Les vérités de la succession du Prophète
TOME I
Seconde et dernière partie
PAR CHERIF MOHAMMED ALI AIDARA
Edité revu et corrigé par :
La Cité du Savoir
Abbas Ahmad al-Bostani
Publication de la Cité du
Savoir
Table
des Matières
Chapitre III: 105
La Succession 105
I- LE TESTAMENT
DU PROPHETE : 106
Recommandation
divine 106
II- LE KHILAFAT
DE L’IMAM ALI (P): 114
La
bataille de Cifayin : 117
1-L’établissement
de l’Imam ‘Alî (P) à Kûfa : 117
2-Les
objectifs de Mu’âwiyah en Syrie : 117
3-Le
recours aux moyens pacifiques par ‘Alî (P) en vue de raisonner Mu’âwiyah : 119
4-La
rencontre à Cifayin : 120
5-Les
combats : 121
6-La
supercherie pour éviter la capitulation : 124
7-Le
traité d’arbitrage : 126
8-Le
bilan de la bataille de Cifayin : 128
9-La
décision des juges ou la perfidie de Amr Ibn al-Âç : 128
10-La
position de ‘Alî (P) concernant les décisions des juges : 130
La bataille de
Nahrawan contre les khawârij : 131
Les ennuis de
l’Imam Alî après Cifayin et Nahrawân : 133
L’échec
de l’expédition contre Mu’âwiyah : 133
Les
avancées de Mu’âwiyah : 133
En
Egypte : 133
A
Basrah : 136
Au
Hidjâz : 136
Les
défections de certains proches : 137
La conspiration
d’un trio de khawârij : 138
La mort de ‘Alî
(P) : 139
LE
MAUSOLLEE DE ‘ALI (P) : 140
L’origine
de l’appellation de Nadjaf : 141
III – LE REGNE
DES UMAYYADES : 141
Les
difficultés puis la mort de Al-Hassan (p) : 141
La
« succession » d’ Al-Hassan (P) : 144
Les
défauts héréditaires de Mu’âwiyah : 146
Le règne
de Yazîd : 152
La
dynastie des Umayyades après Mu’âwiyah et Yazid : 155
IV – LES
CINQ ECOLES : 157
V – LA
PÉNÉTRATION DE L’ISLAM EN AFRIQUE (en dehors de l’Egypte) : 161
Les
premières percées de l’Islam en Afrique sous le règne des Umeyyades : 161
L’entrée
en Afrique des descendants du Prophète (p) : 162
Chapitre IV :
Conséquences et enjeux 168
I – Le 'ISMAH
(INFAILLIBILITE) DU PROPHETE (P) : 168
Le 'Ismah du Prophète (P) : 170
Versets
Sataniques : 171
II - L’ESCLAVAGE
ET L’ISLAM : 175
III - LES DEUX
MUT’A : MARIAGE TEMPORAIRE ET PÈLERINAGE DOUBLE 180
A-
Le mariage temporaire : 180
B
- Le Mut’â du Pèlerinage : 189
IV - LE
RAMADHÂN : 192
V - LA
PRIÈRE : 195
ABLUTIONS : 195
LA
PRIÈRE DU VENDREDI : 198
Les
objets accessoires du culte (la tourbal-housseiniya, le
chapelet, drap du wazîfa tijane, le
bâton de l’imam du vendredi, etc.) : 199
REGROUPEMENT
DE DEUX PRIERES : 201
VI – LES GROUPES
EN ISLAM : 206
1 –
La récitation du mot Astakhfirûllah
vient du verset suivant : 212
2 –
La profession de foi La illaha illallah
est encore une révélation de Dieu : 212
3 –
La salatu alan-nabî est une
recommandation divine : 212
VII – ÂCHURA (10
MOHARREM) : 215
VIII : LA
ZAKÂT ET LE KHOMS : 217
IX :
COMPORTEMENTS ET TRAITS CULTURELS : 222
La
prédestination et le libre-arbitre : 222
Droits
et devoirs du musulman vis-à-vis de son environnement humain et naturel : 228
X : COUPER
LA MAIN DU VOLEUR : 230
XI :
CONSEQUENCES ET ENJEUX ACTUELS : 233
1 –
Conséquences actuelles : 233
2 –
Enjeux actuels : 235
Objectif
de qualité et non de quantité : 236
Conclusion 238
Trois mois avant sa mort, le Prophète de
l’Islam (P) venait de parachever notre religion à Ghadir Khom[40]
après son dernier pèlerinage à la
Mecque, par ce verset :
« Aujourd’hui j’ai parachevé pour
vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que
l’Islam soit votre religion. » (Le Plateau servi, 5 : 3).
Ainsi après avoir transmis aux hommes la Révélation Divine
(le Coran) et effectué son pèlerinage d’adieu à la Mecque, il ne lui restait
qu’à désigner le successeur que Dieu Lui-même avait choisi pour poursuivre Son
œuvre de Salvation de Ses créatures. Ce qu’il fit à Ghadir Khom avant de
conclure par ce fameux verset que nous venons de citer.
Il est donc clair que le Prophète (P) devait
quitter ce monde une fois et seulement une fois sa mission accomplie. Et aussi
que Dieu, toujours dans Son Amour illimité pour Ses créatures, avait laissé aux
hommes la voie libre pour garder le cap vers la Société de
l’Unicité Divine en leur désignant les deux poids auxquels il fallait
s’accrocher pour ne pas se perdre : le Livre de Dieu et la Descendance[41]
du Prophète (P) à commencer par l’Imam ‘Ali Ibn Abi Taleb (P).
Le libre arbitre et la faiblesse de l’homme
devant l’attrait du pouvoir vont déjouer ce grand dessein à travers une
bataille pour la succession qui n’aura une fin que dans l’éclatement de la Communauté Islamique
en une constellation de petits groupes et surtout l’éloignement de la seule
Voie que tous reconnaissent comme véridique, celle de la Descendance du
Prophète (p).
I- LE TESTAMENT DU
PROPHETE :
Recommandation divine
Dieu dit :
«Quand la mort s’approche de l’un de
vous, s’il laisse du bien, le testament vous est prescrit en faveur des pères
et mères et des proches, selon l’usage. C’est un devoir pour les pieux.
Donc quiconque l’altère après l’avoir
entendu, alors le péché pèse sur ceux qui l’ont altéré. Dieu entend, vraiment,
Il sait.
Mais quiconque craint d’un testateur
quelque injustice ou péché, et les réconcilie, alors, pas de péché sur lui.
Dieu est Pardonneur, vraiment, Miséricordieux ! » (Baqâra, 2 : 180 à 182)
Le Prophète (P), Meilleur des hommes, Reflet
de la perfection divine, ne pouvait déroger à la règle, laissant sa Communauté
sans testament donc sans successeur, surtout quand on sait l’importance et la
valeur de son héritage.
Le Prophète (p) a effectivement laissé des
choses que personne n’a laissées et celles-ci exigent un testament. Nous savons
qu’il a laissé la religion d’Allah à son premier stade et dans sa première
jeunesse, ce qui rend le légataire plus important encore que s’il y avait de
l’or ou de l’argent, une maison ou un terrain, un labour ou des bêtes. La
nation toute entière a besoin du légataire qui remplace le Prophète (P), qui
s’occupe de ses problèmes, qui administre les affaires de ce monde et de la
religion et soit le garant de la continuité dans le droit chemin de Dieu.
Il est de ce fait impossible, tant sur le
plan de la Loi de
Dieu (le Coran) que sur celui de la raison pure et encore moins sur celui de la
vérité historique, que le Prophète (p) n’ait laissé un testament à sa
communauté.
Dieu dit :
«Ô Messager, communique ce qui a été
descendu vers toi de la part de ton Seigneur; - si tu ne le faisais pas, alors
tu n’aurais pas communiqué Son Message. Et Dieu te protégera des gens. Non,
Dieu ne guide pas le peuple mécréant.» (Ma’îda, 5 : 67)
Ainsi le Prophète (p) avait reçu de Dieu
l’ordre de communiquer à son peuple le nom de son successeur. C’est ce qui
amena le Prophète (p) à réunir son peuple expressément à Ghadir Khom dans
les conditions que l’on sait pour lui annoncer solennellement son successeur et
légataire :
« Vous croyez qu’il n’y a de dieu que
Dieu, que Muhammad est Son messager et Son Prophète, le Paradis et l’enfer sont
des vérités, que la mort et la résurrection sont certaines, n’est-ce pas
? »
Ils répondirent tous : «Oui, nous le
croyons !»
Il les informa alors qu’il sera bientôt
rappelé par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration :
« Celui dont je suis le Maître
‘Ali aussi est son Maître. Que Dieu soutienne ceux qui soutiennent ‘Ali et
qu’il soit l’Ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de ‘Ali. »
‘Umar et Abu Bakr firent partie des premiers
à féliciter l’Imam ‘Ali (P). ‘Umar le fit en ces termes :
« Bakhin !
Bakhin ! (Bravo ! Bravo !) Tu es devenu le maître de tous
les croyants et croyantes.»
Le testament n’est-il pas le fait de confier
certaines de ses affaires à un autre ?
Si oui alors le testament fait à ‘Ali (P) par
le Prophète (P) ne peut être nié, car il n’y a aucun doute qu’il lui a confié,
après lui avoir légué la science et la sagesse, la tâche de le laver, de le
préparer et de l’enterrer[42]
ainsi que d’acquitter sa dette, d’accomplir sa promesse, de libérer sa conscience,
et de montrer aux gens le vrai, les lois et les règlements établis par Allah
l’Exalté, lorsqu’ils seront dans la discorde. Il fit savoir à sa nation que
‘Ali (P) est son dirigeant après lui, qu’il est son frère, le père de ses
enfants et son ministre. Il est également son proche, son légataire, la porte
de sa citadelle du savoir, la porte de sa maison de sagesse, la porte de la
rémission de cette nation, sa sécurité et l’arche de son salut[43].
Rappelons-nous que la première fois que le
Prophète fit connaître solennellement le successeur que Dieu avait choisi pour
lui remonte à l’appel à l’Islam[44]
que Dieu lui avait demandé de lancer à ses proches au tout début de la Révélation.
Il n’a cessé, depuis lors, de rappeler ce
testament jusqu’à l’heure de sa mort. Il a voulu, à cet ultime instant, écrire
son testament à ‘Ali (P) pour confirmer ses promesses verbales. Il
dit : « Apportez-moi de quoi vous écrire quelque chose qui vous
empêcherait de vous égarer à jamais. » Ils se sont disputés alors qu’il
faut éviter de le faire devant le Prophète (p), ils ont dit : le Messager
d’Allah délire[45] (yahjur, en arabe) – que cela déplaise à
Dieu. Alors même que Allah dit dans le Saint Coran que le Prophète (P) ne
délire jamais et que tout ce qu’il dit est fondé et doté de sens (voir chapitre
sur l’Assama du Prophète (P).
Il a alors compris, suite à cette parole,
qu’il ne resterait trace de cette écriture que la sédition. Il leur
ordonna : « levez-vous ». On peut se demander si ces
compagnons se rappelaient en ce moment-là ce verset du Saint Coran :
«Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix
du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les
uns avec les autres, sinon vos œuvres deviendraient vaines sans que vous vous en
rendiez compte.»
(Les Appartements, 49 : 2)
A sa communauté le Prophète (P) a plusieurs
fois recommandé de s’accrocher aux deux poids [46]:
le Livre de Dieu et la
Sainte Descendance du Prophète (P). Rappelons à ce sujet le
Hadithul thaqaleyni :
« Je vous lègue
deux poids: le premier c’est le Livre de Dieu dans lequel sont votre Guidance
et votre Lumière. Puisez dans ce Livre et accrochez-vous à ce Livre et à ma
descendance (Ahloul-Bayt), ma descendance, ma descendance. ». D’après Sahih Muslim de Muslim, Tome
II à la page 238.
En conclusion, même si le testament n’a pas
été rédigé au moment voulu, il est donc connu de tous parce que prononcé
par le Prophète (P) en personne à plusieurs reprises et devant témoins.
Le Prophète (P) de l’Islam avait accompli sa
mission et Dieu était satisfait de lui, Qui fit descendre peu après la fameuse
Déclaration de Ghadir Khom, le verset suivant :
«Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur
vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Ma’îda, V-3)
De retour de Ghadir Khom, le Prophète (P)
tomba malade et rejoignit le maître du trône entre 14 et sept jours plus tard –
selon les historiens et autres traditionnistes – comme il l’avait prévu et annoncé à sa nation
toute entière réunie.
La maladie du Prophète (P) débuta dans le
mois de çafar de l’an 12 après l’Hégire. Le lundi qui précéda sa mort, le Prophète fit installer un camp à Jorf à cinq
kilomètres de Médine sur la route qui mène vers la Syrie. Il avait nommé à
la tête de cette expédition un jeune homme âgé d’environ dix huit ans du nom de
Oussama, fils de Zaid.
Zaid était un ancien esclave de Khadija (RA)
qui l’avait donné au Prophète (P). Ce dernier l’avait affranchi par la suite et
éduqué comme son fils. Il l’avait nommé pour commander l’expédition qui
défendit le drapeau de l’Islam à Môu’tâh – derrière Ja’far Ibn Abi Taleb (RA)
et devant Abdallah Ibn Rawahata. Al Harîth b. ‘Umar avait été envoyé par le
Prophète auprès du Roi de Basra. Il fut intercepté par le chef des romains,
Char’habil Ibn ‘Umar qui, après avoir lu la lettre du Prophète (p), le fit
exécuter.
Le Prophète fit partir une armée de 3 000
personnes pour aller s’enquérir des raisons pour lesquelles son messager avait
été tué. La délégation fut attaquée et en grande partie massacrée à son tour
par l’ennemi, les chefs de guerre en premier; et les hypocrites médirent sur la
décision du Prophète d’avoir choisi Zaid.
C’est le fils de ce valeureux chef de guerre
que le Prophète (P) avait désigné pour «chercher le sang» de son père et
de tous ceux qui furent martyrs de Môu’tâh, comme le disent les arabes.
Certains compagnons refusèrent d’exécuter l’ordre du Prophète (P), contestant
la désignation à la tête de l’expédition d’un ancien fils d’esclave, trop jeune
et certainement inexpérimenté à leurs yeux pour les commander.
Le jeudi suivant le Prophète (P) se décida à
parler à son peuple de façon définitive à propos de l’expédition de Oussama. En
effet, les rumeurs de la contestation de son choix de Oussama et du refus de
certains de partir à Jorf qui s’en est suivi, étaient parvenues au Prophète
(P). Bien que très malade, il tenait à leur communiquer ce message car l’effet
de surprise était capital pour la réussite de cette opération comme il l’avait
déjà précédemment évoqué. Il se fit aider dans son déplacement par deux
hommes : Abbas b. Abdel Muttaleb et l’Imam ‘Ali (P). Ce fut par ailleurs
le même ‘Ali (P) et son cousin Fadhl Ibn Abbâs qui l’aidèrent encore à se déplacer lorsque,
sur la demande de ses proches, ses femmes se mirent d’accord pour qu’il n’ait
plus à se déplacer d’un appartement à l’autre vu l’état de sa santé. Ils
l’emmenèrent alors de l’appartement de Maymounah, une mère des croyants, à
l’appartement de Aïcha où il resta jusqu’à ce que son âme rejoignît le Tout-Puissant.
Ce jour-là donc, le Prophète (P) monta en
chaire et prononça ce discours[47]
:
« Ô gens, j’ai appris ce que
vous avez dit contre ma désignation de Oussama. Si vous avez récusé et injurié
sa tutelle, vous l’avez fait auparavant en refusant la tutelle de son père. Et
je jure par Dieu qu’il était digne d’être le chef comme son fils est digne de
l’être. »
Il continua :
« Préparez
promptement l’armée de Oussama. Qu’Allah maudisse ceux qui restent en arrière.»[48] Il ne
retenait que les membres de sa famille qui étaient restés autour de lui :
les Ahlul Bayt. Ibn Khoutayba en témoigne dans son « Imamat wa Siassah ».
Malgré cela certains compagnons revinrent
presque aussitôt partis, avertis qu’ils ont été que le Prophète (p) allait de
moins en moins bien. Evidemment pour ceux qui s’intéressaient à lui succéder il
était essentiel d’être là au moment de la disparition du Guide.
Le lundi du jour de sa mort, le Prophète (P)
fit ses dernières recommandations aux femmes en leur rappelant ces versets du
Coran :
« Ô femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme de quelconques femmes. Si
vous voulez vous comporter en piété, alors ne vous abaissez pas en parole, afin
que ne vous convoite pas celui au cœur de qui est la maladie. Et tenez un
langage décent.
Restez dans vos foyers; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes
d’avant l’Islam. Accomplissez la prière et acquittez l’aumône légale et
obéissez à Allah et à son Messager.» (Les Coalisés, XXXIII-32 et 33)
Al Bukharî, dans le chapitre sur la maladie
et la mort du Prophète (p), mais aussi beaucoup d’autres auteurs de hadiths,
rapporte ceci :
A sa fille adorée Fatima Zahra (P), il (P)
demanda de s’approcher puis lui chuchota quelques mots dans le creux de
l’oreille. Fatima (P) se mit à pleurer. Alors le Prophète (P) refit le
même geste qui, cette fois la fit sourire.
Quand on demanda à Fatima (P) ce que le
Prophète lui avait confié chaque fois, elle dit que la première fois il lui
confia qu’il allait mourir et que la deuxième fois, il la rassura en lui
annonçant qu’elle allait être la première à le suivre. En effet, elle mourut
quelques six mois plus tard.
Le Prophète prit la tête de l’Imam ‘Ali (P)
sous son manteau qui les couvrit tous deux, et ce jusqu’à ce que ‘Ali (P) ait
sorti sa tête pour annoncer la mort du Messager de Dieu.[49]
Au matin du lundi suivant vers midi, le
Prophète de l’Islam (p) rejoignit son Grand Ami, le Seigneur des Mondes et
Propriétaire des Ames.
La tristesse fut immense et la désolation
terrible.
Dés que ‘Umar apprit la nouvelle il vint
auprès du défunt, s’assura du décès du Prophète (p) puis se dirigea vers la
cour pour crier :
« Le Prophète n’est pas mort, il
est parti auprès de son Seigneur, comme l’avait fait avant lui Moûssâ, pour
s’absenter pendant quarante jours. Il retournera parmi nous encore. »
Brandissant son épée, il s’écria :
« Je couperai la
tête de quiconque oserait dire que le Prophète est mort. »
C’est alors que Abu Bakr apparut, prit le
temps d’écouter ‘Umar puis alla vérifier lui-même l’état du Prophète. Lorsqu’il
ressortit de l’appartement, il interpella ‘Umar qui continuait à haranguer la
foule. Celui-ci ne l’écouta pas. Il s’adressa alors directement à la
foule :
« Avez-vous déjà
oublié le verset coranique qui avait été révélé au Prophète après le jour
d’Ohod ? Et ignorez-vous l’autre verset coranique révélé au
Prophète : «Tu
vas sûrement mourir, (O Muhammad) et eux aussi vont mourir » (Les
groupes, XXXIX – 30) Et Abu Bakr de poursuivre :
« Que celui qui adore Muhammad
sache que Muhammad est vraiment mort, mais que celui qui adore Dieu sache que
Dieu est immortel : Il est vivant et ne meurt pas. »
Le premier verset
dont parlait Abu Bakr était le suivant :
«Muhammad n’est qu’un Prophète; des Prophètes sont morts avant lui.
Retourneriez-vous sur vos pas, s’il mourait ou s’il était tué ? » (La famille
d’Imran, III – 144)
Pendant ce temps,
l’Imam ‘Ali, s’occupait, à l’intérieur de la maison, à la préparation du lavage
du corps du Prophète (p), en compagnie de Abbâs et de ses deux fils, Fadhl et
Qutham, ainsi que d’Oussama et Saleh ou Charqân. Ils enveloppèrent le corps
d’un tissu trouvé sur place pour ensuite laisser le soin à ‘Ali (P) de le
laver. Comme prévu déjà à sa naissance lorsque le Prophète (P) lui donna son
premier bain, ‘Ali (P) avait été désigné par lui (P) pour cette tâche, et
personne d’autre, sous peine de devenir aveugle, n’était autorisé à laver le
corps du Prophète (p).
‘Ali (P) s’acquitta
de cette tâche et ils revêtirent le corps des vêtements dans lesquels il était
mort avant de l’enrouler dans deux draps de tissu blanc. Au- dessus de tout
cela fut posé un drap de tissu rayé du Yémen.
Puis vint le moment
de la prière sur le corps. A la suite de l’Imam, les proches parents suivis par
les Partisans et les Compagnons du Prophète (p) entrèrent tour à tour par
groupes de dix personnes à la fois pour prier sur le corps.
Il ne restait plus
que l’enterrement lorsqu’une discussion portant sur le lieu d’enterrement,
s’engagea. ‘Ali (P)[50] trancha la
question en affirmant avoir entendu le Prophète lui-même dire que là où un
Prophète meurt il doit être enterré.
Les deux fossoyeurs
de Médine de l’époque, Abu Obaydah al-Jarrâh pour les Mecquois et Abu Talhah
Zaid b. Sahel pour les Médinois, furent sollicités sur ordre de Abbas. Le
premier étant absent, il appartint à Abu Talhah de creuser le tombeau du
Prophète (P). L’enterrement eu lieu dans la nuit du mardi ou à l’aube du
mercredi. L’Imam Ali (P) fut la dernière
personne à quitter l’intérieur du tombeau qui fut ensuite, une fois la voûte
(ou lahd) refermée, rempli
d’une terre légèrement humidifiée.
