteur) qui l'a reçu
directement d'un Compagnon du Prophète, citant directement celui-ci,
au détriment du récit opposé reçu d'un compagnon
de la deuxième génération (tâbe`î),
citant un Compagnon qui cite le Prophète.
2- Les éléments
préférentiels relatifs au contenu (matn): Cest l'ensemble
des éléments qu'on trouve dans le contenu d'un récit
et qui sont absents dans le contenu du récit opposé. On donne
à ce récit un plus grand degré de probabilité
de sa provenance du Prophète ou de l'Imam.
Les éléments
préférentiels de cette catégorie sont:
a- Nous
avons appris que le Hadith est tantôt rapporté textuellement
du Prophète et tantôt le rapporteur paraphrase le contenu
de la parole du Prophète. Dana ce cas, on préfère
le récit rapporté textuellement à celui qui lui est
opposé et qui paraphrase le contenu de la parole du Prophète,
en raison de la probabilité de l'incapacité du rapporteur
à transmettre lintégralité du sens des mots utilisés
par le Prophète.
b- La structure
du contenu (texte, matn) sur les plans de la force, de la rhétorique,
de l'éloquence etc. On donne la préférence au récit
dont le texte est éloquent et bien structuré à celui
qui lui est opposé et dont le texte est à la structure relâchée
et à l'expression faible, étant donné que la parole
du Prophète est le sommet de l'éloquence et de la rhétorique
et exclut tout style relâché et tout mode d'expression hésitante.
c- Lorsque
la signification de l'un des deux récits est confirmée par
la multitude des expressions désignant cette signification, ou lorsque
le contenu du récit comporte une expression de serment. Auquel cas,
on préfère le récit dans laquelle il y a confirmation
de la signification. L'un des exemples des récits à la signification
confirmée est le récit qui énonce l'obligation faite
au voyageur d'écourter sa prière lorsqu'il sort de sa maison
après l'entrée en vigueur de l'horaire prescrit de la prière.
En effet, il est dit dans ce récit: «Si tu ne le fais pas,
tu te seras - par Allah - opposé au Messager d'Allah».99
En analysant le contenu
de ce récit, nous remarquons qu'il est de type de signification
confirmée. Car l'ordre de l'Imam: "écourte" dans le récit
indique l'obligation de la réduction, de même que son expression:
«et si tu ne le fais pas, tu te seras opposé...». L'intervention
du serment par Allah renforce encore plus la signification visée.
3- Les éléments
préférentiels extérieurs: il y a d'autres éléments
préférentiels qui se trouvent dans récit et qui sont
absents dans le récit qui lui est opposé. On les appelle,
les éléments préférentiels extérieurs,
parce qu'ils se situent à l'extérieur et de la chaîne
de transmission et du contenu du récit.
Les exemples les
plus saillants en sont:
a- Lorsqu'on trouve
un autre indice qui appuie la signification de ce récit et la confirme.
Or cet appui et cette confirmation font pencher la balance du côté
dudit récit au détriment du récit opposé.
b- Le fait que
la plupart des uléma des siècles plus reculés aient
adopté et appliqué ce récit fait pencher la balance
de son côté (en raison de son adoption par ces illustres prédécesseurs),
rend plus probable sa provenance du Prophète ou de l'Imam (étant
donné la proximité- historique- de ces prédécesseurs
de la source), et renforce la probabilité que les uléma qui
lont adopté eussent connaissance de présomptions d'indices
de son authenticité (indices et présomptions qui ne sont
pas parvenus jusqu'à nous).
Après avoir
exposé les opinions scientifiques sur le rapport de l'égalité
et de la préférence entre les récits, il convient
de noter que les uléma ont des points de vue différents sur
la façon de traiter avec certains de éléments préférentiels
et de sen servir comme arguments légaux.
La
résolution de l'opposition
.:Retour au sommaire:.
Les uléma
de la Science des Fondations de la Jurisprudence ont élaboré
une méthode scientifique pour résoudre le problème
posé par l'opposition entre les récits. Cette méthode
constitue l'une des branches les plus importantes de la science de Hadith
et de la Science des Fondements de la Jurisprudence. C'est delle que dépend
la compréhension et la déduction d'une grande partie des
statuts, des concepts et des pensées islamiques. Cette méthode
a ses règles qui sont:
1- La règle
du cumul normative des récits opposés et de la primauté
des uns sur les autres, tel que le cumul du général et du
particulier, de la primauté du particulier sur le général,
le cumul de labsolu et du restreint, la primauté du restreint sur
l'absolu.
L'explication scientifique
de cette règle est le recours à la norme ou au bon sens,
car celui-ci comprend que lorsque le Législateur Sage promulgue
deux lois, l'une sous une forme générale, l'autre sous une
forme particulière, ou l'une à portée universelle,
l'autre à portée restreinte, la loi à la portée
restreinte est considérée comme une présomption de
l'interprétation du dessein du Législateur, et non une contradiction
avec ce dessein. C'est pourquoi, linterprétation du dessein du
Législateur résout d'opposition.
Exemple: Il y a des
récits qui interdisent d'une façon générale
l'intérêt usuraire, tout comme il y a des versets coraniques
qui décrètent cette interdiction et cette prohibition. Mais
on trouve aussi des récits qui autorisent au Musulman de prendre
un intérêt usuraire d'un mécréant en état
de guerre.
En effet, on attribue
au Prophète cette parole: «Ne mangez pas ce qui provient d'un
intérêt usuraire et ne calomniez pas une femme honnête
(mohaççanah)».
Et:
«Entre nous
et ceux qui sont en guerre contre nous, la question de (linterdiction
de) l'intérêt usuraire ne se pose pas. Nous leur prenons mille
dirhams contre un dirham et nous ne leur donnons rien en échange».100
Lorsque nous confrontons
ces récits opposés par leurs significations, nous comprenons
que le Législateur Sage n'est pas contradictoire dans Sa Législation,
mais a particularisé le statut général en exceptant
de l'interdiction de l'intérêt usuraire, ce que le Musulman
prend au mécréant en état de guerre contre l'Islam,
à titre d'intérêt usuraire.
2- La règle
de la préférence (tarjîh): C'est le fait
de préférer le récit dont la chaîne de transmission,
le contenu ou le contexte comporte des éléments préférentiels,
et d'appliquer le statut qu'il énonce.
3- L'option
(takhyîr): C'est le fait que "la personne assujettie aux obligations
religieuses" (mokallaf) d'opter à son gré pour nimporte
lequel des récits opposés qu'on ne peut réconcilier
et quon ne peut en préférer l'un à l'autre.
4- La déchéance
mutuelle: Certains uléma sont d'avis que les récits opposés
d'une façon fixée dont on ne peut résoudre l'opposition
par l'adoption des uns et des autres et qui ne comportent pas d'éléments
préférentiels faisant pencher la balance vers les uns plutôt
que vers les autres, se font déchoir mutuellement, et nous devons
les ignorer et faire 7comme s'ils n'existaient pas. Et il nous faudra alors
(pour pallier le vide juridique créé par leur déchéance)
nous référer aux "fondements pratiques" (al-uçûl
al-`amaliyyah), tel que "l'acquit de conscience" (barâ'ah)101
et la précaution (ihtiyât)102