II- LE KHILAFAT DE
L’IMAM ALI (P):
L’action que le nouveau Calife eut à poser dans l’immédiat pour
répondre à la demande de son peuple fut la révocation des personnes impies aux agissements
et délibérations injustes qui gouvernaient la plupart des provinces de
l’Empire.
Concernant Mu’âwiyah , ‘Alî (P) rejeta d’une main la proposition de
Abdullah Ibn Abbâs de ne pas le déposer pour l’instant vu sa popularité en
Syrie et son refus de se soumettre. ‘Alî (P) s’expliqua par le fait que la Loi de Dieu n’autorise pas les
tromperies astucieuses, avant d’assurer qu’il ne devait pas permettre à un
impie de rester à ce poste ne serait-ce qu’un jour. Il proposa ensuite à
Abdullah Ibn Abbâs d’aller remplacer Mu’âwiyah. Ibn Abbâs déclina l’offre
arguant que Mu’âwiyah le tuerait à cause de sa parenté avec ‘Alî (P).
Le Calife tenait à appliquer les réformes que le droit chemin lui
imposait de faire et auxquelles Dieu mais aussi son peuple attendait de lui.
C’est ainsi que furent envoyés au mois de Muharram
36 A.H. :
1. Ubaydullah Ibn Abbâs au
Yémen,
2. Qays Ibn Sa’d Ibn
Obâdah en Egypte,
3. Quthâm Ibn Abbâs à la Mecque,
4. Samâhah Ibn Abbâs à
Tihâmah,
5. Awn Ibn Abbâs à
Yamânah,
6. Usmân Ibn Honayf à
Basrah,
7. Ammara Ibn Chahab à
Kûfa,
8. Sa’îd Ibn Abbâs à Bahrein,
9. Sahl Ibn Honayf en
Syrie.
La plupart des nouveaux gouverneurs que l’Imam ‘Alî (P) avait nommés,
ne trouvèrent à leur poste ni prédécesseur ni trésor public.
Qays Ibn Sa’d, le nouveau promu pour l’Egypte réussit à remplacer
Abdullah Ibn Sarh en usant de ruse. Ibn Sarh s’était enfui en Syrie, chez
Mu’âwiyah, dés la nouvelle de la mort de Usmân. Devant la résistance de
quelques opposants Ibn Sa’d feignit d’abord de prendre parti pour Usmân avant
de se faire accepter.
Usmân Ibn Honayf, lui, nouveau gouverneur de Basra, y entra sans
opposition.
Ammârah apprit sur le chemin vers Kûfa que les gens de cette ville
portaient leur choix sur Abou Moûssâ al-Ach’arî qu’ils avaient fait nommer par
Usmân. Il rebroussa chemin et fit un rapport à l’Imam ‘Alî (P).
Il en fut de même pour Sahl, le nouveau gouverneur de Syrie nommé par
‘Alî (p) pour remplacer Mu’âwiyah. Avant d’arriver à Damas, des cavaliers
rencontrés en chemin lui apprirent que les Syriens n’étaient pas préparés, loin
s’en fallait, pour accueillir un homme de ‘Alî (P).
D’autres nominations interviendront par la suite en dehors de celles
citées ci-dessus.
Il y eut dans toutes ces réformes de l’Imam ‘Alî (P) au moins deux
grands déçus : Talhah et Zubair. Ils se virent refuser par ‘Alî (P) leurs
candidatures au poste de gouverneurs respectivement de Kûfa et Basra. ‘Alî (P) leur opposa son désir de les garder
à ses côtés en tant que conseillers.
Pour ce qui était de la
Syrie, ‘Alî (P) savait ce qu’il lui restait à faire :
aller faire entendre raison à Mu’âwiyah et libérer le peuple de Dieu du joug
d’un chef injuste, à travers le dialogue d’abord, l’arme des forts, puis la
force des armes si l’impie persistait dans l’erreur. En procédant ainsi ‘Alî
(P) tenait à rester en conformité avec le Saint Coran comme dans tous ses
actes. En effet, Dieu nous dit à ce propos :
« Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la
conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle[51]
contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se
conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec
justice et soyez équitables car Allah aime les équitables. » (Al-Houjourât,
ID-9)
La bataille
de Cifayin :
1-L’établissement de l’Imam ‘Alî (P)
à Kûfa :
Quinze jours après la fin de la bataille du chameau, ‘Alî (P) ayant
déjà nommé ‘Abdullah Ibn Abbâs gouverneur de Basra, mit en mouvement ses
troupes en direction de Kûfa. Le Calife avait décidé de faire de cette ville le
siège de son gouvernement. Au moins deux raisons militaient en faveur du choix
de Kûfa.
La toute première de ces raisons était d’ordre stratégique. Kûfa se
trouvait au centre de l’Empire, à égale distance des principales régions
composant l’Arabie ancienne. Ce qui réduisait de beaucoup les charges suscitées
par les déplacements de l’Armée de la
Umma et augmentait sa mobilité.
La deuxième raison était l’avantage numérique de la population de Kûfa
par rapport à celle de Médine mais aussi son plus grand attachement à l’Imam
‘Alî. A Médine l’Imam n’avait pas réussi à lever une armée de plus de neuf
cents hommes alors qu’à Kûfa plus de neuf mille hommes s’alignèrent derrière
lui.
Cette ville était entièrement acquise à l’Imam ‘Alî et à ses partisans.
2-Les objectifs de Mu’âwiyah en
Syrie :
Profitant de l’assassinat de Usmân, Mu’âwiyah avait monté toute une
stratégie de propagande contre les assassins du Calife pour, en réalité,
renforcer son pouvoir et satisfaire ses ambitions indépendantistes. Son refus
de voler au secours du Calife Usmân assiégé participait de cette visée
personnelle de Mu’âwiyah.
Malheureusement ses partisans ne parvenaient pas à voir cette réalité
qui crevait pourtant les yeux. Toutefois, à la décharge du grand nombre
d’umayyades qui avaient quittaient Médine pour se réfugier en Syrie et des
Syriens soutenant Mu’âwiyah, il existait trois raisons influentes, quoique
insuffisantes, qui les rendaient aveugles à ce point.
D’abord, les umayyades – à l’instar des tribus arabes de l’époque –
tenaient coûte que coûte à venger le sang de leur frère Usmân. Cette tradition
de vendetta était fortement établie en Arabie et elle se transmettait de
générations en générations. Or Usmân avait été tué à Médine par toute une
population. Donc n’importe quel bouc émissaire qu’on leur désignait, surtout
venant de Médine, devenait l’ennemi à abattre. En particulier le remplaçant du
Calife qui devenait ainsi l’assassin virtuel désigné bien que tout le monde sût
le rôle de conseil, de médiation pour la paix et de protection que joua ‘Alî
(P) pour Usmân avant et pendant toute la durée de ses difficiles négociations
avec les révoltés.
Ensuite, une campagne insidieuse était menée par Mu’âwiyah en vue de
faire monter la haine envers les assassins de Usmân. Suivant en cela son
Conseiller Amr Ibn al-Âç, Mu’âwiyah avait fait accrocher sur la chaire de la Mosquée de Damas la
chemise tâchée de sang que Usmân portait lors de son assassinat ainsi que les
doigts estropiés de sa femme Naelah[52].
La vue de tels objets pendant de longues semaines ne cessait, comme l’espéraient
les exposants, de faire couler les larmes des Syriens et d’accroître leur désir
de vengeance[53]
contre les auteurs d’un tel acte.
Enfin – c’est bien la dernière raison que nous citerons mais qui n’en
est pas autant la moindre – Mu’âwiyah avait réussi à maîtriser ses principaux
notables par la corruption devenue notoire dans son entourage. Se soumettre à
lui était devenu source d’un enrichissement rapide et illicite. Une phrase fort
célèbre à cette époque résumait assez bien cet intérêt que certains trouvaient
aux côtés de Mu’âwiyah :
« Il vaut mieux être derrière l’Imam Alî pour la prière et à la
table de Mu’âwiyah à l’heure du repas. »
C’est fort du soutien de son armée et de ses notables et aveuglé par
ses ambitions et convictions personnelles que Mu’âwiyah avait retenu pendant
plusieurs semaines le messager que le Calife ‘Alî (P) lui avait envoyé dés son
arrivée au Califat, pour lui demander de lui faire allégeance. Il tenait à
faire de lui un témoin du désir de vengeance qui animait son armée. Ensuite il
le fit retourner à Médine en compagnie de son propre messager.
Lorsque ‘Alî (P) ouvrit la lettre cachetée de Mu’âwiyah, il découvrit
un contenu tout blanc. Le messager, invité à donner la signification d’un tel
contenu, expliqua :
« Sache donc que j’ai laissé derrière moi en Syrie soixante mille
guerriers pleurant le meurtre de Usmân sous sa chemise tâchée de sang, exposée
à côté de la chaire de la grande Mosquée de Damas, tenant tous à se venger de
toi pour l’assassinat du Calife. »
Un exposé si insolent souleva l’ire des Compagnons du Prophète (p) au
point qu’ils faillirent commettre l’irréparable sur le messager de Mu’âwiyah
n’eût été l’intervention de ‘Alî (P). Le coursier, ravi devant une telle
sagesse doublée d’une si grande bonté, s’amenda puis jura de rester fidèle à
‘Alî (P) pour toujours.
‘Alî demanda le témoignage de Dieu quant à son innocence dans ce crime
et ordonna la proclamation d’une expédition contre Mu’âwiyah.
Une deuxième fois l’Imam envoya un message de paix à Mu’âwiyah, lui
demandant de faire allégeance au nouveau Calife que lui ‘Alî était devenu par
la volonté d’Allah et de son peuple. Jarîr Ibn Abdallah al-Bajalî, un vieil ami
de Mu’âwiyah, gouverneur de Hamadân et chef des Banî Bajila, fut le porteur de
ce message. Celui-ci se trouvait à Kûfa pour prêter allégeance à l’Imam ‘Alî
(P). On était au mois de Cha’bân 36
A.H. soit janvier 657 A.J.C. L’attente de son retour à Médine fut
longue et pleine d’angoisse. Trois mois après son départ, il revint avec une
réponse orale de Mu’âwiyah. Le récalcitrant lui faisait dire qu’il ne prêterait
pas allégeance à ‘Alî (P) tant que les meurtriers de Usmân n’étaient pas punis.
Mâlik Al-Achtar reprocha à Jarîr son trop long séjour, certainement
marqué par le plaisir, auprès de Mu’âwiyah. Mécontent d’une telle remarque,
Jarîr quitta Médine et préféra rejoindre l’ambiance plus festive qui régnait
autour de Mu’âwiyah.
Découragé par tous ces refus obstinés de Mu’âwiyeh de renoncer à ses
ambitions égoïstes pour lui faire allégeance, ‘Alî (P) prit la ferme résolution
de lever une expédition vers la
Syrie. C’est ainsi qu’au mois de Thilqa’dah de l’an 36 A.H. (Avril 657 A.J.C.), ‘Alî (P) leva
son armée en direction de Madâ’in en prenant la précaution de se faire précéder
par une garde avancée. Ils traversèrent le désert mésopotamien puis l’Euphrate
à Riqqah avant de se diriger vers l’Ouest. A Sour-al-Rûm, l’avant-garde de
l’armée de ‘Alî mit en déroute l’avant-garde Syrienne.
4-La rencontre à Cifayin :
L’armée de ‘Alî ne rencontra plus de résistance jusqu’à son arrivée à
Cifayin au mois de Thilhajjah de l’an 36 A.H. (Mai 657 A.J.C.). Les forces de Mu’âwiyah
étaient déjà stationnées à cet endroit.
L’unique accès à l’eau de l’Euphrate, sous contrôle de Cifayin sur une
longue distance, gardé par les guerriers de Mu’âwiyeh, fut interdit aux
loyalistes. L’un des généraux de l’armée rebelle, Abul-Awar, y avait été placé
à la tête de plusieurs milliers de combattants en vue d’assoiffer les guerriers
de ‘Alî (P). Ces derniers constatèrent dés leur arrivée cet état de fait et en
rendirent compte à leur Calife. ‘Alî (P) envoya une délégation à Mu’âwiyah pour
lui demander de libérer l’accès à l’eau car ils étaient tous liés par des liens
de parenté malgré leur hostilité réciproque et qu’en plus si, lui ‘Alî (P)
avait un tel avantage il ne l’aurait mis à la disposition des deux armées.
Mu’âwiyeh, comme il fallait s’y attendre, refusa de renoncer à ce qu’il
considérait comme la garantie de sa victoire.
Devant l’intransigeance de Mu’âwiyah et la soif des gens, Mâlik
Al-Achtar et Ach’ath Ibn Qays obtinrent de ‘Alî (P) l’autorisation de mener
chacun plusieurs milliers d’hommes, respectivement à la tête de la cavalerie et
de l’infanterie, contre les troupes dirigées par Abul-Awar. Le but était de
foncer dans les rangs ennemis et de remplir leurs outres de l’eau du fleuve.
Une bataille s’engagea, qui vit la défaite des rebelles malgré l’arrivée des
renforts[54]
dépêchés par Mu’âwiyah à la demande de Abul-Awar. Les rebelles battirent la
retraite.
Les loyalistes s’installèrent à leur tour dans la zone d’accès à l’eau
de l’Euphrate. Lorsque Mu’âwiyah, en position de faiblesse à présent, demanda
ce qu’il venait de refuser de donner, ‘Alî (P) lui administra une belle leçon
de sagesse et de magnanimité en donnant libre accès au fleuve, et de façon
égalitaire, aux combattants des deux armées.
5-Les combats :
Les combats, à proprement parler, engagés entre combattants lors de la
bataille de Cifayin durèrent quarante jours. Cependant il y’eut entre-temps,
après un mois de combat, une trêve pendant le mois sacré de Moharrem.
L’armée du Calife comptait quatre vingt six mille hommes répartis sur
plusieurs colonnes commandées par Ammâr Ibn Yâcir, ‘Abdullâh Ibn Abbâs, Qays
Ibn Sa’d Ibn Obâdah, Abdullah Ibn Ja’far, Mâlik al-Achtar, Ach’ath Ibn Qays
al-Kindi, Sa’îd Ibn Qays Hamadânî, Ibn Hânî, Muhammad Ibn Abû Bakr et Al-Hassan
Ibn ‘Alî.
Les hommes de Mu’âwiyah, au nombre de cent vingt mille, étaient
également disposés en colonnes commandées par Amr Ibn al-Âç, Obaydullâh Ibn
‘Umar, Abul Awar, Thul Kala Homayri, Abdul-Râhman Ibn Khâlid Ibn Walîd, Habîb
Ibn Maslamah, Bisr Ibn Artâ-âta et Yâzid al-Abassî.
Les hommes des deux camps s’engagèrent pendant le premier mois,
Thilhajjah an 36 A.H.,
dans des combats singuliers presque, pourrait-on dire, ordonnés, d’où leur
durée. ‘Alî (P) tenait au début à ce qu’il y ait le moins de victimes
possibles, espérant toujours un règlement par le retour à la sagesse de
Mu’âwiyah.
Après la trêve du mois de Moharrem pendant lequel le combat était
interdit, les hostilités reprirent de plus belle. Pendant la première semaine
du mois de çafar de l’an 37 A.H. (on venait d’entrer
dans un nouvel an musulman) les combats firent beaucoup plus de victimes que
d’habitude. ‘Alî (P) décida alors de précipiter la fin de cette guerre en
s’impliquant personnellement dans l’assaut final.
Nous vous signalerons deux événements, l’un majeur et tragique l’autre
comique, qui s’étaient déroulés lors de cette attaque.
C’est d’abord la mort au combat du patriarche[55]
Ammâr Ibn Yâcir, celui-là à qui le Prophète avait dit :
« Tu seras tué un jour par la partie rebelle et déviée, Ô
Ammâr ! »
La mort de Ammâr, héros de la bataille de Badr et Compagnon favori du
Prophète, était regrettée tant du côté des partisans de ‘Alî (P) que de celui
des rebelles. Elle fut provoquée par la lance assassine de Jowayr Oskoni un
guerrier de Mu’âwiyah.
A présent que Ammâr était mort et qu’on savait qui l’avait tué et qu’on
se rappelait ce que le Prophète avait dit de ceux qui le tueront, il devenait
évident, tout au moins aux yeux des hommes de ‘Alî (P), que la partie rebelle
et déviée était bien celle de Mu’âwiyah.
Comme il fallait s’y attendre, le doute s’empara des guerriers de
Mu’âwiyah et la discorde s’installa. Et comme un soldat ne doit pas douter
devant l’ennemi, Amr Ibn Al-Âç le rusé conseiller de Mu’âwiyah renversa
intelligemment le sens de l’accusation en disant :
« Et qui d’autre a tué Ammâr, si ce n’est ‘Alî (P), le rebelle, en
l’amenant ici ? »
‘Alî (P) répliquera à ceux qui lui rapportèrent ces paroles de
Amr : « Si ce qu’il dit pouvait être vrai alors on aurait pu
également dire que c’est le Prophète (P) qui a tué Hamzâ à Ohod pour l’y avoir
amené[56]. »
Un adage dit : « Cheytan (Satan) n’a pas dit la vérité mais
il a semé le doute dans les esprits. » L’argutie était certes tordue mais
elle eut un effet positif dans les rangs de l’armée Syrienne. Cette répartie
facile fit le tour de l’armée et sembla convaincre les soldats.
L’autre événement quasi-comique mais important pour mieux éclairer le
lecteur sur les qualités extraordinaires de l’Imam ‘Alî (P), se déroula entre
deux acteurs : ‘Alî (P) et Amr Ibn al-Âç. Le premier était souvent amené à
se déguiser afin de pouvoir avoir des candidats qui accepteraient de se battre
contre lui. On dit même qu’il se déguisa plus de soixante dix fois ! Une
fois, Amr Ibn al-Âç, s’étant assuré que ‘Alî (P) n’était pas dans le groupe
qu’il voulait attaquer, s’enhardit en lançant des paroles défiantes[57]
envers le Calife. Quand il se rapprocha de l’Imam ‘Alî (P) et que celui-ci lui
répondit par des mots qui l’identifièrent, Amr fit un volte-face fulgurant et
détala de toute la force de son cheval lequel souffra le martyre sous les coups
de fouet et d’éperon de son maître apeuré. ‘Alî (P) se mit à sa poursuite et,
dés qu’il l’atteignit, le fit tomber de cheval avec la pointe de sa lance. Amr
chuta, et dévoila ses parties intimes pour obliger ‘Ali (P) à se détourner de
lui. Devant un spectacle aussi humiliant et profane, ‘Alî (P) eut la
magnanimité (encore une fois) de laisser la vie sauve à son ennemi tout en lui
faisant observer qu’il ne devait plus oublier les circonstances honteuses
auxquelles il devait la vie sauve.
Amr fera l’objet de moqueries succulentes de la part de Mu’âwiyah à qui
il répondit d’ailleurs qu’il n’avait pas plus de mérite que lui Amr.
La finale de la bataille de Cifayin eut lieu les 11, 12 et 13 Çafar de
l’an 37 A.H.
Les forces de ‘Alî (P) s’étaient lancés dans la bataille de façon décisive. Ils
attaquèrent à outrance et sans répit avec l’objectif d’en finir avec l’ennemi.
La pleine lune du 13 Çafar permit aux combattants de ‘Alî (P), notamment à
Mâlik Al-Achtar le héros de cette guerre, de faire une véritable razzia sur
l’armée des rebelles. Au matin du lendemain, les Syriens constatèrent avec
désarroi leur repli forcé et les pertes énormes que les loyalistes leur avaient
infligées.
Mu’âwiyah était sur le point de capituler (par la fuite) lorsque le
rusé Amr Ibn al-Âç lui proposa une issue de secours très habile mais combien
malhonnête. Amr expliqua sa ruse :
« Courage, Mu’âwiyah ! Ne te décourage pas ! J’ai imaginé
le moyen de prévenir la crise. Appelle l’ennemi à la Parole de Dieu en levant
haut le Livre Sacré. S’il accepte, cela te mènera à la victoire, et s’il refuse
de subir l’épreuve, la discorde sévira dans ses rangs. »[58]
6-La supercherie pour éviter la capitulation :
Mu’âwiyah n’avait plus le choix. C’était soit s’enfuir (son cheval
était déjà prêt) soit tenter la ruse de Amr. Il choisit la deuxième
alternative. Ainsi ses partisans levèrent plus de cinq cents exemplaires du
Coran accrochés à la pointe de leur lance et, les montrant à leurs adversaires,
crièrent :
« Laissons au Livre de Dieu le soin de décider de nos
différends. »[59]
Les partisans de ‘Alî (P), Ach’ath Ibn Qays en tête, n’hésitèrent pas
une seconde, obnubilés qu’ils étaient par la crainte de ne pas répondre à une
telle épreuve qu’ils croyaient sincère. Ils déposèrent leurs armes et
répondirent comme un seul homme : « Oui, le Livre de Dieu !
Laissons-le décider de nos différends. »
‘Alî (P) s’opposa avec toute la véhémence possible à la proposition de
l’adversaire et tenta d’en éloigner ses soldats : « C’est une
supercherie, leur lança-t-il. Craignant la défaite, ces hommes malveillants ont
trouvé cette astuce de sauvetage. » Puis, lorsqu’on lui reprocha de
refuser de se soumettre à la décision du Coran auquel l’appelaient ses ennemis,
il ajouta :
« C’est pour les amener au Coran que je les ai combattus si
longuement. Ce sont des rebelles. Allez donc combattre votre ennemi. Je connais
Mu’âwiyah, Amr Ibn al-Âç, Ibn Abî Sarh, Habîb et Dhohâk mieux que vous. Ils
n’ont pas d’égard ni pour la religion ni pour le Coran[60] »
Malheureusement, ses hommes avaient déjà fait leur choix et menacèrent
même leur Calife au cas où il refuserait l’appel des rebelles.
L’intransigeance incompréhensible de ces hommes fit d’eux, dans
l’histoire, les khawârij (khâridjites) c’est-à-dire les sécessionnistes.
Devant le refus de Mâlik Al-Achtar de revenir du champ de bataille où
il tenait à continuer le travail commencé, ils exigèrent de ‘Alî (P) qu’il le
fasse revenir. Ce que ‘Alî (P) fit au grand désarroi de son chef de guerre
intrépide. Il lui lança ce message pathétique :
« A quoi sert la victoire lorsque la trahison sévit à l’intérieur
de mon propre camp. Reviens tout de suite avant que je sois tué ou livré à mes
ennemis. »
Mâlik cracha à la face des khawârij son mécontentement et la lâcheté de
leur décision. Ceux-ci ripostèrent par des insultes et ‘Alî (P) dût intervenir
pour calmer les nerfs.
7-Le traité d’arbitrage :
Ach’ath Ibn Qays, qui s’était fait remarquer parmi les khawârij, obtint
de ‘Alî (P) la permission d’aller prendre auprès de Mu’âwiyah la signification
précise de l’acte de ses soldats. A son retour, il leur apprit que Mu’âwiyah et
ses hommes proposaient qu’un juge soit nommé de part et d’autre et que leur différend
leur soit soumis. Le verdict conforme au Coran que ces deux juges donneront
sera alors définitivement appliqué à tous. On demanda l’avis de ‘Alî (P) qui
s’en abstint en disant simplement que celui qui n’est pas libre ne peut donner
son avis. ‘Alî (P) leur suggéra de « régler l’affaire de la manière qu’ils
estimaient convenable pour eux-mêmes ».
Abû Moûssâ al-Acharî, l’ex-gouverneur de Kûfa qui n’avait pas pris part
aux combats, fut choisi par les Khawârij comme le juge du camp des loyalistes.
‘Alî (P) suggéra à sa place Abdullâh Ibn Abbâs le cousin du Prophète (P) car
Abû Moûssâ n’avait pas participé aux combats et en plus avait été destitué par
lui. Les khawârij tournèrent en dérision ce choix du Calife et maintinrent le
leur.
Du côté des Syriens, le choix de Amr Ibn al-Âç s’imposait bien
évidemment au vu de sa roublardise inouïe mais aussi du fait qu’il était
l’initiateur de ce plan diabolique.
Les deux juges se présentèrent dans le camp de ‘Alî (P) pour la
rédaction de l’acte d’arbitrage. Un premier désaccord apparut dés le début.
Sous la dictée de ‘Alî (P), l’acte commençait par :
« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Voici ce qui a
été agréé entre le Commandeur des Croyants, Alî (p), et … »
Amr Ibn al-Âç objecta que ‘Alî (P) n’était pas leur Commandeur à eux
les Syriens et qu’il fallait s’en tenir à « ‘Alî (P) et Mu’âwiyah ».
‘Alî (P) se rappela la prophétie du prophète (P) qui lui avait dit qu’il
viendra un jour où il aura à faire la même concession qu’il venait de faire ce
jour-là. C’était lors de la signature du traité de Hudaybiyyah entre le
Prophète (p) et les arabes païens. C’était à propos de la fréquentation de la Kâbah par les deux
groupes. Les Quraych s’étaient opposés à ce qu’on ajoute au nom du Prophète (p)
son titre de « Messager de Dieu ».
‘Alî accepta finalement d’enlever son titre du texte après toutefois ce
rappel important. Il tenait à leur montrer que ceux qui avaient lutté contre le
Prophète (p) (Abû Sofian, Abû Jahl, Abû Lahâb, etc.) avait laissé derrière eux
une descendance qui assurait la continuité de leur action contre la famille du
Prophète (p) porte-flambeau de la pureté des enseignements de Dieu et de Son
illustre Envoyé.
L’acte d’arbitrage fut signé le Mercredi 13 Çafar de l’an 37 A.H. (31 Juillet 657 A.J.C.) par ‘Alî (P) et
Mu’âwiyah.
Les juges prêtèrent le serment de juger en étroite conformité avec le
Coran et en toute impartialité dans un endroit situé à égale distance de Kûfa
et de Damas. Les deux parties, quant à elles, s’engagèrent à appliquer la
décision des juges, laquelle décision devait intervenir sept mois plus tard.
Pendant ce temps une trêve devait être observée.[61]
Ainsi ‘Alî (P) et Mu’âwiyah suivis de leurs partisans rentrèrent
respectivement à Kûfa et à Damas.
8-Le bilan de la bataille de Cifayin[62] :
Selon Abul Fidâ, quatre vingt dix batailles avaient été livrées à
Cifayin. Pour la plupart des historiens soixante dix mille hommes y perdirent
la vie dans les deux camps dont quarante cinq mille Syriens (de Damas et
Mu’âwiyah) et vingt cinq mille Irakiens (Kûfites de Alî).
Du côté de Alî les chefs qui disparurent lors de cette bataille
sont : Ammâr Ibn Yâcir, Hâchim Ibn Otbah, Khazimah Ibn Thâbit, Abdullâh
Ibn Boydal et Abdul Hâthîm Ibn Tayhân. Chez Mu’âwiyah les
« illustres » disparus étaient Thul-Kala, Homayrî, Obaydullâh Ibn
‘Umar, Hochâb Ibn Thil-Zalim et Habîb Ibn Sa’d al-Tay.
9-La
décision des juges ou la perfidie de Amr Ibn al-Âç :
Le jour convenu arriva[63]
et les juges désignés, Abû Moûssâ al-Acharî et Amr Ibn al-Âç, se rejoignirent
au lieu du rendez-vous comme prévu, chacun escorté par une délégation de 400
personnes.
De nombreux chefs et notables vinrent de Médine, de la Mecque, d’Irak et de Syrie
pour assister à la prise de décision qui devait engager l’avenir de toute la Umma.
Amr Ibn al-Âç connaissait les points faibles de Abû Moûssâ al-Acharî.
Par exemple qu’il suffisait de lui montrer beaucoup de considération pour
l’avoir sous son joug. C’est ce qu’il fit en le prenant dés le début avec des
égards exceptionnels qui comblèrent Abû Moûssâ.
Amr lui fit admettre sans difficulté que Usmân avait été ignoblement
assassiné. Ensuite il tenta de le convaincre qu’il était normal que Mu’âwiyah
lui succéda car ce dernier était le vengeur du sang de son proche parent
qu’était Usmân, doublé d’un chef compétent. Abû Moûssâ refusa cette référence
au sang sinon, trouva-t-il, les fils du défunt seraient mieux placés que
Mu’âwiyah sur ce plan. Amr lui demanda alors de faire une proposition. Abû
Moûssâ répondit :
« Ecartons ‘Alî (P) et Mu’âwiyah pour laisser les Croyants élire
une tierce personne. »
Amr se dit d’accord avec son interlocuteur et le pria d’aller ensemble
annoncer la décision qu’ils venaient de prendre de commun accord. Au moment
d’annoncer publiquement leur décision, Amr insista pour que Abû Moûssâ montât
le premier sur la tribune pour faire sa déclaration, par courtoisie pour
l’homme de ‘Alî prétexta-t-il. Abû Moûssâ fit preuve de toute sa naïveté en
acceptant sans précaution de dire au public :
« Frères ! Amr al-Âç et moi-même avons ensemble examiné la
question profondément, et conclu que le meilleur moyen possible de restaurer la
paix et d’effacer la discorde du peuple est de déposer à la fois ‘Alî (p) et
Mu’âwiyah du Califat afin de laisser au peuple le soin de choisir à leur place
un homme meilleur. C’est pourquoi, je destitue à la fois Alî et Mu’âwiyah du
Califat auquel ils prétendent, de la même façon que je retire cette bague de
mon doigt ».
Amr monta à son tour et fit la surprenante déclaration suivante :
« Vous avez entendu comment il a déposé son chef ‘Alî (P). Pour ma
part, je le dépose également et j’investis mon chef Mu’âwiyah du Califat, et je
l’y confirme, de la même façon que je mets cette bague à mon doigt. Je fais
ceci avec justice car Mu’âwiyah est le vengeur de Usmân et son successeur
légal. »
La stupéfaction était générale. De part et d’autre personne n’avait
songé à pareille duperie. Abû Moûssâ, complètement dépassé par la mauvaise foi
sans limite de son collègue, ne trouvait aucune explication à un revirement
aussi diamétral sinon de reconnaître qu’il a été dupé.
Amr descendit de la tribune sous un tonnerre d’applaudissements des
Syriens qui ne pouvaient espérer une meilleure issue dans cette affaire.
Pendant ce temps les Kûfites ne parvenaient pas à contenir leur rage contre Amr
mais encore plus contre Abû Moûssâ à qui ils ne manquèrent pas de le lui
montrer à travers des injures et même des coups de fouet, notamment du chef de
l’escorte Kûfite, Churay.
Le fils de ‘Umar, Abdullâh Ibn ‘Umar fit de cet événement un
commentaire qui résumait le long fleuve de commentaires qui coula à propos de
cette décision :
« Voyez ce qui est arrivé à l’Islam. Sa plus grande affaire a été
confiée à deux hommes dont l’un ne distingue pas le bon droit de l’erreur, et
l’autre est un nigaud. »
Abû Moûssâ fit vite de se retirer par la suite à la Mecque où il mourut
malheureux cinq ou quinze ans plus tard selon les auteurs.
A Damas Mu’âwiyeh fut proclamé nouveau Calife et fêté comme tel. A
partir de ce moment-là les affaires de Mu’âwiyah commencèrent à prospérer
tandis que le pouvoir de ‘Alî (P) s’effritait de jour en jour.
10-La
position de ‘Alî (P) concernant les décisions des juges :
Le jugement n’ayant pas été juste encore moins conforme au Coran, ‘Alî
(P) ne pouvait que le rejeter. Il prit alors la décision de reprendre les
hostilités contre l’ennemi Mu’âwiyah. Il avait tenu à respecter la trêve signée
entre les deux parties malgré sa volonté, sous la menace des khawârij comme
nous l’avons vu précédemment.
En effet les jugements qui venaient d’être dits – il y en avait bien
deux et non un comme convenu – étaient contradictoires malgré l’accord
préalable entre les deux juges. Dés lors l’acte d’arbitrage avait été violé car
il était entendu que les juges devaient se concerter et se mettre d’accord sur
une décision commune et conforme au Coran mais évidemment non contradictoire.
Ensuite cette décision prise de commun accord devait être appliquée aux deux
parties en conflit. On ne comprendrait d’ailleurs pas qu’il pût en être autrement
sinon ils n’auraient pas eu à se concerter si chacun pouvait juger séparément
de l’autre. Il est évident qu’un tribunal ne peut donner deux jugements
définitifs contradictoires sur une même affaire.
A juste raison ‘Alî (P) ne se sentait donc pas concerné par de telles
décisions basées sur une tromperie, ridicule d’ailleurs et contraire à l’esprit
et à la lettre du Livre Sacré qui bannit la fourberie et l’hypocrisie dont
avait usé et abusé Amr Ibn al-Âç.
La trêve conclue entre les deux factions en guerre devant être
respectée jusqu’à la proclamation du verdict des juges, le Calife n’était donc
plus lié par un quelconque engagement. C’est ainsi qu’il appela ses partisans à
la reprise des hostilités contre Mu’âwiyah.
La bataille de Nahrawan contre les khawârij :
1.
La formation de la rébellion khâridjite :
Revenons un tout petit peu en arrière. Sur le chemin du retour à Kûfa,
un bon nombre de soldats de ‘Alî (P) murmuraient quelques critiques à l’encontre
de l’action de ‘Alî (P). Les futurs khawârij qui, pourtant l’avaient forcé à
signer l’acte d’arbitrage avec son corollaire de trêve, reprochaient à leur
Calife d’avoir accepté le jugement des hommes à la place de celui de Dieu. Tout
un programme qui allait se fanatiser et devenir une véritable hérésie contre
tous ceux qui voulaient commander d’autres hommes. Ils n’arrivèrent pas à Kûfa
avec le reste des troupes mais campèrent dans un village du nom de Harora.
Leur credo fut fondé sur une mauvaise interprétation d’un verset du
Coran :
« La hukma illâ lillâh »,
soit « il n’y a pas de jugement si ce n’est celui de Dieu ».
Ils professaient que nul homme n’avait le droit de commander d’autres
hommes ni de prêter allégeance à son prochain. Donc point besoin de Calife. De
plus, pour eux ‘Alî (P) avait à se repentir pour avoir commis
« l’apostasie » d’accepter le jugement des hommes alors que seul Dieu
avait le droit de juger.
Quand il eut vent de leurs récriminations contre lui, ‘Alî (P) alla les
voir dans le lieu de leur retraite et leur expliqua qu’ils faisaient une
mauvaise lecture du verset du Coran qu’ils aimaient citer. Dieu y faisait
comprendre que tout jugement devait se fonder sur la Vérité
absolue et infaillible du Livre car toute autre référence en dehors du Coran,
du Prophète et de sa descendance n’est pas protégée de l’erreur.
Son refus de continuer le combat après avoir signé l’accord de trêve
sur leur propre insistance, relevait du respect de la parole donnée
conformément aux enseignements du Coran. Cependant s’il était établi que les
juges n’avaient pas respecté leur serment il allait reprendre les combats.
La bataille de Nahrawân :
Les khawârij restèrent malgré tout dans leurs croyances erronées. Et
même pire, ils commencèrent à mener des actions terroristes dans les villages
qui les entouraient. Ils tuèrent un voyageur et éventrèrent une femme enceinte.
Là l’Imam ‘Alî (P), qui avait commencé sa marche vers la Syrie de Mu’âwiyah, décida
de faire un détour vers Nahrawân, le siège des khawârij. Ses soldats
craignaient à juste titre que les terroristes khawârij ne s’en prennent à leurs
familles laissées sans défense derrière eux.
Ayant fait camper ses troupes aux environs de Nahrawân, ‘Alî (P) envoya
un message aux hérétiques pour les raisonner mais aussi demander à ceux d’entre
eux qui le voulaient de le rejoindre encore qu’il était temps. De 12000 leur
nombre passa à 3000 après le ralliement à ‘Alî opéré par ceux qui étaient
convaincus par ses arguments mais aussi ceux qui craignaient pour leur vie.
Ces 3000 khawârij irréductibles attaquèrent l’Imam ‘Alî (P) et eurent
le triste sort qu’ils méritaient. L’armée de ‘Alî (P) s’en tira avec moins
d’une dizaine de morts.
Les quelques rares blessés parmi les khawârij furent remis à leurs
parents par ‘Alî (P). Ces rescapés, renforcés par les hypocrites qui avaient
rallié l’armée de ‘Alî (P) par crainte pour leur vie, ressusciteront par la
suite le mouvement khâridjite qui venait d’être presque décimé.
Les ennuis de l’Imam Alî après Cifayin et Nahrawân :
L’échec
de l’expédition contre Mu’âwiyah :
Une fois les hérétiques khawârij exterminés, l’armée de ‘Alî (P) reprit
la route vers Damas. Mais les soldats étaient fatigués. Ils demandèrent par
conséquent à ‘Alî (P) de leur accorder un moment de repos afin de recharger
leurs batteries et de se réarmer de façon plus conséquente face au long périple
et à la force bien puissante de Mu’âwiyah qui les attendaient.
En réalité il y avait en plus de ces considérations, la crainte de
laisser à la merci des terroristes khawârij leurs familles sans défense. Le
doute avait gagné l’esprit des soldats et la suspicion mutuelle celui de
certains chefs de guerre.
Un jour de congé fut accordé à tous ceux qui avaient des affaires
urgentes à régler à Kûfa, la ville voisine du camp retranché où ils s’étaient
retirés. Le congé épuisé, les soldats ne rentrèrent pas. ‘Alî (P) fut obligé
d’aller en ville pour les faire revenir à travers des appels publics. Rien n’y
fit. L’expédition contre la
Syrie venait ainsi d’avorter. ‘Alî (P) se résigna à
l’abandonner avec beaucoup d’amertume.
Les
avancées de Mu’âwiyah :
En
Egypte :
Plusieurs hommes se succédèrent au poste de gouverneur de cette
province depuis la fin du règne de Usmân. D’abord Ibn Abî Sarh, nommé par Usmân,
partit à Médine au secours du Calife assiégé. Avant d’arriver à Médine, la
nouvelle de la mort de Usmân et du choix de ‘Alî (P) comme Calife lui était
parvenue. Etant opposé à Alî (P) dont il craignait le jugement que celui-ci
porterait contre lui, il préféra ne pas revenir en Egypte et alla se réfugier à
Damas auprès de Mu’âwiyah.
Avant de partir pour Médine, il avait confié les affaires de la
province à Muhammad Ibn Hothayfah, le fils d’un valeureux Compagnon du
Prophète. Muhammad (p) était un homme pieux et juste qui dénonçait publiquement
les défauts criards de Mu’âwiyah. Ce dernier lui tendit un piège en le faisant
inviter puis capturer par Amr Ibn al-Âç dans une ville frontalière.
Pendant ce temps, ‘Alî (P) avait nommé un nouveau gouverneur pour
l’Egypte en la personne de Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah[64].
Quand Qays arriva en Egypte, Muhammad était déjà parti et ne revint plus pour
la raison citée au paragraphe précédent. Qays réussit à restaurer l’autorité du
Calife ‘Alî (P) dans presque toute la province à l’exception d’une ville
rebelle, celle de Kharamba, qui continuait à réclamer la vengeance du sang de
Usmân[65].
Qays trouva sage de renoncer à soumettre Kharamba par la force. L’impôt légal
ne leur était même plus exigé.
Mu’âwiyah se trouvait bien ennuyé devant la puissance du pouvoir de
Qays. Il tenta, comme à son habitude, de ruser pour l’éliminer en essayant de
le mettre en mal avec ‘Alî (P) concernant les rebelles de Kharamba.
‘Alî (P) sut éviter le piège de la zizanie tendu par Mu’âwiyah mais ce
ne fut pas le cas de Qays. ‘Alî (P) demanda, en effet, à Qays de ramener à la
raison avec fermeté les contestataires de Kharamba. Qays manqua de clairvoyance
en refusant d’obéir à son Calife. ‘Alî (P) le démit de ses fonctions en nommant
Muhammad Ibn Abû Bakr gouverneur d’Egypte. ‘Alî (P) venait de prouver encore
une fois, s’il en était besoin, que si un de ses hommes de confiance s’écartait
du droit chemin, il n’hésitait pas un seul instant à le démettre. C’était en 38 A.H.
Malheureusement Muhammad était aux antipodes de Qays. Il se mit tout de
suite à pourchasser avec fracas ceux qui continuaient à vouloir venger le sang
de Usmân. Son autorité en prit un coup et le désordre s’installa dans la
province. ‘Alî (P) fut obligé, pour restaurer son autorité et dans sa constante
quête de justice et d’équité, d’envoyer un autre homme pour le remplacer, en
l’occurrence Mâlik Al-Achtar.
Avant même que celui-ci n’arrivât en Egypte, Mu’âwiyeh fit empoisonner
Mâlik lors d’une halte. Il promit au notable chez qui Mâlik devait observer
cette halte, de le dispenser de la Zakât
sur les revenus qu’il collectait. Le notable cupide mit une overdose de poison
mortelle dans un verre de miel qu’il porta à boire à Mâlik.
Lorsqu’on lui apprit la réussite de son lugubre projet, Mu’âwiyah s’en
enorgueillit en poussant :
« Inna lillâhi junûdun fil
assal », soit « Dieu a des soldats dans le miel » pour dire
qu’on peut combattre ses ennemis avec le miel. Grandissime sacrilège pour un
aliment dont Dieu disait dans le Saint Coran qu’il était un remède pour l’homme
à de multiples maux.
Mâlik Al-Achtar éliminé et Muhammad Ibn Abû Bakr affaibli par le
désordre qui régnait autour de lui, Mu’âwiyah rendit le coup de grâce à
l’autorité de ‘Alî (P) en Egypte en lançant une attaque guerrière décisive contre
l’Egypte. Mu’âwiyah prit ainsi possession de l’Egypte.
Muhammad Ibn Abû Bakr fut capturé puis sauvagement tué par l’ennemi. Il
fut enfermé vivant dans la peau recousu d’un âne et brûlé avec cette enveloppe.
Quand sa tête grillée fut livrée à sa sœur Aïcha, la veuve du Prophète (p) en
fut profondément marquée. Abûl-Fidâ nous raconte que depuis lors elle appelait
à chaque prière la malédiction de Dieu sur Amr Ibn al-Âç et Mu’âwiyah.
A Basrah :
Le désarroi et l’affliction de ‘Alî (P) furent immenses devant les
pertes cruelles de Muhammad Ibn Abû Bakr et de Mâlik Al-Achtar triplées de
celle de l’Egypte. Ce, d’autant plus qu’il n’avait aucun moyen de riposter
malgré tous ses appels à la levée d’une armée suffisamment forte pour attaquer
Mu’âwiyah.
Dans cette même année 38
A.H., le gouverneur de Basra, Abdullâh Ibn Abbâs vint à
Kûfa consoler son cousin ‘Alî (P). Mais son absence fut exploitée par Mu’âwiyah
pour lancer une attaque contre Basra. ‘Alî (P) y dépêcha un renfort commandé
par Jariya Ibn Qidâmah. Les forces de Alî réussirent à reprendre la ville et à
réinstaller Abdullâh Ibn Abbâs revenu de Kûfa.
Tout le long de l’année 39
A.H. qui suivit, l’armée de Mu’âwiyah sema le désordre
et l’insécurité sur la quasi-totalité du territoire soumis à l’autorité du Calife
‘Alî (P). Le but visé fut en partie atteint : diminuer le charisme de ‘Alî
(P) auprès des populations et donc fragiliser son pouvoir en instaurant un
sentiment permanent d’insécurité.
Au Hidjâz :
C’est en l’an 40 A.H.
que Mu’âwiyah décida de prendre Médine et la Mecque, les deux villes phares du Hidjâz. Bosar,
le chef de guerre du contingent Syrien réussit à extorquer aux notables de ces
villes le serment d’allégeance à Mu’âwiyah puis il prit la direction du Yémen.
Au Yémen, les partisans de Mu’âwiyah massacrèrent un grand nombre de
partisans de ‘Alî (P). D’une cruauté inégalable, Bosar y mit à mort de façon
atroce deux garçons, petits-fils de Ubaydullâh Ibn Abbâs qui était un cousin de
‘Alî (P) et gouverneur du Yémen. Ce dernier s’était enfui devant la supériorité
de l’adversaire.
‘Alî (P) envoya sa cavalerie à la rescousse des Yéménites. A leur
arrivée au Yémen, Bosar était déjà parti. Les soldats de Jariya Ibn Qidâmah
poursuivirent leurs ennemis à Najrân où ils avaient été bien accueillis. Les
rebelles s’enfuirent à la vue de leurs poursuivants tandis que ceux des
collaborateurs des envahisseurs dont la culpabilité était avérée furent
exécutés par Jariya et ses soldats.
Jariya continua sa reconquête jusqu’à la Mecque puis Médine où, à
chaque fois, il chassa l’envahisseur et restaura l’autorité de Alî (P).
La mort atroce des deux petits-fils de son cousin Ubaydullah provoqua
la colère de ‘Alî (P) qui appela la malédiction de Dieu sur Bosar. Il devint
effectivement fou jusqu’à la fin de sa vie.
Les
défections de certains proches :
Le Calife ‘Alî (P) n’eut véritablement jamais le temps de gouverner
pendant les cinq années que dura ce qu’on appelle injustement son règne. Il
devait consacrer tout son temps et son énergie à la lutte contre les ennemis
qui attaquaient de toutes parts – Nous y reviendrons.
Cependant parmi toutes les défections d’hommes qu’il connut dans cette
période trouble, il y en eut deux qui l’affligèrent particulièrement.
La première fut celle de son cousin Ubaydullah Ibn Abbâs, le gouverneur
de Basra. ‘Alî (P) avait reçu plusieurs plaintes contre Ubaydullah pour des
malversations et autres détournements de deniers publics. Il le fit convoquer
en vue de vérifier les comptes du trésor public Ubaydullah refusa d’obtempérer
et même en rajouta en s’enfuyant vers la Mecque avec un important pactole malgré
l’opposition des gens de Basra. La deuxième défection, fort pénible pour ‘Alî
(P), fut celle de son propre frère ‘Aqîl. Celle-là suivit de peu la première
citée. ‘Aqîl avait demandé avec insistance à ‘Alî (P) une aide supplémentaire
provenant du trésor public. ‘Alî (P) qui souhaitait vraiment satisfaire la
demande de son frère, lui proposa pour l’éprouver de pénétrer à la faveur de la
nuit dans la maison d’un riche voisin. Et là ‘Aqîl allait pouvoir satisfaire sa
demande. Le frère interloqué lui demanda s’il était sérieux. ‘Alî (P) lui
expliqua qu’il trouvait plus facile, le Jour du Jugement de se défendre contre
un seul individu (le riche voisin) que contre toute la Umma.
Après cela ‘Aqîl, toujours insatisfait, alla trouver Mu’âwiyah qui
l’accueillit avec bonheur et le couvrit de biens.
La
conspiration d’un trio de khawârij :
Les khawârij avaient continué à mener des actions subversives pendant
l’an 39 A.H.
mais ces soulèvements furent à chaque fois annihilés par les forces de ‘Alî
(P). Ils s’étaient finalement confinés dans une retraite de façade. Les forces
auxquelles ils s’opposaient, celles de ‘Alî (P) et de Mu’âwiyah à la fois,
étaient nettement supérieures à la leur.
Tout de même trois d’entre eux se rencontrèrent lors du Pèlerinage à la Mecque de l’an 39 A.H. Ils s’engagèrent à
venger le sang de leurs nombreux martyrs et à « libérer l’Islam de ses
apostats » qui étaient ‘Alî, Mu’âwiyah et Amr Ibn al-Âç. Borâq Ibn
‘Abdullâh al-Taymî, Amr Ibn Bakr al-Taymî et Abdou Rahmân Ibn Muljim firent le
serment de se sacrifier pour tuer respectivement Mu’âwiyah, Amr et ‘Alî (P).
Les deux premiers manqueront leur objectif. A Damas, Borâq réussit
effectivement à porter un coup de poignard à Mu’âwiyah au niveau de l’aine sans
pour autant le tuer. Devant le dilemme de choisir entre une potion qui devait
le rendre impuissant et la cautérisation de l’ouverture provoquée par le
poignard, Mu’âwiyah préféra la potion. Il eut la vie sauve tandis que le
coupable eut les mains et les pieds coupés en guise de sanction avant d’être
tué plus tard à Basra où on l’envoya. Le gouverneur de cette ville le punira de
la sorte pour avoir eu un fils après avoir privé son Calife de cette capacité.
Le deuxième terroriste, lui, tua un certain Kharijah à la place de Amr
Ibn al-Âç qui s’était fait remplacer ce jour-là pour une diarrhée qui lui valut
la vie sauve. Il n’épargnât pas pour autant la vie de son homonyme qu’il
ordonna d’exécuter immédiatement.
Seul des trois khawârij, Abdou Rahmân Ibn Muljim arrivera à ses fins
pour le grand mal de l’Islam.
Toutes les trois tentatives de meurtre avaient un dénominateur commun.
Elles se déroulèrent pendant la prière du matin du même jour convenablement
fixé plusieurs mois à l’avance. Il faut dire que l’heure de la prière du matin
était le moment favori des assassins de l’époque pour accomplir leur sale
besogne.
La mort de
‘Alî (P) :
Le vendredi 19 du mois de Ramadhân
de l’an 40 A.H.
fut un triste jour pour la
Umma. C’est ce jour-là que l’Imam ‘Alî (P) fut blessé à la
tête par Abdou Rahmân Ibn Muljim.
Dés que son assassin l’eut frappé avec son sabre pendant la prière du
matin, Alî réussit à se retourner et à l’attraper par le bras. Il prononça ces
mots : « Fûztu wa Râbûl-Kâbah »,
soit à peu près « J’ai gagné ! Au nom du Seigneur de la Kâbah »
Ce cri de victoire de ‘Alî (P), attesté par un parjure, se rapportait à
tout le cheminement de l’Imam ‘Alî (P). En somme la victoire de la vérité, de
la justice et du bien sur le mensonge, l’injustice et le mal.
Ensuite l’Imam ‘Alî (P) le confia à Al Hassan (P) à qui il
indiqua : « Garde-le en prenant bien soin de lui. Si je meurs, tu le
fais tuer d’un seul coup comme il a fait avec moi. Si je ne meurs pas alors je
jugerai son affaire. »
Puis il désigna Al-Hassan (P) comme son successeur[66]
avant de lui demander de faire la même chose avec Al-Hussein (p). Il lui donna
ensuite la liste complète des onze Imams qui devaient lui succéder.
Il s’éteignit à l’âge de soixante trois ans dans la nuit du Samedi au
Dimanche[67],
soit le 21 Ramadhân A.H. de l’an 40
A.H. Ses fils Al-Hassan (P) et Al-Hussein (P) et le fils
de son frère Jâ’far, Abdullâh, procédèrent au lavage mortuaire. Al-Hassan
dirigea la prière sur le corps de l’Imam. Il fut ensuite enterré à Al Nadjaf
Al-Achraf situé à sept kilomètres de Kûfa. Cet endroit sera plus connu sous le
nom de Machhad ‘Alî (P) (le sépulcre de ‘Alî).
LE
MAUSOLLEE DE ‘ALI (P) :
Le Prophète Ibrahim (P) et son fils Isaac (P) se rendirent un jour à
Nadjaf; à l’époque, cette région était le théâtre de fréquents tremblements de
terre. Mais durant tout leur séjour les habitants de cette contrée connurent
l’accalmie.
Une nuit, les Prophètes Ibrahim (P) et Isaac (P) quittèrent Nadjaf pour
un village voisin et après leur départ, les tremblements reprirent. A leur
retour le Prophète Ibrahim (P) et son fils Isaac (P) acceptèrent de demeurer à
Nadjaf à la demande insistante des habitants à condition que ces derniers
acceptent de leur vendre la vallée située à l’arrière du village pour qu’ils
puissent y pratiquer l’agriculture.
Isaac (P) tenta de convaincre son père d’y renoncer. Mais le Prophète
Ibrahim (P) prédit
Un grand événement à son fils: « un jour, on y trouverait une
tombe et il y serait érigé un mausolée par la grâce duquel soixante douze mille
personnes accéderaient au Paradis. En outre, ces heureuses personnes pourraient
intercéder en faveur d’autres croyants ».
La Vallée qu’ Ibrahim (P) souhaitait acquérir s’appelle la Vallée de la Paix ou Wadi Salaam.
Et, il a été rapporté de l’Imam ‘Ali Ibn Al Hussein (P) un Hadith
d’Imam ‘Ali (P) selon lequel « cette Vallée de la Paix fait partie intégrante
du Paradis. Et que tout croyant où qu’il se trouve, à l’Est comme à l’Ouest,
après la mort, son âme est transportée dans ce Paradis pour y demeurer dans la
paix et la quiétude ».
Imam ‘Ali (P) poursuit. « Comme rien dans l’univers n’est caché à
mes yeux, je vois les habitants du Barzakh
(intermonde), assis ici même, en groupes, discutant entre eux. »
L’origine de l’appellation de
Nadjaf :
Autrefois, une montagne dominait la région de Nadjaf. Lorsque le
Prophète Nuh (P) {dont la tombe ainsi que celle d’Adam (P) le père de l’humanité
se trouve à l’intérieur du mausolée de ‘Ali (P} finit de construire son arche,
il reçut l’ordre d’Allah de monter à bord avec quelques paires d’animaux et les
croyants.
Kanaîn, un de ses fils qui avait rejeté la croyance en Un Seul Dieu,
refusa alors de prendre place à bord de l’arche. « J’irai au sommet de
cette montagne aussitôt que je verrai apparaître les premières eaux »
dit-il.
Et aussitôt, toute la montagne s’effondra en un temps record : et
c’est ainsi que Kanaîn fut emporté par les vagues. Une large rivière se forma à
l’endroit où se trouvait la montagne. Mais au fil du temps, la rivière s’est
tarie, et l’endroit fut appelé Nay-Jaff, c’est-à-dire « la rivière
asséchée ».
III – LE REGNE DES
UMAYYADES :
Les difficultés puis la mort de Al-Hassan (p) :
Les gens de Kûfa firent allégeance à Al-Hassan Ibn ‘Alî (P) en tant que
nouveau Calife de la Umma
islamique. Il ne restait à cette époque sous la domination de ‘Alî (P) plus que
le Hidjâz (Médine et la Mecque)
et Kûfa.
Al-Hassan (P) resta six longs mois sans la possibilité de reprendre la
lutte armée – malgré toutes ses vaines tentatives à l’instar de son père –
contre Mu’âwiyah, un ennemi réellement puissant. L’armée dont il avait hérité
de ‘Alî (P) était affaiblie par son manque d’effectifs, ses querelles internes
et son inorganisation.
Dans cette situation déjà critique, Mu’âwiyah envoya une forte armée à
Kûfa pour assujettir Al-Hassan (P).
Compte tenu de cet état de fait, il comprit qu’il devait négocier avec
l’ennemi. Un mauvais arrangement valant mieux qu’un bon procès, de la même
façon on pouvait dire qu’un pacte de paix circonstancié valait mieux qu’une
bonne guerre qui aurait hypothéqué définitivement l’avenir de l’Islam à travers
l’extermination de ses ultimes et rares représentants.
C’est ainsi qu’un accord de paix fut signé entre Al-Hassan (P) et
Mu’âwiyah. Selon Al Tabari et Ibn Al-Athîr, Mu’âwiyah a envoyé une feuille
blanche à Al-Hassan au bas de laquelle il avait apposé son estampille, ainsi
qu’une lettre dans laquelle il a écrit :
« Pose les conditions qui te conviennent dans cette feuille que
j’ai signée, je les accepterai. »[68]
Les conditions que Al-Hassan (P) a posées sur cette feuille ont été
relatées de façon négligée par les historiens pour la simple raison que
Mu’âwiyah avait annoncé dés sa prise du pouvoir qu’il n’en respecterait pas une
seule. Toutefois une analyse des différentes versions permet de retenir le
minimum qui suit.
Il était écrit que Hassan (P) devait renoncer au Califat (temporel)
pour le compte de Mu’âwiyah et le remplacer à sa mort. Il conservait cependant
le pouvoir spirituel de guidance de la
Umma dont Dieu l’avait investi et qu’aucun homme ne pouvait
lui retirer.
Mu’âwiyah s’engageait en retour à appliquer le Coran et la Sunna, à ne pas léguer son
pouvoir à sa descendance mais à Al-Hassan (P) ou alors à Al-Hussein (P) s’il
arrivait un malheur au premier des deux.
De plus il renonçait à poursuivre et à maltraiter les chîa’ (partisans de Ahlul Bayt) sur
toute l’étendue du territoire de l’Empire suite aux différentes guerres qui les
opposèrent.
Al-Hassan (P) quitta Kûfa et se retira à Médine où il mourut empoisonné
le 28 du mois Saffar de l’an 50[69].
Mu’âwiyah avait commandité le meurtre. Il promit à une dame[70],
qui était déjà une épouse de Al-Hassan (P) ou qui réussit à l’être afin de
réussir son acte, de la donner en mariage à son fils Yazid avec une dote très
conséquente, si elle arrivait à empoissonner Al-Hassan (P). La femme réussit à
empoisonner celui qui était alors son époux au moment du meurtre, Al-Hassan
(P).
Quand elle s’empressa de donner la nouvelle de la réussite de son
opération, Mu’âwiyah lui répondit : « Si nous ne souhaitons même pas
te donner en mariage à Al-Hassan (P), comment pourrait-on alors t’offrir
Yazid ? » Tout de même elle aurait reçu une récompense matérielle.
Al-Hassan (P) eut le temps de dire à Al Hussein (P) qu’il avait demandé
à Aïcha d’être enterré près de son grand-père Muhammad (P) dans l’appartement
de la Mère
des Croyants. Et que si toutefois il en venait des gens qui refusaient pareille
demande, il fallait que Hussein (P) évitât de faire couler le sang pour autant.
Marwâne était en ce moment-là le représentant de Mu’âwiyah à Médine.
C’est lui qui empêcha Al-Hassan (P)
d’être enterré auprès de son grand-père (P). Finalement il fut enterré à Baqi,
le cimetière musulman de Médine.
Al-Hussein (P) lui succéda. Il était l’Imam de sa communauté, en
dirigeait la partie spirituelle et cachée sans toutefois avoir les bénéfices
matériels du règne terrestre. Mu’âwiyah s’était définitivement approprié cet
aspect du Califat. Cette fois le Califat (commandement uniquement temporel)
s’opposait totalement au Khilafat de Dieu qui, lui, était entre les mains de
Al-Hussein (P), transmis depuis le Prophète à ‘Alî (P) puis à Al-Hassan (P).
La
« succession » d’ Al-Hassan (P) :
A l’annonce de la mort de Al-Hassan (P), Mu’âwiyah se prosterna contre
le sol. Il était tout content de cette nouvelle. Non pas que le fils de l’Imam
‘Alî (P) l’empêchait de faire ce qu’il voulait car il avait décidé de ne
respecter le moindre article du pacte qu’il avait signé. Mais c’était plutôt
que sa disparition le comblait de la joie de voir s’en aller un ennemi qu’il
haïssait tant.
Mu’âwiyah s’empressa de désigner son fils Yazid comme son successeur au
Califat, contrairement au pacte de paix où il était écrit que Al-Hussein (P)
devait lui succéder s’il arrivait quoique ce soit à Al-Hassan (P).
Plusieurs personnalités de Médine vont s’opposer à cette décision de
Mu’âwiyah. C’étaient Al-Hussein (P), Abdullâh Ibn Oumar, Abdullâh Ibn Zubair,
Abdullâh Ibn Abbâs, Abdou Rahmân Ibn Abû Bakr, Abdullâh Ibn Jâ’far. Mais
également tous les Banu hachémites.
Une anecdote[71]
fort enrichissante mérite à ce niveau notre attention. En effet, Marwâne reçut
le message de Mu’âwiyah lui demandant et justifiant la prestation d’allégeance
à son fils Yazid en tant que futur Calife après lui. Puisque Mu’âwiyah était
devenu son allié, il voulut se prêter en avocat de cette innovation[72].
Il rappela au public réuni que ce que Mu’âwiyah venait de décider n’était rien
d’autre que la sunna de Abû Bakr et de ‘Umar car tous les deux avaient désigné
un successeur de leur vivant.
A ces mots, le fils de Abû Bakr, Abdou Rahmân, se leva et rectifia
Marwâne : « Plutôt la sunna de
Hiraculus et Khaïssar ! Ni Abû Bakr, ni Oumar n’ont légué le pouvoir à
leur fils. »
Marwâne, visiblement en colère, ordonna qu’on arrêtât Abdou Rahmân. Ce
dernier courut se réfugier chez sa sœur Aïcha, la veuve du Prophète (P).
Marwâne renonça à le faire sortir de la demeure de la Mère des Croyants.
Mais il ne s’empêcha pas de lancer des mots de dépit à l’endroit du
poursuivi :
« Fi ! Laissez-le !
C’est de lui que parle le Coran comme ayant tourné le dos à ses parents dans un
geste d’irrespect. »
Quand Aïcha entendit ces paroles de Marwâne, elle ne put s’empêcher de
répondre au fils de Hakam, celui que le Prophète (P) avait maudit jusqu’à sa
descendance. Elle lui dit :
« Tu mens ! Aucun verset du
Coran n’est descendu sur notre famille[73]. Or le Prophète a maudit ton père et toute sa descendance pendant que
tu étais dans ses reins. »
Revenons au refus des notables de Médine de faire allégeance à Yazid.
Le refus de Al-Hussein (P) se fondait sur l’inacceptation de se soumettre à
Mu’âwiyah et par conséquent à son fils. Abdullâh Ibn Zubair, lui, reprochait au
père de Yazid de vouloir leur imposer deux Califes vivants. Le pire c’était que
Yazid était connu pour son amour sans limite de l’alcool et son manque de piété.
Mu’âwiyah dut se rendre en personne à Médine pour essayer de s’imposer.
Il s’entretint en privé avec chacun des notables influents de Médine, Hussein
(P), Aïcha, Abdallah Ibn Zubair, etc. …En vain.
Malgré cela il fit un discours où il dit que tout ce monde avait
accepté sa décision. Puis il rentra à Damas. Toujours fidèle à son image, il
sema la zizanie encore une fois et mit le doute dans les esprits de sorte à
amener les notables de Médine à se demander lequel d’entre eux avait consenti à
la demande insensée de Mu’âwiyah.
Cette situation resta en l’état avec Marwâne puis Seyyed Ibn Âssi comme
gouverneurs successifs de Médine pour le compte de Mu’âwiyah tandis que les
Banu hachémites, avec à leur tête Al-Hussein (P) ainsi que certains fils de
Compagnons du Prophète (P), refusaient de se soumettre à l’autorité du chef
umayyade désigné.
Les défauts
héréditaires de Mu’âwiyah :
Mu’âwiyah mourut dix ans plus tard, dans le mois de Rajab de l’an 60, laissant la même
situation à Médine malgré l’extension de son pouvoir dans les autres régions de
l’Empire. Il fut enterré à Damas.
Parler des défauts de Mu’âwiyah est un exercice qui nécessiterait
plusieurs tomes. Tout ce que nous venons de dire n’est qu’une infime portion de
la partie visible de l’iceberg de ses défauts.
Mu’âwiyah , fils d’Abû Sofian, s’était opposé à la direction de l’Imam
‘Alî (P) puis à celle de l’Imam Al-Hassan (P) sous le prétexte fallacieux de
venger le sang du troisième Calife, Usmân. Ce prétexte ne résista certes pas au
temps mais il eut tout de même un effet dévastateur sur l’unité de la Umma avant de laisser la
place à toute la haine viscérale de Mu’âwiyah pour la famille du Prophète (P)
mais également à son ambition démesurée et héréditaire pour le pouvoir.
L’origine de cette haine et de cette ambition toutes deux ancestrales
de Mu’âwiyeh, remonte aux ancêtres Hâchim et Umâyyah respectivement des Banu
Hâchim (le clan du Prophète (P), de ‘Alî (P) et de leurs descendants) et des
bani Umâyyah (le clan de Abû Sufiyân, son fils Mu’âwiyeh et de leurs
descendants). Lisons cet éclairage que nous en donne l’écrivain égyptien Abbas
Mahmoud al-Aqqâd[74], un
auteur qui ne saurait être taxé d’inconditionnel de ‘Alî (P) ou de détracteur
des Umayyades :
« Hâchim et Umâyyah rivalisaient
déjà, avant la naissance de Mu’âwiyah, pour le leadership ; c’est ce qui
poussa Umâyyah, contraint et haineux, à quitter le Hidjâz, pour la Syrie alors que Hâchim resta
seul leader des Banu Abd al-Manâf à la Mecque. Ce fut ainsi la première division entre
Umayyades et Hâchimites : ceux-ci établissent leur fief au Hidjâz, et
ceux-là en Syrie.
Plus tard la notoriété d’Abû Sofian
fils de Harb, fils d’Umâyyah grandira au Hidjâz où il jouira d’un leadership
sublime à côté de celui des Hâchimites.
Lorsque l’Appel de Muhammad (P) fut
lancé, Abû Sofian Ibn Harb Ibn Umâyyah (le père de Mu’âwiyah) eut des craintes
pour son leadership et se mit à l’avant-garde de ceux qui combattaient le
nouvel Appel. Il est rare de trouver une bataille contre les musulmans dans
laquelle Abû Sofian n’eût pas sa part active dans la mobilisation des tribus et
la collecte d’argent. Le hasard voulut qu’il restât pendant un temps le seul
dirigeant de la tribu de Quraych dans la guerre qu’elle menait contre le
Prophète (P). En effet, après la mort d’Al Walid Ibn Mughirah, le chef des
Makhzoum, et la conversion des chefs de Taym et d’autres petits clans
Quraychites à l’Islam, Sofian resta seul à la tête de la direction de la Jahilia et des Umayyades à
affronter le Prophète (P) et ses Compagnons parmi les Muhajirins et les ançars.
L’enracinement de l’animosité chez les Umayyades envers le Prophète (P)
atteignit un tel degré qu’Abû Lahab fut le seul parmi les oncles paternels du
Prophète (P) à comploter et à inciter les gens contre lui ; et pour
cause : il était marié à une Umayyade, Om Jamil Bint Harb (la propre sœur
d’Abû Sofian) que le Coran désigna sous le surnom de Hammâlat al-Hatab (la
porteuse de bûches) métaphore de l’effort qu’elle avait déployé en vue du mal
et de l’attisement du feu de la haine.
Abû Sofian et son fils Mu’âwiyah ne
se sont convertis à l’Islam que lors de la conquête de la Mecque. La conversion
de cette famille fut la conversion la plus difficile qu’on ait connue après la
conquête. Ainsi, sa femme Hind Bint ‘Otbah criait aux visages des gens, après
la conversion de son mari à l’Islam : « Tuez cet homme bas, perfide
et vaurien. Quel détestable avant-garde d’un peuple !… Allez !
Battez-vous ! Défendez-vous et défendez votre pays !
Abû Sofian considéra pendant
longtemps la victoire de l’Islam comme une victoire sur lui. Un jour alors
qu’il jetait sur le Prophète, dans la mosquée, un regard de perplexité et
d’étonnement en se disant mentalement « Comme j’aimerais savoir par quoi
il m’a vaincu ! », le Prophète (P) qui devina la signification de ce
regard s’approcha de lui… et dit : « C’est par Dieu que je t’ai
vaincu, Ô, Abû Sofian ! »
Dans la bataille de Hunayn (vallée qui se trouve entre la Mecque et Tâ’ef ;
cette bataille dirigée par le Prophète (P) en l’an 8 de l’hégire, sera
finalement gagnée par les musulmans), Abû
Sufiyân assistait à la première défaite des musulmans et
s’enthousiasmait : « Je ne crois pas qu’ils s’arrêtent avant de
gagner la mer dans leur fuite ! » et on dit que dans les guerres
contre les Romains chaque fois que ces derniers s’avançaient, il criait sa
joie : « Bravo les fils du Jaune » (Nom donné aux Romains
par les Arabes), et chaque fois qu’ils
reculaient, il exprimait tout haut sa déception : « Malheur aux fils
du Jaune. »
Le Prophète (P) avait fait tout son
possible pour le rallier à la cause de l’Islam avant et après la conquête
islamique. Il épousa sa fille Om Habibah avant la conquête, et après la
conquête, il décréta l’immunité de sa maison : « Celui qui y entre
est en sécurité… ». Il le mit à la tête des « cœurs à rallier »
à qui on augmentait la paie dans l’espoir d’éloigner de leurs cœurs la rancune
due à la victoire de l’Islam.
Mais malgré cela, les musulmans
l’évitaient. Ils refusaient de le regarder et de le fréquenter. Il finit par se
lasser de cet isolement et voulut y mettre fin. Aussi pria-t-il le Prophète (P)
d’engager son fils Mu’âwiyah comme scribe auprès de lui et de lui donner
l’ordre de combattre les polythéistes tout comme il combattait jadis les
musulmans.
Puis le Prophète (P) a rendu l’âme et
un différend surgit entre les Muhajirins et les Ançars et certains autres
Compagnons à propos de sa succession. Abû Sofian s’est réjoui de ce trouble et
a cru pouvoir opérer une brèche entre ses fissures, brèche qui le conduirait à
prendre la direction des Quraych, et de là la direction de la Umma tout entière. Aussi
s’est-il rendu chez l’Imam Alî (P) et Al Abbas (prétendants à la succession),
dans l’intention de les inciter (à agir) et de leur proposer son aide en hommes
et en chevaux : « Ô Alî ! Et toi Abbas ! Comment se fait-il
que la succession soit revenue à la plus petite et la plus basse tribu de
Quraych ! Par Dieu, si tu le désires, je l’inonde (Abû Bakr) d’hommes et
de chevaux…[75]
Sans doute, était-il loin de s’irriter
de voir la succession échapper aux Banu Hâchim. Mieux il ne se serait guère
réjoui de voir la succession revenir à eux, auquel cas il n’eût aucun espoir de
la leur arracher. Tout ce qu’il voulait c’était raviver un différend par lequel
il espérait ouvrir une porte le conduisant à la direction de Quraych et de
toute la Umma.
Sa malveillance n’échappa pas à
l’Imam Alî qui lui rétorqua : « …Ô Abû Sofian… ! Les Croyants
sont les conseillers les uns des autres, alors que les Hypocrites se trompent
et se trahissent les uns les autres, même s’ils sont proches – de maisons et de
corps – les uns des autres.
Lorsque, enfin, Usmân accéda au
Califat, les Umayyades obtinrent une grande victoire, car il était l’un de
leurs chefs et un proche cousin de leurs familles. L’Etat islamique devint un
Etat Umayyade aux avantages et au gouvernement duquel personne d’autre que les
Umayyades eux-mêmes ou leurs partisans ne pouvait accéder. Ainsi, Marwâne Ibn
al-Hakam, le Super Vizir du Calife distribuait généreusement les biens à ses
proches et en privait les masses. Mu’âwiyah Ibn Abû Sofian, le gouverneur de la Syrie s’entourait de proches
et de partisans… Lorsque Usmân mourut, les postes de l’Etat et ses biens
étaient, pour ainsi dire, tous entre les mains des Umayyades et des parvenus à
leur solde… »[76]
Il était inadmissible pour Mu’âwiyah d’entendre le nom du Prophète (P)
être proclamé cinq fois par jour dans la formule : « J’atteste que
Muhammad (P) est le Messager de Dieu ». Alors que, toujours selon lui, Abû
Bakr, ‘Umar, Usmân étaient morts leur mémoire enterrée avec chacun d’eux.[77]
C’est ce vilain sentiment de jalousie qui pesa sur Mu’âwiyah au point
qu’il ordonna à ses gouverneurs, tout en l’exécutant lui-même, d’injurier
l’Imam ‘Alî (P) lors de leurs sermons.
Al-Allamah Abul A’lâ Al-Mawdoudi[78],
encore un auteur qui a souvent tenté d’épargner Mu’âwiyah, n’a pu s’empêcher de
reconnaître :
« Une autre hérésie hideuse est
apparue sous Mu’âwiyah. Celui-ci avec lui et sur sur ses ordres – ses
gouverneurs injuriaient notre maître ‘Alî
du haut de leurs chaires. Ce qui est plus grave encore, ils le
maudissaient – lui qui était le plus aimé du Prophète parmi ses proches
parents, et le plus proche de son noble cœur – du haut de la Chaire de la Mosquée même du
Prophète, devant la maison du Prophète et en présence des fils et des plus
proches parents de notre maître Alî, lesquels entendaient ces injures. »
« Injurier quelqu’un après sa
mort est déjà une chose contraire à l’éthique humaine, et ce, sans compter
qu’elle est aussi contraire à la
Chari’a. Pis, mêler le Prône de la prière du vendredi à de
telles bassesses était du point de vue religieux et moral une action grossière
et trop détestable. »
Bien entendu, cette pratique éhontée ne rencontra pas l’accord des
musulmans sincères qui ne tardèrent pas à le manifester en venant juste au
moment de la prière, après les sermons injuriants contre ‘Alî (P).
La réaction ne tarda pas non plus à se manifester :
D’abord par l’assassinat. C’est dans ce cadre que Hojr Ibn Ady, un des
plus valeureux Compagnons du Prophète (P), connu pour sa piété et son
ascétisme, fut exécuté avec sept de ses compagnons par Ziad le gouverneur
Umayyade de Kûfa et de Basra sur ordre de Mu’âwiyah. Ce dernier renvoya à Ziad
un autre des compagnons de Hojr avec une lettre dans laquelle il lui demandait
de le tuer de la façon des plus horribles. Ziad ne se fit pas prier deux fois,
qui l’enterra tout simplement …vivant !
Rappelons que leur seule faute était d’avoir protesté contre le retard
qu’avait observé Ziad sur l’heure de la prière pour la simple raison que ce
gouverneur Umayyade tenait d’abord à prendre son plaisir et le temps de Dieu et
des musulmans à injurier l’Imam ‘Alî (P).
Ces gens-là, Mu’âwiyah et ses gouverneurs, méritent-ils d’être
protégés, encensés, loués ? Simple question pour ceux qui l’ont fait mais
aussi pour ceux qui continuent de le faire !
Dieu nous a prescrit le bien en acte, en parole et en pensée. Il nous a
proscrit le mal dans les mêmes conditions. Ensuite il nous a doté de la
possibilité de faire le bien ou de faire le mal, en somme le libre arbitre.
Enfin il nous a dit qu’il y aura le Paradis pour ceux qui auront un bilan
positif et l’Enfer pour ceux qui auront un bilan négatif. Alors tâchons d’avoir
un bilan positif et pour cela nous ne saurions soutenir ceux qui ont fait ou
continuent de faire du mal à leurs proches.
Le règne de
Yazîd :
Yazid Ibn Mu’âwiyah Ibn Abû Sofian est né vers l’an 26 A.H. probablement à Médine.
Son père Mu’âwiyah lui transmit toute sa haine des Ahlul Bayt que lui-même avait
reçue de son père Abû Sofian qui enfin le détenait d’une longue tradition de
rivalités entre les clans Hâchimites (famille du Prophète P) et Umayyade
pourtant toutes deux issues de la même tribu des Quraych.
Le règne de Yazid dura trois ans (mais se déroula sur quatre années
calendaires incomplètes) et fut marqué par de nombreuses exactions contre la Umma qu’on aurait de nos
jours qualifiées de violations des droits de l’homme et même de crimes contre
l’humanité. Cependant pour cerner le funeste personnage nous allons résumer son
passage au pouvoir dans trois actes majeurs qu’il posa et qui marquèrent
définitivement la mémoire collective musulmane.
1.
La première année : Yazid tue Al Hussein (P).
2.
La deuxième année : Son armée envahit Médine et y fait la razzia.
3.
La troisième année : Yazid meurt pendant que son armée brûlait la Kâbah.
Un bref rappel sur l’arrivée de Yazid au pouvoir nous permettra
d’éclairer le lecteur sur ces trois points notamment le premier.
En effet, comme nous l’avons déjà vu dans la
partie consacrée à Al Hussein (P), Mu’âwiyah avait imposé son pervers de fils,
Yazid, aux différents dignitaires de la région - sauf à Médine - en leur
demandant de lui prêter allégeance de gré ou de force.
Une fois au pouvoir en remplacement de son père,
Yazid demanda à son représentant à Médine, Walid Ibn Oth’ba, de forcer Al
Hussein (P) à lui prêter allégeance ou de le tuer s’il refusait. La suite, nous
l’avons déjà racontée : Al Hussein (P) émigra tout d’abord vers la Mecque puis vers Kûfa pour
finir par être sauvagement assassiné avec sa famille ainsi que de grands
Compagnons du Prophète (P) à Karbala. L’exécutant était Ibn Ziad (Gouverneur de
Kûfa et chef de l’armée qui exécuta le carnage et qui était dirigée par deux
chefs : Hûr Ibn Yazid Ar-riyahi et ‘Umru Ibn Sâ’ad). Le commanditaire de
cet abominable massacre était Yazid. Nous avons vu également l’immense joie
qu’il manifesta à travers un poème composé expressément lorsqu’il reçut la tête
tranchée de Al Hussein (P).
C’était là le premier des trois actes majeurs qui ont marqué le règne
de Yazid. Une « prouesse » extraordinaire s’il en est puisqu’il
venait de faire exterminer, à l’exception de l’imam Zein El Abédine Ibn Al
Hussein (P) et de l’imam Al- Baqir (p)
(qui à l’époque n’avait que cinq ans) , la grande majorité de la descendance du
Prophète (P). Bien entendu, contrairement à une idée fausse mais très répandue
dans certains groupes islamiques, certains fils de Al Hassan (P) ont survécu à
ce massacre même si d’autres y sont restés.
Cette « prouesse » de Yazid va provoquer sa deuxième
« prouesse ». En effet, les habitants de Médine désapprouvèrent
tellement la mort atroce de l’Imam Al Hussein (P) qu’il décidèrent de chasser
tous les représentants de Yazid à Médine à commencer par le Gouverneur Al Walid
Ibn Oth’ba. Pour les médinois la mort de Al Hossein (P) était la goutte d’eau
qui venait de faire déborder le vase de leurs reproches aux hommes de Yazid.
Ceux-ci, à l’image de leur chef, étaient de si grands pécheurs endurcis que les
médinois disaient qu’ils craignaient que « Dieu fasse pleuvoir des
cailloux sur leurs têtes »[79].
Le Gouverneur chassé envoya une lettre à son chef Yazid pour l’informer
de l’expulsion de Médine de tous les umayyades.
Yazid désigna un chef de guerre du nom de Muslim (Musrif lui aurait
mieux convenu au vu de son pouvoir de destruction). Ce choix reposait
essentiellement sur un seul critère : la cruauté. C’est cet homme qui
dirigea vers Médine une armée de trente mille soldats.
La résistance des médinois ne fut hélas que de courte durée. Au moins
quatre mille compagnons, descendants de compagnons et leurs femmes furent
humiliés, torturés, violés, massacrés. Une véritable razzia ponctuée de
sataniques scènes d’orgies.
Cette bataille, fort célèbre dans le monde islamique, est plus connue
sous le nom de Wakh’atou Hârâ (la
bataille de Hârâ).
C’était là la deuxième « prouesse » de Yazid. Cela se passa
lors de la deuxième année de son règne.
Yazid fut très satisfait du résultat qu’il venait d’obtenir à Médine et
demanda à Muslim alias Musrif de faire un détour du côté de la Mecque pour donner la même
leçon de soumission à Ibn Zubair. Ce dernier avait pris les rênes du
commandement après le départ de Al Hossein (P) pour Kûfa en Irak.
Cependant la colère de Dieu descendit sur Muslim alias Musrif sur sa
route vers la Mecque. Il
mourut. Cela n’empêcha pas son armée de continuer sa marche sous le
commandement de son second désigné au départ de Damas par Yazid.
Des combats farouches opposèrent l’armée du fils du Compagnon du
Prophète, Ibn Zubair, à l’armée de Yazid. Ceci dura des mois.
Les soldats de Yazid assiégèrent la Kâbah, le plus grand symbole de l’Islam. C’est
lorsque les soldats de Yazid mirent le feu à la Kâbah après l’avoir
cassée sur plusieurs parties et qu’elle s’enflammait comme un torchon imbibé
d’essence que la nouvelle de la mort de Yazid parvint à son armée. C’était là
la troisième et dernière « prouesse » de Yazid. De celle-ci il ne sut
se tirer.
C’était dans la première moitié du mois de Rabi –Al-Awal de l’an 64
A.H.
Le repli ne fit point l’objet d’un débat. L’armée de Yazid qui venait
de perdre son chef battit en retraite en toute vitesse, permettant à Ibn Zubair
de devenir le maître de l’Arabie partout sauf dans les bastions imprenables de la Syrie et plus tard de l’Egypte.
Ces deux provinces restèrent sous la dominance des umayyades.
Ibn Zubair sera tué en l’an 73 par l’armée de Abdul Mâlik Ibn Marwâne.
Son corps nu sera ensuite suspendu à une corde et exposé pendant plusieurs
jours.
La dynastie
des Umayyades après Mu’âwiyah et Yazid :
Après la mort de Mu’âwiyah en l’an 60 A.H., son fils Yazid resta au pouvoir
jusqu’au début de l’année 64 A.H.
Mu’âwiyah Ibn Yazid succéda à son père à l’âge de 21 ans pour une
durée de 40 jours, deux mois ou 3 mois selon les versions.
Marwâne, ex-gouverneur d’Egypte, prit Damas puis initia une attaque en
règle contre Ibn Zubair qui gouvernait alors la Mecque.
Son fils, Abdul Mâlik Ibn Marwâne acheva le travail de son père mort
entre temps. Il encercla Ibn Zubair à la Mecque en l’an 73 A.H. et le tua.
Après Abdul Mâlik Ibn Marwan, vinrent dans l’ordre :
Walid Ibn Abdul Mâlik,
•
Suleyman Ibn Abdul Mâlik,
•
‘Umar Ibn Abdul Aziz. Il fut le seul à avoir reconnu que leur dynastie avait
usurpé le pouvoir des mains des descendants du Prophète (P) et à avoir décidé
de le leur rendre… sans être passé à l’acte toutefois. Il leva l’ordre donné
aux Imams des mosquées d’insulter obligatoirement la famille du Prophète (p)
(l’Imam ‘Ali en tête) lors du sermon (Khutba) de la prière du Vendredi.
•
Yazid Ibn Abdul Mâlik,
•
Hichâm Ibn Abdul-Mâlik,
•
Al Walid Ibn Yazid Ibn Abdul Mâlik,
•
Yazid al-Nâqis (ou encore Abû Khalîd Ibn Abdul
Mâlik),
•
Ibrahim Ibn Walid Ibn Abdul Mâlik,
•
Marwâne Himâr, dernier Calife Umayyade.
Quelques observations d’ordre généalogique sur cette dynastie,
s’imposent :
─
Le premier régnant, Mu’âwiyah, est fils de Abû Sofian qui lui-même est
suffisamment connu pour avoir été un grand ennemi de l’Islam et un pourfendeur
du Prophète (p) devant l’Eternel.
─
Le second, Yazid, est fils du premier. C’est tout dire sinon qu’il a
fait pire que son père…et encore (!)
─
Le troisième, un autre Mu’âwiyah, est le fils de Yazid. Il ne fit ni du
bien ni du mal pour avoir régné moins de trois mois.
─
Le quatrième, Marwâne, est le fils de Haqâm qui fut chassé de Médine et
maudit ainsi que toute sa descendance par le Prophète (P).
─
Les autres sont des descendants de Marwâne, donc maudits comme ce
dernier par l’Illustre Envoyé de Dieu.
Cette dynastie régna durant quatre vingt trois (83) ans et fit un mal
incommensurable à l’Islam et à la
Umma.
Le règne des Abbassides suivit celui des Umayyades et le dépassa en
terreur, horreurs, cruautés, écarts vis à vis des enseignements du Prophète
(p). Bref, les Abbassides plongèrent la
Umma, davantage encore que les Umayyades, dans les ténèbres
de la mécréance, de l’ignorance et de l’obscurantisme.
IV – LES CINQ
ECOLES :
Plus d’un siècle après la disparition du Prophète de l’Islam (p), il
n’existait aucune autre école (Madzhab)
d’interprétation du Coran et de définition de la jurisprudence que celle des
Ahlul Bayt (P) ; c’est-à-dire celle initiée par le Prophète (P) et
perpétuée par l’Imam ‘Ali (P), les onze Imams issus de cette lignée et toutes
les autres illustres lumières de la galaxie des Ahlul Bayt (P) et de leurs
adeptes. C’est donc la première des écoles de l’islam.
C’est seulement avec l’usure du temps et la séparation de plus en plus
marquée par les guerres et l’ignorance des dirigeants temporels, entre le
pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, que d’autres écoles ont été créées.
C’est ainsi qu’aujourd’hui les sunnites s’alignent généralement
derrière l’une des quatre grandes écoles qui sont les écoles hanafite (Abu
Hanifa Nou’mân), châfiite (Imam Shâfi’î), mâlikite (Imam Mâlik Ibn Anas) et
hanbalite (Imam Ahmad Ibn Hanbal). Disons-le tout de suite : aucun de ces
quatre Imams n’a proclamé sa scission de la direction principale, unique et
originelle de l’Islam. Aucun d’entre eux n’a non plus reconnu ou accepté d’être
l’initiateur d’un courant particulier d’interprétation du Coran et de la Sunna quand bien même
certains de leurs enseignements s’écartaient très nettement des enseignements
originels. Et même mieux, Abu Hanifa et Shâfi’î ont reconnu dans des textes
incontestables et connus[80]
de tout le monde musulman, s’être trompés en certains points. Ils ont également
toujours reconnu que ceux qui connaissaient le mieux le Coran et ses méandres
les moins explicites étaient les descendants de la Sainte lignée des Ahlul
Bayt (P). Malheureusement, au moment où ils se corrigeaient leurs enseignements
étaient déjà dispersés dans toutes les régions du monde musulman. De ce fait
les erreurs étaient à tel point répandues que les contradictions semaient le
doute dans la tête des disciples quand elles ne les mettaient pas tout
simplement en conflit.
Le premier des initiateurs de ces quatre écoles, Abu Hanifa Nou’mân,
naquit en 80 A.H.
et mourut en 150 A.H.
Il était un grand érudit qui avait beaucoup appris et écrit sur l’Islam. Avant
d’aller à la rencontre de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P), il avait reçu de Mansour le
Calife abbasside de l’époque, l’ordre de préparer les quarante questions de
jurisprudence les plus corsées qui soient afin de pouvoir mettre à l’épreuve le
descendant du Prophète (P). L’échec de Jâ’far (P) aurait permis à Mansour de
pouvoir l’attaquer en tant qu’imposteur ou mystificateur et donc de réaliser
son rêve de l’anéantir. Rappelons que Jâ’far Çâdiq (P) est le sixième de la
liste des douze Imams Ahlul Bayt (p). Il œuvra beaucoup à l’organisation et à
la divulgation des enseignements des Ahlul Bayt.
Malheureusement pour Mansour, Jâ’far (P) répondit à toutes les
questions de Abu Hanifa Nou’mân avec une grande aisance, une justesse et une
éloquence qui éblouirent ce dernier[81].
Lorsqu’on lui posa la question de savoir qui était le plus instruit en matière
islamique, l’initiateur de l’école Hanafite répondra[82] :
« Je n’ai jamais vu
quelqu’un de plus érudit dans la connaissance de l’Islam que l’Imam Jâ’far
Çâdiq ».
Bien après les deux années qu’il passa en tant que disciple à
s’abreuver à la source du savoir qu’était Jâ’far Çâdiq (P), il ajoutera :
« Si ce n’était deux ans Nou’mân serait détruit »[83], reconnaissant ainsi que ces deux années
passées à acquérir des connaissances islamiques auprès de l’Imam Jâ’far (P) lui
ont permis de rectifier bien des erreurs précédemment acquises comme justes.
Quant à l’Imam Mâlik, il a dit[84]
de Jâ’far Çâdiq (P) :
« Un œil n’a jamais vu, une oreille n’a jamais entendu, un cœur
n’a jamais ressenti quelqu’un de meilleur que l’Imam Jâ’far Çâdiq en vertu, en
connaissance, en piété et en modestie. »
Muhammad Ibn Tal’ha le Shâfi’îte raconte dans son Matalibu
souhal : l’Imam Ahmad Ibn Hanbal a dit :
« Ne sont jamais descendues sur un compagnon du Prophète (P)
autant de vertus et de qualités que sur l’Imam ‘Ali ». C’est là une reconnaissance
explicite de la justesse de l’école des Ahlul Bayt (p).
Dans son Assawâhiq, Ibn Hajar nous transmet plusieurs témoignages de
l’Imam Châfi’i portant sur les qualités d’érudition, de droiture, de générosité
d’âme et de bien d’autres vertus. Nous en retiendrons deux poèmes :
« Ya ahla beyti
rassoulilahi houbou koumou
Fardoun mina lahi fil
khurhani anzalahou »
« Kafâkoum mine
azimil fakhri anâ koumou
Malam you sali alleykoum lâ salâta lahou »
Ce qui signifie :
« Ô descendants de la famille de l’Envoyé de Dieu
Vous aimer, c’est une obligation venant de Dieu
C’est dans le Coran qu’Il l’a fait descendre. »
« Il vous suffit comme une
grande fierté, vous,
Que celui qui ne prie pas sur vous voit sa prière invalidée. »
Il tirait cette affirmation d’un verset du Coran où Dieu, après avoir
dit que Lui et Ses Anges prient sur le Prophète (P), demande aux croyants d’en
faire autant :
« Certes, Allah et Ses Anges prient sur le
Prophète; ô vous qui croyez priez sur lui et adressez (lui) vos
salutations. » (Al-‘Ahzâb 33 : 56)
Or le Prophète (P) a demandé aux musulmans de ne pas prier sur lui une
prière stérile, en précisant que quiconque priait sur lui devrait le faire
également sur sa descendance :
« Ne priez pas sur moi une
prière stérile, c’est-à-dire une prière qui s’arrête à moi seul sans s’étendre
à ma descendance ».
A présent, on sait donc que tous les initiateurs des quatre écoles
sunnites ont fait les louanges des Ahlul Bayt (p) et de la pureté de leurs
enseignements à la source desquels ils se sont d’ailleurs bien abreuvés. Car
Abu Hanifa Nou’mân (80 – 150 A.H.)
fut un disciple de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P). De plus l’Imam Mâlik (95 – 179 A.H.) apprit beaucoup
auprès de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P) mais aussi auprès de Abu Hanifa tandis que
l’Imam Shâfi’î Ibn Anas (150 – 204
A.H.) en fit de même auprès de Mâlik. Enfin l’Imam Ahmad
Ibn Hanbal (164 – 241 A.H.)
suivit les enseignements de l’Imam Shâfi’î. Quand à Al Ash’arî, autre fondateur
d’école connu, il naquit seulement en 250 A.H., et mourut peu après 300 A.H.
Tout ceci montre bien que rien, absolument rien ne devrait pouvoir
justifier les écarts dans les enseignements de ces différentes écoles et encore
moins les divergences menant même quelques fois à des conflits physiques entre
des disciples d’écoles différentes. Car tous les musulmans ont une seule et
même source : le Coran et la
Sunna du Prophète (p) telle que conservée et enseignée par sa
sainte descendance.
Cependant quelques circonstances atténuantes existent pour expliquer
sans forcément justifier les différents écarts d’interprétations prônés par les
différents chefs d’écoles :
Premièrement, ils ont souvent cru devoir adapter les enseignements
originels du Prophète (P) aux populations auxquelles ils avaient affaire. Ainsi
certaines conditions ont été durcies et des facilités accordées par Dieu
enlevées. Vice versa dans d’autres cas plus rares. Quand on sait que quelques
fois les chefs de ces écoles ont reconnu s’être trompés en certains points l’on
comprend plus aisément que les musulmans étaient fortement exposés à la
division.
Deuxièmement, il fut des moments sous les Umayyades et les Abbassides
où la dissimulation fut le seul moyen, pour les vrais savants, d’échapper à la
cruauté des souverains. Par ces moments-là, ils ont donc été obligés
d’interpréter et de trancher selon la volonté des dirigeants.
Ce qui est certain c’est que tous ces chefs des quatre écoles se
refèrent essentiellement aux sources des Ahlul Bayt (P). Pour s’en faire une
idée, il suffit de lire dans le célèbrissime recueil de Correspondances[85]
entre Sheikh Salim Al-Bishrî (Sheikh d’Al-Azhar) et l’Imam Sharafeddine
Al-‘Amilî (grand maître de l’école des Ahl Bayt), une liste de cent références.
Peut-on dés lors refuser de suivre les Ahl Bayt (P) ?
Puisse que la source originelle
vaut mieux que les sources secondaires surtout lorsque la première ne tarit
jamais et reste accessible.
V – LA PÉNÉTRATION DE L’ISLAM EN AFRIQUE
(en dehors de l’Egypte) :
Les premières percées de l’Islam en Afrique sous le règne des
Umeyyades :
L’Egypte faisait partie de l’Empire islamique pratiquement depuis
l’aube de l’Islam. Donc nous allons nous intéresser à la pénétration de l’Islam
en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Ces deux régions de l’Afrique connaîtront l’Islam la première fois à
travers des expéditions Umayyades. Ceci explique sans doute pourquoi dans ces
régions les thèses Umayyades et plus tard Abbassides sont davantage connues et
estimées que les enseignements des Ahlul Bayt (P) quoique ces derniers aient
laissé quelques traces sensibles.
C’est en effet vers l’an 50
A.H. que Mu’âwiyah envoya Oghbatâ Ibn Nâfih Al-Fakhri le
Gouverneur de Barikha en Egypte, à la tête d’une armée de vingt cinq mille (ou
dix mille selon une autre version) hommes pour aller à la conquête de l’Afrique
du Nord. Il traversa Trabluss, dans la
Libye actuelle, et rentra en Tunisie où il créa la ville de
Khayrawân dont il fit sa base. Il y fit construire la grande Mosquée de
Khayrawân, Masjîdul Jâmiha.
De Khayrawân, il évolua vers Tânja au Maroc. Le commerce transsaharien
aidant, l’Islam se propagea petit à petit vers l’Afrique de l’Ouest par
Chinguitti, Tombouctou, etc.
Bien entendu, d’autres arabes musulmans isolés ou en groupes et même d’autres
corps expéditionnaires islamiques visiteront plus tard ces régions d’Afrique.
Nous ne saurons cependant nous étendre davantage sur ces événements sauf pour
ce qui est de certains descendants du Prophète (P) que nous connaissons
particulièrement bien pour être nous-mêmes issus de cette branche généalogique.
L’entrée en
Afrique des descendants du Prophète (p) :
Le siège des Abbassides était resté à Bagdad tout comme sous les
Umayyades. Le Calife, Haroun Rachid, avait son représentant à Médine. Ce dernier
surveillait pour lui les faits et gestes des descendants du Prophète (p) qui y
étaient restés.
Et comme à l’époque des Umayyades, les habitants de Médine s’opposaient
aux déviations des nouveaux dirigeants qui occupaient toujours pour eux une
place qui appartenait à l’illustre famille du Prophète (P).
C’était pour les soumettre que le Calife Haroun envoya une armée à
Médine à la demande de son représentant en ce lieu.
Une armée médinoise fut montée pour la circonstance et dirigée par
Abdallah al Kâmil (i.e. « le parfait » pour son savoir et sa
droiture) Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Alî Ibn Abi Talib.
La bataille qui eut lieu (dite bataille de Faqîne, tout près de Médine)
fut un carnage. L’armée médinoise de Abdallah fut décimée et son chef capturé.
Il sera ensuite emprisonné à Bagdad puis, pour finir, empoisonné parce que
devenu entre temps trop encombrant.
Cependant trois illustres rescapés de cette tuerie marqueront par la
suite l’histoire de l’Islam : Muhammad, Yahya et Idriss, tous des enfants
de Abdallah donc des descendants du Prophète (p). Mohamed prit la direction de
l’Est et Idriss celle de l’Ouest.
Nous allons suivre Idriss. Il était encadré dans son voyage par un
disciple de son père du nom de Rachid. Ce dernier était un berbère originaire
du Maroc et était allé à Médine pour y acquérir des connaissances auprès de
Abdallah, le père de Idriss.
Rachid avait une grande connaissance de la traversée de l’Egypte pour
arriver au Maroc. Il eut dans cette épreuve l’assistance discrète mais efficace
du représentant abbasside en Egypte qui avait, en cachette s’entend, beaucoup
de sympathie pour les descendants du Prophète. Ce chef abbasside les aida donc
à traverser l’Egypte. Idriss se faisait passer pour un esclave de Rachid et
même, devant des inconnus il travaillait réellement pour son maître
circonstanciel afin de lever tout éventuel soupçon.
Quand ils arrivèrent à Zarhouni dans l’actuel Maroc (le pays berbère de
Rachid), Rachid présenta à son peuple l’arrière petit-fils du Prophète (P),
Idriss Ibn Abdallah Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Alî Ibn Abi
Talib.
Idriss réunissait toutes les qualités d’un Ahlul Bayt (P) : la
connaissance du Coran et des enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p), le
savoir, le courage, la droiture, la piété, la dextérité d’un grand cavalier –
cette dernière qualité était essentielle à l’époque pour une raison
évidente : le djihad.
Rachid proposa donc à son peuple de tirer sa part de bénédictions d’un
tel sujet. Les berbères ne décidèrent rein de moins que d’en faire leur chef et
guide. Ils lui offrirent en mariage la fille d’un de leurs chefs.
C’est ainsi que Idriss posa les fondements du premier gouvernement
chiite en terre d’Afrique et même dans le monde. En effet il a eu toute la
latitude – à travers les moyens, le temps et les hommes nécessaires –
d’organiser un tel gouvernement.
Il y’eut cependant une faille de taille : il ne disposait pas
d’Ulémas (i.e savants) formés aux enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p) pour
transmettre ce savoir aux populations de l’intérieur du pays. Il fut donc placé
dans l’obligation de recruter des Ulémas des autres Ecoles, en particulier de
l’Ecole Malikite donc sunnite.
Cette faille contribuera pour une grande part à fragiliser plus tard
l’Etat qu’avait créé Idriss. Durant de longues années cet Etat fut florissant
et son peuple épanoui. Cette réussite légendaire porte jusqu’à ce jour une
place importante dans l’histoire du Grand Maghreb.
Haroun Rachid, le chef des Abbassides, apprit depuis son scintillant
palais de Bagdad le succès de Idriss et en fut profondément attristé au point
de perdre le sommeil pendant de longues nuits. Il finit par trouver un moyen de
mettre un terme à sa souffrance. Faute de ne pouvoir envoyer une armée au Maghreb
à cause de la trop grande distance qui le séparait de cette région, il trouva
en la personne d’un arabe du Hidjâz l’homme qu’il lui fallait.
Ce hidjâzi, à qui il promit
entre autres merveilles le poste de Gouverneur, devait se rendre à Zarhouni afin
d’empoisonner Idriss.
Dés son arrivée à Zarhouni, il réussit à se faire adopter par Idriss.
L’accent hidjâzi de son hôte
enchantait tout naturellement Idriss et atténuait un petit peu la nostalgie
qu’il nourrissait pour son terroir d’origine.
Le comportement un peu trop attachant de Châmâkh éveillait en Rachid de la méfiance et des soupçons fondés
sur son expérience et les pratiques malignes des gens de cette époque. Il
évitait ainsi toujours de laisser cet homme seul en compagnie de son protégé,
Idriss.
L’histoire lui donnera malheureusement raison. Châmâkh réussit un jour,
en effet, à tromper la vigilance de Rachid et mit du poison dans le
verre de boisson qu’il tendit à Idriss. Après ce forfait il s’enfuit de la
ville en compagnie de quelques complices venus avec lui. Ils prirent la
direction de Khayrawân (actuelle Tunisie) non sans se faire rattraper par la
garde de Idriss. Blessé, Châmâkh
réussit tout de même à rejoindre le Hidjâz.
Le « trône » du descendant du Prophète était alors vide. Le
peuple berbère de Rachid était devenu orphelin. Mais puisque l’épouse de Idriss
était en état de grossesse depuis sept mois, le sage Rachid leur proposa alors
d’attendre les deux mois qui restaient pour savoir si l’enfant qu’elle
attendait était un garçon ou non. Dans le premier cas il serait leur futur
chef. Dans le cas contraire, le peuple se choisira un chef parmi les berbères.
Les notables réunis pour la circonstance lui proposèrent d’être en
attendant le chef intérimaire.
Deux mois plus tard, la veuve de Idriss mit au monde un garçon. On lui
donna le nom de son père décédé : Idriss. Pour le distinguer de son père
Idriss Al Akbar (le grand), on le surnomma Idriss Al Açghâr (le petit).
Rachid lui donna une éducation exemplaire d’Ahlul Bayt jusqu’à l’âge de
onze ans. Idriss Al Açghâr était particulièrement brillant sur le plan intellectuel.
Ses qualités morales et physiques n’en étaient pas moins extraordinaires.
C’est ainsi qu’à onze ans on lui confia l’avenir de tout un peuple. Il
devint chef, avec à ses côtés le vieux Rachid.
Son intelligence, son savoir, son savoir-faire, sa foi, son intégrité
mais aussi les circonstances l’aideront à faire pour l’Etat dont il avait la
charge bien plus que ce que son défunt père avait fait.
C’est ainsi qu’il décida de transférer la capitale à Fez parce qu’il
trouvait Zarhouni un peu trop isolée des grands axes caravaniers. Il dut pour
cela racheter les cabanes trouvées sur place à Fez.
Il mit sur pied une véritable armée bien organisée, équipée et
disciplinée, organisa le Trésor Public, construisit des écoles, et même une
grande Université, celle de Fez, etc.
Parti vers l’Est il atteindra Tlemcen dans l’actuelle Algérie où il
construira la deuxième mosquée africaine en dehors de l’Egypte et après celle
de Khayrawân construite celle-là par Oghbatâ (Tunisie) qui était le Gouverneur
Abbaside d’Egypte.
Il eut onze garçons qui ont tous été envoyés comme Gouverneurs dans les
provinces. Ce fut le gouvernement des Idrissides (ceux de Idriss) qui régnèrent
pendant trois siècles au Maghreb.
Des batailles contre les Umayyades, contre d’autres groupes islamiques
mais aussi entre eux-mêmes finirent par avoir raison d’eux. La fin du règne des
Idrissides survint vers l’an 400
A.H.
Moulay Muhammad alias Chérif Lak’hal (le Chérif noir), un des arrière
petits-fils de Idriss en eut marre à un moment donné de toutes ces querelles
familiales interarabes et décida d’émigrer vers un endroit où il n’aurait plus
ces problèmes. Il alla vers l’Est et atteignit la ville de Chinguitti , dans
l’actuelle Mauritanie, où il fut reçu par le chef de la tribu Laghlâl. Ce chef
lui donna en mariage sa propre fille. Les descendants de cet arrière petit-fils
du Prophète seront ainsi appelés plus tard Chourfat Laghlâl ou encore Ehl
Chérif Lak’hal.
I – Le 'ISAMAH (INFAILLIBILITE) DU PROPHETE (P) :
Nous allons aborder dans cette partie un aspect délicat de l’histoire
mais aussi de l’actualité de notre religion. Il s’agit encore une fois de faits
qui ne sont pas nouveaux et qui comme bien d’autres faits ou aspects signalés
dans ce livre sont souvent lus et relus ou entendus dans d’autres livres ou
discours mais ne font souvent pas l’objet d’une attention pourtant combien
méritée.
Cet aspect c’est l’infaillibilité (qualité non négociable) du Prophète
de l’Islam (P).
La plupart des, musulmans, soutiennent qu’il était infaillible
seulement quand il s’agissait du Coran mais que dans d’autres domaines il a pu
se tromper. Et de citer (plutôt interpréter, voire inventer) quelques cas où
des compagnons l’auraient rectifié si ce n’est l’Archange Jibrîl, etc. Tout
ceci se comprend (et encore !) dés lors qu’on veut justifier l’arrivée au
pouvoir ou les mérites de tel ou tel (ex : Umayyades, Abbassides etc.)
Bien entendu, Dieu Lui-même dément formellement cette position comme
nous l’avons déjà vu dans le chapitre sur l’Imamat, notamment sur les
Prophètes.
Mais là où cela devient grave et pernicieux c’est lorsqu’on va jusqu’à
douter de l’intégrité du Coran – et même découvrir des verset manquants !
Ce Coran là ne saurait et ne devrait être remis en cause par des musulmans
sincères et réfléchis.
Surtout lorsqu’on sait que le Coran a toujours été clairement et
distinctement prononcé (« Ne remue pas ta langue pour hâter sa
récitation : » Al Qiyâma 75 : 16) par le Prophète
avant d’être soigneusement transcrit et collecté de son vivant et à sa demande
par des scribes. De plus le Coran était connu par cœur par plusieurs compagnons
du Prophète qui s’appliquaient à le réciter avec clarté et le plus souvent
possible. Il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque doute même lorsque le
Calife Usmân décida d’en authentifier un exemplaire et de brûler tous les
autres que les gens gardaient par devers eux de peur certainement que des
modifications n’interviennent. Et cela s’est passé du vivant de l’Imam ‘Ali (P)
qui n’a jamais contesté l’authenticité ni la complétude du Coran tel qu’il
avait été retenu et présenté. Non plus aucun des douze Imams, encore moins
aucun des compagnons les plus proches du Prophète n’a jamais eu à contester
l’authenticité et la complétude du Coran. Ceux qui étaient les plus proches du
Prophète, de ses enseignements et de sa vie (les Ahlul Bayt et leur lignée)
n’ont rien trouvé à redire de ce Livre. De même que les compagnons les plus
connus et proches du Prophète n’ont en rien désapprouvé ce Livre. Tout ce monde
atteste (même si parfois c’est de façon passive) que le Livre recueilli sous
Usmân est conforme et identique à la Récitation faite par le Prophète (P) et apprise
par eux, et rédigée par les scribes du vivant du Prophète (P).
Or il n’existe aucun moment de l’histoire des musulmans où il a pu être
indiqué un changement de quelque nature que ce soit sur le Coran : ni un
retrait, ni un rajout n’a été fait au texte originel.
De ce fait cette Récitation connue du temps du Prophète (P) reste égale
à la lettre et à l’accent près le Livre de Dieu que nous connaissons
aujourd’hui. Ce Livre restera éternellement complet et immuable.
Vous en conviendrez avec nous qu’une telle mauvaise attitude de
certaines écoles vis à vis du Coran, outre les éventuels méfaits dans la
conscience de certains croyants qu’elle peut susciter, pourrait constituer un
terreau fertile pour l’imagination débordante et maléfique des ennemis
irréductibles de l’Islam.
Heureusement que l’inimitable et immuable Livre de Dieu, la Sunna du Prophète (P)
enseignée par l’école des Ahlul Bayt, les faits historiques véritables tels que
relatés par bien des historiens de toutes les tendances de même que les
multiples études scientifiques et linguistiques sur le Coran démontrent
suffisamment s’il en était encore besoin que :
1. Le Prophète de l’Islam
était bel et bien infaillible.
2. Le Coran est complet,
inimitable et immuable.
Le 'Ismah du Prophète
(P) :
« Ceci (le Coran) est la parole d'un
noble Messager,
Doué d'une grande force, et ayant un rang
élevé auprès du Maître du Trône,
Obéi, là-haut, et
digne de confiance.
Votre compagnon (Muhammad) n'est nullement
fou; » (At-Takwîr
81 : 19, 20, 21, 22)
« Dis : "Je ne suis pas une innovation
parmi les messagers; et je ne sais pas ce que l'on fera de moi, ni de vous. Je
ne fais que suivre ce qui m'est révélé; et je ne suis qu'un avertisseur
clair". » (Al Ahqâf 46 : 9)
Ces deux versets suffisent à prouver que le Prophète (P) a été singulièrement
choisi, fortifié par Dieu afin de pouvoir remplir la lourde mission à lui
confiée par le Tout-Puissant. En tant qu’Envoyé de Dieu, Muhammad (P) bénéficie
des prérogatives des envoyés. Pour cela nous vous renvoyons à la partie de ce
livre consacrée aux Prophètes dans le chapitre sur l’Imamat.
Muhammad (P) est protégé de l’erreur. Car si à un simple musulman il
est demandé de se réfugier en Dieu s’il est tenté par le diable, que ne ferait
pas Dieu contre le diable qui est aussi Sa créature pour celui-là même qu’Il a
fortifié pour lui confier Sa prestigieuse et importante Mission ?! En
effet Allah dit :
« Ceux qui pratiquent la piété,
lorsqu'une suggestion du Diable les touche se rappellent (du châtiment
d'Allah): et les voilà devenus clairvoyants. » (Al A’raf 7 :
201)
Versets
Sataniques :
En arabe, la paire de mots Versets sataniques se traduit par ayâtoul chaytaniya. Mais dans la culture
islamique cette paire a son parfait équivalent qui est ayâtoul Qarâniqh ou Versets des idoles. En effet « les versets
sataniques » de Salman Rushdi n’ont été inspirées par rien moins que des
traditions forgées.
De quoi s’agit-il ?
Les sources sont multiples. Citons quelqu’unes des plus
"illustres" : Al Tabari, Suyûti (dans Dur Mansour), Râzi (dans Tafsir
al Kabir).
Ces auteurs et grandes références racontent que lorsque le Prophète (P)
constata la profonde inimitié que lui vouaient les Quraychites de la Mecque, il pria Dieu de
faire descendre un verset qui puisse le rapprocher de ceux-ci. C’est ainsi
qu’un jour arriva où pendant la prière le Prophète récita la sourate An Najm
(sourate 53, l’étoile). Arrivé au verset 19, Satan lui aurait fait dire :
« Til kal Qarâniqh al oûla
mine ha chafâatou tourja. »
Ce qui signifie :
« De ces grandes idoles nous pouvons espérer une
intercession »
Lorsque les Quraych entendirent ces prétendues paroles du Prophète (p),
ils furent évidemment tout heureux de l’entendre dire du bien de leurs idoles
pour une toute première fois et se prosternèrent dans la joie avec leur ennemi
juré.
Quelques moments plus tard, l’Ange Jibrîl (P) serait venu reprocher
avec fermeté au Prophète (P) cet écart inadmissible de la Révélation. Et
même que le fautif en aurait été inquiet, pendant un bon moment de la journée,
de perdre le privilège de recevoir la Révélation.
Evidemment tout ceci est simplement en flagrante contradiction avec le
Coran et la logique. Dieu dit dans la sourate Al Hâqqa 69 Versets 40 et
52 :
«Que
ceci (le Coran) est la parole d'un noble Messager,
et que ce n'est pas la parole d'un poète;
mais vous ne croyez que très peu,
ni la parole d'un devin, mais vous vous
rappelez bien peu.
C'est une
révélation du Seigneur de l'Univers.
Et s'il avait forgé quelques paroles qu'ils
Nous avait attribuées,
Nous l'aurions saisi de la main droite,
ensuite, Nous lui aurions tranché l'aorte.
Et nul d'entre vous n'aurait pu lui servir de
rempart.
C'est en vérité un rappel pour les pieux.
Et Nous savons qu'il y a parmi vous qui le
traitent de menteur;
mais en vérité, ce sera un sujet de regret
pour les mécréants,
c'est là la véritable certitude.
Glorifie donc le nom de ton Seigneur, le Très
Grand! (Al
Hâqqa 69 : 40 à 52)
Mais encore :
« Son rassemblement (dans ton cœur et sa
fixation dans ta mémoire) Nous incombent, ainsi que la façon de le
réciter. » (Al
Qiyâma 75 : 17)
La contradiction vient de ce que dans la prière il n’est permis de
réciter que des versets de Coran pendant la station debout et après la sourate Fatihâ. Or si le Prophète (P) avait
récité autre chose que de véritables versets du Coran il aurait dû subir cette
punition que Dieu lui réservait dans ce cas. Ce qui n’a pas été le cas. Ceci
prouve logiquement (démonstration par l’absurde, disent les mathématiciens) que
cette histoire est fausse et qu’elle a été inventée de toute pièce à moins que
l’on mette en doute le Coran... ! Qu’Allah nous en préserve.
Or la logique nous apprend que lorsqu’une hypothèse d’une théorie est
fausse alors toute la théorie est remise en cause. D’où la théorie des versets
manquants est fausse. De l’autre côté le Coran, tel que nous le connaissons,
reste cohérent, entier et inattaquable donc vrai.
Mais encore d’autres versets nous permettent de montrer que cette
anecdote est totalement fausse :
« Ce ne sont que des noms que vous avez,
inventés, vous et vos ancêtres. Allah n'a fait descendre aucune preuve à leur
sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de (leurs) âmes, alors
que la guidée leur est venue de leur Seigneur. » (An Najm 53 : 23)
« Nous te
ferons réciter (le Coran), de sorte que tu n'oublieras
que ce qu'Allah veut. Car, Il connaît ce qui
paraît au grand jour ainsi que ce qui est caché. » (Al A’Alâ 5 : 6, 7)
« Par l'étoile à son déclin!
Votre compagnon ne s'est pas égaré et n'a pas
été induit en erreur
et il ne prononce rien sous l'effet de la
passion;
ce n'est rien d'autre qu'une révélation
inspirée.
Que lui a enseigné (l'Ange Gabriel) à la
force prodigieuse,
doué de sagacité; c'est alors qu'il se montra
sous sa forme réelle (angélique), » (An
Najm 53 : 1 à 4)
Et enfin comme nous l’avons déjà dit haut (sur l’Assama du Prophète), il est encore d’autant plus faux de raconter de
telles inepties sur le Prophète (P) de l’Islam que Dieu lui demande et même
demande à tout (simple) musulman de se réfugier auprès de Lui en cas de
tentation du diable. A plus forte raison quand il est question du meilleur des
hommes, l’Elu, le Protégé de l’erreur, celui-là même qui détient un rang
élevé auprès du Maître du Trône, et qui n’a aucune crainte à déplaire à
ses mécréants d’ennemis, Al Mustapha (P) le Sceau des Prophètes. Allah nous dit
en effet :
En conclusion sur l’Assama du Prophète (P), nous pouvons remarquer qu’il
n’y a malgré toutes ces velléités de remettre en cause le Coran ou
l’infaillibilité du Prophète (P), aucun musulman ne prétend détenir un livre
différent du Coran à la place de celui que nous possédons. Tous les musulmans
du monde entier lisent et pratiquent les préceptes et enseignements du même
Coran.
S’il est un thème qui a été l’objet de bien
de confusions et même d’une certaine gêne dans l’esprit de beaucoup de
musulmans a fortiori de personnes d’autres religions et croyances, c’est bel et
bien celui de l’esclavage.
Disons-le tout de suite : ce n’est point
l’Islam qui est en cause comme d’ailleurs dans bien d’autres domaines ainsi que
nous l’avons vu dans toute l’histoire de la Succession, mais plutôt
une faute d’interprétation et surtout de comportement des premiers
« successeurs » du Prophète qui n’ont pas suivi la voie que leur
avait tracée le Saint des Saints, Al Mustapha (P) l’Elu et le Bien-Aimé de Son
Seigneur.
Quels sont les enseignements et la position
de l’Islam vis-à-vis de cette ignominie qu’est l’esclavage ?
La réponse est triviale. Mais pour une fois,
dans ce cas, le pourquoi est plus évident que le comment. C’est pourquoi nous
vous proposons d’abord de faire le point de la situation de la pratique de
l’esclavage à « l’aube » de l’Islam.
En effet lorsque la Révélation
Coranique descendit sur le Prophète (P) de l’Islam,
l’esclavage était une pratique très courante chez les arabes, et ailleurs
également.
Acheter un esclave c’était faire un
placement ; c’est comme de nos jours acheter une action d’une société ou
faire une épargne bancaire ou encore en milieu paysan acheter des bœufs, des
ânes ou des chevaux.
En avoir était donc et aussi un signe
extérieur de richesse comme aujourd’hui posséder une voiture, une maison, etc.
Dés lors l’interdire de but en blanc aurait
été pour des peuples ayant une longue pratique de ce commerce une raison facile
pour refuser d’adhérer à la religion du Prophète (P) ; ce d’autant plus
que cette interdiction totale et brutale aurait signifié la ruine de la plupart
des possesseurs d’esclaves.
Le Prophète (P), comme en toute chose que
Dieu recommandait, ne manquait jamais l’occasion de prendre exemple sur
lui-même. C’est ainsi qu’ayant reçu de Khadija son épouse l’esclave Zaid comme
présent, il l’adopta et l’affranchit aussitôt. Et pour prouver qu’un esclave
est un homme comme tout autre et que devant Dieu seule comptait la foi, il
décida d’offrir en mariage à Zaid une de ses propres cousines du nom de Zeynab.
Le mariage fut célébré et consommé. Mais le couple ne cessait de subir des
railleries et autres médisances sur la condition d’esclave du mari. Le mariage
ne baignait pas dans le bonheur et ils jugèrent meilleur de se séparer à
l’amiable ; ainsi le divorce fut prononcé.
Or chez les arabes de cette époque, une femme qui s’était compromise
avec un esclave ne pouvait pas trouver un mari noble. C’est ainsi que le
Prophète (P) proposa à Zeynab, par compassion et pour récompense de son
obéissance, de la donner en mariage au meilleur des hommes, c’est-à-dire
lui-même.
C’est là que Salman Rushdi parle d’inceste dans son livre « les
versets sataniques ». C’est ne rien comprendre ni à l’Islam ni à la
logique. De toute façon une telle attitude ne saurait surprendre de la part de
quelqu’un comme Rushdi qui n’a d’autre intention que de nuire.
En effet, il faut d’abord signaler que Zaid est un fils adoptif du
Prophète (P) et non un fils biologique. Dieu dit à propos de l’adoption :
« Appelez- les du nom de leurs
pères : c'est plus équitable devant Allah. Mais si vous ne connaissez pas
leurs pères, alors considérez- les comme vos frères en religion ou vos alliés.
Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés
pour) ce que vos cœurs font délibérément. Allah, cependant, est Pardonneur et
Miséricordieux. » (Al Ahzâb, 33 : 5)
Ce qui veut dire qu’un fils adoptif ne doit pas pour autant porter le
nom de son père adoptif mais bien celui de son père biologique qui restera
toujours comme tel. Les occidentaux n’ont pas le même point de vue, eux qui
détruisent ainsi l’identité des personnes adoptées en faisant disparaître leur
nom d’origine.
Dieu précise même cela davantage en insistant :
« Muhammad n'a jamais été le père de l'un
de vos hommes, mais le messager d'Allah et le dernier des prophètes. Allah est
Omniscient. »
(Al Ahzâb, 33 : 4)
Mais alors pourquoi le Prophète (P) n’aurait-il pas le droit d’épouser
sa cousine Zeynab qui avait divorcé d’un homme qui n’était pas son fils
biologique à lui ?
De quel inceste peut-on parler ici, si ce n’est de la médisance et un
mensonge éhonté ?
Al Mustapha (P), l’Elu et le Bien-Aimé venait encore de donner là une
leçon de sagesse, de justice et d’équité à toute la Umma.
Il était certes difficile dans cette aube de
l’Islam de se séparer de ses esclaves d’un coup comme nous l’avons déjà dit
plus haut mais aussi Dieu ne nous impose jamais l’impossible :
« Allah n'impose à aucune âme une charge
supérieure à sa capacité. […] » (Baqara, 2 : 286)
Cependant puisque cette pratique est
dégradante pour l’homme mais aussi pour la société car c’est un facteur
d’inégalité indéniable et insupportable, Dieu a donné dans le Coran des
méthodes sûres et efficaces d’éradiquer ce fléau.
Ces méthodes de lutte contre l’esclavage peuvent
être analysées dans la ligne de mire de deux objectifs bien définis :
- favoriser la libération progressive des esclaves à travers les
multiples cas où pour expier sa faute il faut libérer un esclave.
- Supprimer les inégalités sociales tant sur le plan économique donc
matériel que sur le plan des castes et autres catégorisations sociales ;
notamment lorsque ces inégalités touchent les esclaves.
Nous voyons là que l’Islam s’attaque au mal
mais aussi et surtout à sa source.
Citons pour étayer ces propos (libération et
réhabilitation de l’esclave) quelques versets du Saint Coran :
« Et n'épousez pas les femmes
associatrices tant qu'elles n'auront pas la foi, et certes, une esclave
croyante vaut mieux qu'une associatrice même si elle vous enchante. Et ne donnez
pas d'épouses aux associateurs tant qu’ils n'auront pas la foi, et certes, un esclave
croyant vaut mieux qu'un associateur même s'il vous enchante. Car ceux-là (les
associateurs) invitent au Feu; tandis qu'Allah invite, de par Sa Grâce, au
Paradis et au pardon Et Il expose aux gens Ses enseignements afin qu'ils se
souviennent ! » (Al Baqara, 2 : 221)
« Il n'appartient pas à un
croyant de tuer un autre croyant, si ce n'est par erreur. Quiconque tue par
erreur un croyant, qu’il affranchisse alors un esclave croyant et
remette à sa famille le prix du sang, à moins que celle-ci n'y renonce par
charité. Mais si (le tué) appartenait à un peuple ennemi à vous et qu' il soit
croyant, qu'on affranchisse alors un esclave croyant. S'il appartenait à
un peuple auquel vous êtes liés par un pacte, qu'on verse alors à sa famille le
prix du sang et qu'on affranchisse un esclave croyant. Celui qui n'en
trouve pas les moyens, qu’il jeûne deux mois d'affilée pour être pardonné par
Allah. Allah est Omniscient et Sage. » (An-Nisâ’ 4 : 92)
« Allah ne vous sanctionne pas
pour la frivolité dans vos serments, mais Il vous sanctionne pour les serments
que vous avez l'intention d'exécuter. L'expiation en sera de nourrir dix
pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles ou de les
habiller, ou de libérer un esclave. Quiconque n'en trouve pas les moyens
devra jeûner trois jours. Voilà l'expiation pour vos serments, lorsque vous
avez juré. Et tenez à vos serments. Ainsi Allah vous explique Ses versets, afin
que vous soyez reconnaissants! » (Al Mâ’ida, 5 : 89)
« Allah propose en parabole un esclave
appartenant (à son maître), dépourvu de tout pouvoir, et un homme à qui Nous
avons accordé de Notre part une bonne attribution dont il dépense en secret et
en public. (Ces deux hommes) sont- ils égaux? Louange à Allah! Mais la plupart
d'entre eux ne savent pas. » (An-Nahl 16 : 75)
« Ceux qui comparent leurs
femmes au dos de leurs mères puis reviennent sur ce qu'ils ont dit, doivent
affranchir un esclave avant d'avoir aucun contact (conjugal) avec leur
femme. C'est ce dont on vous exhorte. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de
ce que vous faites » (Al-Moujâdala 58 : 3)
« Et qui te dira ce qu'est la
voie difficile? C'est délier un joug (affranchir un esclave), …» (Al Balad 40 : 12 et 13)
« Adorez Allah et ne Lui donnez
aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les
orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le
voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allah n'aime pas, en
vérité, le présomptueux, l'arrogant, » (An-Nisâ’ 4 : 36)
« Cela (le châtiment), pour ce
que vos mains ont accompli." Et Allah n'est point injuste envers les esclaves. »
(Al Anfâl 8 : 51)
« Allah a favorisé les uns
d'entre vous par rapport aux autres dans (la répartition) de Ses dons. Ceux qui
ont été favorisés ne sont nullement disposés à donner leur portion à ceux
qu'ils possèdent de plein droit (esclaves) au point qu'ils y deviennent
associés à part égale. Nieront-ils les bienfaits d'Allah? » (An Nahl 16 :
71)
« Il vous a cité une parabole de
vous-mêmes: Avez-vous associé vos esclaves à ce que Nous vous avons
attribué en sorte que vous soyez tous égaux (en droit de propriété) et que vous
les craignez (autant) que vous vous craignez mutuellement? C'est ainsi que Nous
exposons Nos versets pour des gens qui raisonnent. » (Ar Roûm 30 : 28)
« Et que ceux qui n'ont pas de
quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu'à ce qu'Allah les enrichisse
par Sa grâce. Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d'
affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en
eux; et donnez- leur des biens d'Allah qu'Il vous a accordés. Et dans votre
recherche des profits passagers de la vie présente, ne contraignez pas vos
femmes esclaves à la prostitution, si elles veulent rester chastes. Si
on les y contraint, Allah leur accorde après qu'elles aient été contraintes,
Son pardon et Sa miséricorde. » (An Noûr 24 : 33)
III - LES
DEUX MUT’A[86] : MARIAGE
TEMPORAIRE ET PÈLERINAGE DOUBLE
A- Le mariage temporaire :
M1. « Et, parmi les femmes, les Dames, -
sauf si de vos mains vous les avez obtenues comme esclaves en toute propriété.
Prescription de Dieu sur vous ! Hors de cela, il vous est permis de les rechercher,
à vos dépens ; - en hommes qui concluent mariage, non en débauchés. Puis,
de même que vous jouissez d’elles, donnez-leur leurs salaires d’honneur, comme
une chose due. Nul grief contre vous à ce que vous consentiez l’un à l’autre
après cet arrêté. Dieu demeure savant, sage, vraiment ! » (Les
femmes, 4 : 24 d’après une traduction de Muhammad Hamidullah).
Ou encore en plus clair :
« [Il est illicite pour vous d’avoir des
rapports sexuels] avec des femmes mariées, exception faite des captives. [Voilà]
ce que Dieu vous prescrit. Hormis les cas énumérés, il est licite pour vous de
rechercher [des épouses], en y employant vos biens, en hommes désirant se
marier honnêtement, non en débauchés. A celles dont vous avez tiré jouissance
remettez le don qui leur est obligatoirement dû. Il n’y a aucun inconvénient à
ce que vous vous fassiez des concessions mutuelles après [détermination] de la
dot obligatoire. Dieu est, en vérité, omniscient et sage. » (Les femmes, 4 : 24 d’après une
traduction de Cheikh Si Hamza Boubakeur)
M2. « Dieu veut [ainsi] vous faciliter [les
choses], car Il sait que l’homme est faible par nature. » (Les
femmes, 4 : 28)
M3. « O Prophète ! Pourquoi
interdis-tu ce que Dieu a rendu licite en cherchant à satisfaire tes
épouses ? Et Dieu est Celui Qui pardonne. Il est Clément. » (At
Tahrîm ou L’interdiction, 66 : 1)
Dieu le Tout-Puissant permet aux hommes de
façon claire et nette, à travers le verset ci-dessus désigné M1, de conclure un contrat de mariage
à durée limitée avec une femme consentante et selon des conditions de
compensation fixées de commun accord par les deux parties contractantes. Ce qui
est plus simplement connu sous le nom de mariage temporaire; ou encore en
arabe, Mut’â tun nîssa.
En effet, Dieu Qui connaît la faiblesse de
Ses créatures (verset M2
ci-dessus cité) leur a précisé dans un premier temps les femmes qu’ils ne sont
à jamais autorisés à épouser dans les versets 22 et 23 de la sourate IV (Les
femmes).
Dans une seconde étape, le Tout
Miséricordieux permet dans le verset 24 à ceux d’entre nous qui n’ont pas le
privilège d’être mariés de pouvoir éviter de pêcher par fornication et surtout
de respecter la femme dans ce qu’elle a de plus sensible et intime : son
honorabilité sexuelle.
Il est évident dans ce verset qu’il ne peut
s’agir du mariage classique sans terme prédéterminé. Dieu nous parle d’abord
des Dames c’est-à-dire les femmes mariées (muhsanât,
du verbe hasuna qui signifie être
fortifiées, chastes, inaccessibles, vertueuses en somme protégées contre tout
rapport sexuel illicite en raison de leur qualité d’épouses ou autre); celles
d’entre ces Dames avec qui nous sommes autorisés à avoir des rapports sexuels
sont les seules captives prises au cours d’une guerre. même si elles sont
mariées.
Ensuite le verset en question prévient sinon
avertit : « ...en hommes qui concluent mariage, non en débauchés. » ;
cette comparaison ne se justifierait pas s’il s’agissait du mariage sans terme
prédéterminé.
Il est bon ici de préciser l’aspect sacré qui
couvre ce type de mariage qui, malgré son caractère temporaire doit se dérouler
dans un cadre réglementaire précis, respectueux des droits de la femme et de
l’enfant et de la morale islamique. C’est cet esprit qui doit guider toute
personne liée par un tel contrat.
L’avertissement susdit suffit dés lors aux
musulmans pieux - Dieu guide ses esclaves et non les autres - pour situer les
limites d’une telle pratique qui, de par sa nature, est exceptionnelle donc
doit être :
* non répétitive à souhait,
*et surtout dans le total et mutuel respect
des conjoints.
Enfin dans la phrase « A
celles dont vous avez tiré jouissance remettez le don qui leur est
obligatoirement dû. », le verbe istamta’â qui est traduit par « tiré jouissance » est
directement lié au mariage temporaire (nikâh-l-mut’â)
largement pratiqué en Arabie Ancienne. D’ailleurs le verset 26 suivant achève
de nous convaincre lorsqu’il dit : « Dieu veut vous éclairer en
vous indiquant les traditions de ceux qui vous ont précédés. Il agrée votre
repentir, car Il est omniscient et tout sage. » ; Confirmant
ainsi une tradition qu’Il veut perpétuer en nous mettant, dans ce domaine, sur
la voie suivie par ceux qui nous ont précédés.
Dans une troisième étape et pour
finir Sa revue des différentes situations, Dieu permet même à ceux qui, pour
des raisons matérielles, ne peuvent pas épouser des femmes libres et croyantes
de prendre femme parmi leurs jeunes esclaves croyantes avec la permission
préalable des maîtres de celles-ci et après les avoir convenablement dotées,
comme le dit le verset 25 de la même sourate 4.
Tout cela afin d’éviter aux hommes et
aux femmes d’avoir à commettre la fornication.
Et voilà qu’un simple homme (‘Umar
Bun Khattab) de ce qu’il y a de plus mortel intervient dans les Nobles Desseins
de Dieu pour interdire ce que le Très Haut
a autorisé. Alors que même le très Saint Prophète (P) non seulement ne
l’a pas interdit mais n’est pas non plus autorisé à interdire ce que Dieu a
autorisé, comme le prouve le verset M3
cité ci-dessus où Dieu s’adresse directement à lui à propos d’une petite
affaire intervenue dans son foyer[87].
Ce qui nous permet d’affirmer
indubitablement que le mariage temporaire était pratiqué du temps du Prophète
(P) et que c’est précisément le deuxième calife ‘Umar qui l’a interdit, c’est
un hadith très célèbre.
Ce hadith a été cité par Muslim dans
son Sahih (Tome I, page 467), par
Râzi dans ses Tafsir dans le chapitre
qui traite de l’interprétation du verset 24 de la Sourate IV, également
par bien d’autres références reconnu véridique.
Ce hadith rapporte que ‘Umar le
deuxième Calife, qui succéda à Abou Bakr, fit un jour un discours du haut d’une
tribune où il s’exprima librement en ces termes :
« Deux Mut’â ont existé au temps du Prophète et moi ‘Umar, je les interdis
et j’en prendrais la responsabilité; il s’agit du Mut’â du pèlerinage et du
Mut’â des femmes. »
A la même page 467 du Tome I des
Sahih de Muslim, Ibn Nadirata a rapporté que Ibn Abbas autorisait le mariage
temporaire et que Ibn Zubair l’interdisait. Etant troublé par cette
contradiction, il alla trouver Jabir Ibn Abdallah qui était un compagnon
du Prophète et lui demanda ce qu’il en pensait. Ce dernier lui
répondit : « Nous avions
toujours fait cela (le Mut’â ) au temps du Prophète ; quand ‘Umar est venu
au pouvoir, il a dit : Dieu autorisait au Prophète (P) de faire ce qu’il
voulait et le Coran a dit : « Accomplissez
le pèlerinage et le petit pèlerinage comme Dieu vous l’a demandé[88]»; mais éloignez-vous de ce genre de mariage
avec les femmes (mariage temporaire) car à chaque fois qu’on m’amènera un homme
qui a conclu ce genre de mariage je le lapiderai. »
Dans le Tome V de ses Sahih à la page
158, Bukharî rapporte de Mussad qui dit que Yahya a rapporté de Abu Bakr qui
tient de Abu Raja qui a entendu Imran Ibn Hassine dire : « Il est descendu le verset de Mut’â
dans le livre de Dieu et nous avons pratiqué cela avec le Prophète ; et
jusqu'à la mort du Prophète, il n’est jamais descendu un autre verset dans le
Coran pour interdire cela. Mais il y a eu un homme qui en a dit ce qu’il
voulait à partir de son propre point de vue. Un certain Muhammad qui était là,
observa : « On dit que cet homme-là, c’est ‘Umar. » »
On peut relever d’autres hadiths de
cette substance dans les Sahih de Muslim (Tome IV, page 131) ainsi que dans les
Tafsir de Salabi et de Tabari, notamment dans ses commentaires du fameux verset
24 de la Sourate IV.
Il est ainsi prouvé que le Prophète a
autorisé le mariage temporaire en tant qu’allégement accordé par Dieu à Ses
créatures humaines qu’Il sait faibles par nature. Et même que cette pratique a
survécu au règne du premier Calife Abu Bakr.
Or un hadith très célèbre et fort
véridique dit :
« Ce que le Prophète a déclaré licite ou illicite reste valable
jusqu’au jour du jugement dernier. »
Donc on peut qualifier - sans se
tromper et pour le moins ! - de sans fondement l’interdiction de ‘Umar.
D’autant plus que cette interdiction a des conséquences incalculables ainsi que
le prévoit Celui Qui a accordé cette faveur à Ses créatures.
C’est dans ce cadre que Salabi, pour
citer une conséquence de cet interdit, a dit :
« Le Mut’â est une miséricorde de Dieu pour ses esclaves
(adorateurs). Si ‘Umar ne l’avait pas interdit, ne ferait l’adultère qu’un
maudit. »
Nous reviendrons plus loin sur ces
conséquences.
On ne peut s’empêcher de rappeler ici
une anecdote dans la vie de Walid qui était le Calife des Umayyades à Médine,
bien longtemps après la mort du Prophète (P).
Lors d’une de ses prêches dans son
fief de Médine alors qu’il s’appliquait à interdire avec véhémence le Mut’â tun nîssa ou mariage temporaire,
un vieillard se leva dans la foule et lui demanda de ne pas interdire ce que
Dieu Lui-même avait autorisé. Le jeune et fougueux chef refusa d’obtempérer.
Devant la persistance de Walid, le
vieillard lui demanda d’aller se renseigner auprès de sa mère sur les raisons
qui devraient particulièrement lui interdire, lui Walid, de s’évertuer à
démontrer le bien-fondé de cette interdiction.
Exécutant par curiosité la
recommandation du vieillard, quelle ne fut la surprise de Walid d’apprendre
qu’il était issu d’un mariage temporaire par la bouche de celle-là même qui l’a
engendré. Elle lui conseilla d’éviter à l’avenir d’avoir à discuter de ces
questions avec les proches du Prophète car ils en connaissent toujours un peu
plus que quiconque.
Le vieillard en question n’était
autre que le bien connu Ibn Abbas, un contemporain du Prophète (P).
Toutes ces preuves puisées du Saint
Coran et de hadiths irréfutables confirment que le mariage temporaire est
autorisé par Dieu, qu’il a existé du
temps du Prophète et qu’il reste de ce fait encore en vigueur jusqu'à la fin
des temps.
Il est dès lors opportun de rappeler
les conditions sine qua non
d’accomplissement d’une telle pratique telles qu’elles nous sont transmises fidèlement
par la tradition authentique de l’Ecole des Ahlul Bayt (P) à travers les
enseignements de l’Imam Jâ’far çâdiq (P) :
-La femme qui contracte ce type de mariage
doit être libre de tout engagement et notamment de toute promesse de mariage.
-La femme doit être majeure. S’agissant de la
femme mineure, il faut non seulement son accord mais obligatoirement celui de
ses parents (père ou mère) ou de quelqu’un qui a un pouvoir de décision sur
elle.
-L’homme exprime à la femme, son désir de
contracter avec elle ce type de mariage. Si la femme consent, elle donne son
accord et fixe la dot ou salaire pour reprendre le terme coranique.
-Les deux parties conviennent de la durée du
mariage et la femme s’exprime en ces termes : « j’accepte de toi,
devant Dieu, cette dot pour un mariage temporaire de ... (elle précise la durée en années, mois,
semaines, jours, heures) à compter de ... (elle précise la date) ».
-Il n’y a pas d’obligation d’avoir un témoin.
Par contre, quand une grossesse survient au cours du mariage ou dans la période
de deux menstrues à observer après le terme du mariage, il y a lieu d’en avoir
un.
-Si le mari décède avant le terme du mariage,
la femme a l’obligation d’observer la période de veuvage qui est de quatre mois
et dix jours.
-L’homme n’est pas obligé de prendre la femme
en charge ni de vivre avec elle sous le même toit de manière permanente.
-L’homme n’hérite pas de la femme et la femme
n’hérite pas de l’homme mais un enfant issu de ce mariage hérite de ses deux
parents.
-La charge et l’éducation de l’enfant né d’un
tel mariage - en somme le pouvoir paternel dans le droit positif - incombent à
l’homme comme dans un mariage classique.
-Le mariage devient caduc au lendemain de son
échéance.
-Au terme du mariage, c’est seulement après
deux menstrues que la femme est libre de contracter un nouveau mariage. La
raison de cette précaution est évidente.
Pour en venir aux conséquences de
l’interdiction de ‘Umar de pratiquer le Mut’â tun nîssa, dans un premier temps
nous demandons simplement au lecteur d’observer l’évolution des mœurs sexuelles
de notre société. Non pas que la dépravation de ces mœurs soit due à cet
interdit, ce qui est bien loin de nos propos mais plutôt que le mariage
temporaire permettrait à bien des croyants sincères, hommes et femmes, de ne
pas commettre la fornication. Ce qui constituerait déjà un capital inestimable
dans la vie de bien des musulmans ici-bas et dans l’au-delà.
Une deuxième conséquence non moins importante
est la place non négligeable qu’occupe cette interdiction parmi les raisons qui
poussent certaines femmes à tirer commerce de leur chair afin de survivre. Ce
que la majorité d’entre elles – pas toutes, le vice motivant certaines d’entre
elles – auraient pu éviter si elles avaient la possibilité de pouvoir être
entretenues convenablement et honorablement, en toute dignité dans le cadre
sacré d’une liaison licite.
Dans une troisième étape nous vous invitons à
jeter un regard sur le nombre croissant d’enfants de la rue rejetés pour une
faute qu’ils n’ont pas commise, abandonnés à leur triste sort d’exclus de la
société, de pseudo - orphelins dont les parents sont bien vivants. Ils portent
injustement sur eux toute la honte qu’ont éprouvée à les engendrer leurs
parents indignes.
La pauvreté mais surtout le caractère
illicite de l’union dont ces enfants sont issus, telles sont les raisons qui
sont dans la majeure partie des cas à la base de ce rejet dont ils ne sont pas
les seules victimes. En effet au moins la mère sinon le père sont parmi les
victimes sans compter les éventuelles victimes de ces enfants lorsqu’ils
deviennent des bandits et autres voleurs ou drogués.
Dans le même sillage ce Mut’â aurait permis
d’éviter pas mal d’avortements commis souvent dans la clandestinité et
engendrant leur cortège d’accidents mortels pour la mère et/ou pour l’enfant.
Encore une fois très souvent par pure honte d’une union illicite.
Le quatrième point et certainement pas le
dernier concerne surtout les musulmans sincères - mais « faibles par nature »
- et qui se trouvent occasionnellement éloignés pour une durée limitée de leur
épouse s’ils en ont une. Ils éviteraient ainsi d’avoir des maîtresses avec
lesquelles ils ont parfois des enfants qui n’ont pas droit à la reconnaissance
paternelle et qui doivent vivre avec leur mère dans des conditions
inacceptables sans même l’aide du père. Ces enfants-là ont également droit à un
père jouissant pleinement du pouvoir paternel selon l’appellation consacrée par
le droit positif et tel que le conçoit l’Islam.
Ces femmes pourraient alors bénéficier d’un
statut licite et digne en se faisant épouser même si c’est de façon temporaire.
Comme on le voit donc même si l’interdiction
de ‘Umar n’est pas l’unique raison qui explique tous ces maux, elle constitue
pour une bonne frange de musulmans un frein réel à une bonne pratique
religieuse. Surtout, elle est une profonde incitation à la débauche du moins à
l’écartement du musulman de son ascension vers la perfection qui est le but
ultime de notre religion.
Que Dieu nous éloigne de toute turpitude !
B - Le Mut’â
du Pèlerinage :
P1. « Et
accomplissez pour Dieu le grand et le petit pèlerinages. [...] » (Al
Baqara, 2 : 196)
P2. « Le
pèlerinage touche des mois bien connus. [...] » (Al Baqara,
2 : 197)
P3. « Invoquez
Dieu au cours des jours comptés. Celui qui, trop pressé, les ramène à deux
jours ne commet point de pêché. Ne commet aucun pêché non plus celui qui, plein
de piété, retarde son départ. [...] » (Al Baqara, 2 : 203).
Ces versets nous précisent respectivement le
caractère obligatoire, pour ceux qui le peuvent, du grand et du petit
pèlerinages - Hajj et Umrâ - (P1),
le déroulement cyclique du Hajj une fois l’an en des mois précis (P2) et plus précisément en
quelques jours bien déterminés (P3).
Il est généralement admis, et le Prophète (P)
nous en a donné l’illustration par sa pratique, que le pèlerinage annuel ou
Hajj se pratiquait dans les mois de Shawwâl
(10ième mois lunaire), Zul-qa’d
et les dix premiers jours du 12ième mois lunaire de Zul-hajj ; les
jours essentiels de ce pèlerinage étant ces 10 derniers jours et plus
exactement les trois derniers, voire seulement les deux comme le permet le
Coran.
Donc ce pèlerinage est, par essence,
collectif parce que se déroulant à un même moment pour tout le monde. Il est
l’occasion pour tous les musulmans du monde entier de se réunir une fois l’an
en une assemblée du niveau le plus élevé qui soit depuis celle de la prière de
groupe ordinaire en passant ensuite par la prière hebdomadaire du Vendredi et
enfin par celles annuelles des deux Aïds.
Tout cela dénote une cohérence extraordinaire
dans la logique de la permanente et nécessaire concertation qui doit toujours
exister entre tous les membres de la
Umma en vue de garantir sa cohésion.
S’agissant du petit pèlerinage ou Umrâ il
peut être accompli à tout moment de l’année, le Coran ne l’ayant pas fixé dans
l’année. Ainsi ce pèlerinage est d’abord individuel car sa fixation dans le
temps relève d’une décision individuelle.
Ce que le deuxième Calife ‘Umar a interdit
c’est de pratiquer la Umrâ
pendant la période du Hajj.
Sur ce point, comme en bien d’autres, la
pratique du Prophète nous suffit et nous sert de modèle à suivre. Il est prouvé
en effet que le Prophète a pratiqué le Hajj
et la Umrâ
dans la même période.
Les références sont nombreuses et nous allons
en citer quelques unes :
- On peut commencer par rappeler le hadith
déjà cité dans la partie concernant le mariage temporaire, dans lequel le
Calife ‘Umar dit :
« Deux Mut’â ont existé au temps du Prophète et moi ‘Umar, je les
interdis et j’en prendrais la responsabilité; il s’agit du Mut’â du pèlerinage
et du Mut’â des femmes. »
- L’imam Malick, dans son livre El Muwatta (Tome I, page 130), rapporte
de Muhammad Ibn Abdullah Ibn Harris Ibn No’ofal Ibn Abdul Mutalid qui dit avoir
entendu Saad Ibn Abi Wakass et Dehak Boun Kaiss parler du Mut’â du pèlerinage
l’année où Mu’awiyah, fils d’Abu Sofian, était venu faire le pèlerinage à la Mecque. Suivons le
dialogue entretenu par les deux hommes :
Dehak Boun Kaiss : « Ne fait ce genre de
pèlerinage que celui qui ne connaît pas les ordres de Dieu »
Saad Ibn Abi Wakass : « Malheur à toi,
fils de mon frère »
D.B.K. : « ‘Umar a interdit
cela ! »
S.I.A.K. : « Le Prophète (P) lui-même
a pratiqué ce genre de Mut’â et nous-mêmes nous avons pratiqué cela avec
lui. »
- L’Imam Ahmad Ibn Hanbal, rapporte dans ses
Musnad (Tome I, page 337), que Ibn Abbas a échangé avec Rouawata Ibn Zubair les
paroles suivantes :
Ibn Abbas : « Le Prophète a fait le
Mut’â »
Rouawata Ibn Zoubair : « Abu Bakr et ‘Umar
l’ont interdit. »
I.A. : « Qu’est-ce que raconte
Ourayata[89] ? »
R.I.Z. : « Abu Bakr et ‘Umar avaient
interdit cela. »
I.A. : « Je vois que les gens qui
disent que Abu Bakr et ‘Umar ont dit vont être maudits ; moi je dis que le
Prophète a dit et eux ils disent que Abu Bakr et ‘Umar ont dit. »
Dans le Jami’u
Bayanul Ilmi Wa Fadlihi, l’Imam Ibn Abdul Bar’r rapporte les mêmes
témoignages que l’Imam Hanbal.
-
Dans ses Sahih (Tome I, page 157) Tirmizi rapporte qu’un jour on questionna
Abdullah Ibn ‘Umar (fils du 2ième Calife) à propos du Mut’â du
pèlerinage. Il répondit que c’est autorisé et on lui fit entendre que son père
l’avait interdit. Il rétorqua : « Si mon père l’interdit et que
le Prophète (P) l’a pratiqué, qu’est-ce qu’on fait ? Ce que mon père a dit
ou ce que le Prophète (P) a fait ? ». Il reçut pour
réponse : « On suit le Prophète ».
Le débat était ainsi clos par cette
argumentation pleine de tact et de vérité.
L’on peut tout de même s’étonner par delà
tout ce qui vient d’être dit sur l’interdiction des deux Mut’â par ‘Umar car si
le Mut’â des femmes reste interdit pour certains, ce n’est pas le cas du Mut’â
du Hajj qu’ils continuent de pratiquer conformément à la tradition prophétique.
IV - LE RAMADHÂN :
Le jeûne du mois de Ramadhân est une recommandation divine
essentielle :
« (Ces jours
sont) le mois de Ramadân au cours duquel le Coran a été descendu comme guide
pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc,
quiconque d'entre vous est présent en ce mois, qu' il jeûne! Et quiconque est
malade ou en voyage, alors qu'il jeûne un nombre égal d'autres jours. -
Allah veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous, afin
que vous en complétiez le nombre et que vous proclamiez la grandeur d'Allah
pour vous avoir guidés, et afin que vous soyez reconnaissants! » (Baqara, 2 : 185)
Sur ce point et sur la façon précise de pratiquer ce jeûne il n’y a
heureusement pas de divergence entre les musulmans. Cependant des modifications
inopportunes viendront, après le Prophète (P). C’est ainsi que le Calife ‘Umar
institua une pratique devenue, depuis lors, une habitude largement observée par
les musulmans : les nawâfil ou
encore tarâwih. Il s’agit des prières
surérogatoires (ou supplémentaires) faites en groupe pendant les nuits du mois
de Ramadhân.
Sous le Prophète (P) puis sous Abu Bakr, les musulmans faisaient leurs
prières surérogatoires pendant les nuits du mois de Ramadhân de façon séparée
après avoir prié en groupe la dernière prière obligatoire de la nuit (Ichâ).
Quand ‘Umar arriva au Califat il trouva que cela faisait
« désordonné » de faire ces surérogatoires séparément. Il décida
alors qu’on les fasse désormais en groupe.
Dieu dit qu’Il ne charge jamais ses créatures que nous sommes de ce que
nous ne pouvons supporter. A chacun donc de prier dans son intimité le nombre
de rak’ah supplémentaires qu’il peut supporter à l’heure qu’il veut. Et Dieu
dit à ce propos :
« Ton Seigneur sait, certes, que tu
(Muhammad) te tiens debout moins de deux tiers de la nuit, ou sa moitié, ou son
tiers. De même qu'une partie de ceux qui sont avec toi. Allah détermine la nuit
et le jour. Il sait que vous ne saurez jamais passer toute la nuit en prière. Il
a usé envers vous avec indulgence. Récitez donc ce qui (vous) est possible du
Coran. Il sait qu'il y aura parmi vous des malades, et d'autres qui voyageront
sur la terre, en quête de la grâce d'Allah, et d'autres encore qui combattront
dans le chemin d'Allah. Récite-en donc ce qui (vous) sera possible.
Accomplissez la Salât,
acquittez la Zakat,
et faites à Allah un prêt sincère. Tout bien que vous vous préparez, vous le
retrouverez auprès d'Allah, meilleur et plus grand en fait de récompense. Et
implorez le pardon d'Allah. Car Allah est Pardonneur et Très Miséricordieux. (Al Mouzzammil 73
: 20)
Pour revenir donc à l’enseignement originel du Prophète (P) de l’Islam
et à son exemple, cessons sinon tout au moins ne continuons pas à imposer les nawâfil en groupe. Surtout lorsqu’on sait
qu’il existe dans certains pays des musulmans qui vont jusqu’à penser qu’on ne
peut pas jeûner si on n’a pas fait des prières surérogatoires la veille. Il est
vrai qu’elles sont hautement recommandées et qu’elles sont l’occasion
d’affirmer et de renforcer l’intention de jeûner le lendemain. Mais ces prières
ne sont pas obligatoires contrairement à l’aspect que lui donne la pratique en
groupe.
Un autre point important porte sur l’heure de coupure du jeûne.
« On vous a permis, la nuit d'as-Siyâm,
d'avoir des rapports avec vos femmes; elles sont un vêtement pour vous et vous
êtes un vêtement pour elles. Allah sait que vous aviez clandestinement des
rapports avec vos femmes. Il vous a pardonné et vous a graciés. Cohabitez donc
avec elles, maintenant, et cherchez ce qu'Allah a prescrit en votre faveur;
mangez et buvez jusqu'à ce que se distingue, pour vous, le fil blanc de l'aube
du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jeûne jusqu'à la nuit. Mais
ne cohabitez pas avec elles pendant que vous êtes en retraite rituelle dans les
mosquées. Voilà les lois d’Allah : ne vous en approchez donc pas (pour les
transgresser). C'est ainsi qu'Allah expose aux hommes Ses enseignements, afin
qu'ils deviennent pieux ! » (Al Baqara 2 : 187)
Or donc le Saint Coran est très clair : jusqu’à la nuit. Ce qui
veut bien dire qu’on ne saurait couper le jeûne alors que le soleil n’est pas
complètement couché… tout au moins dans les régions non polaires où les jours
et les nuits sont sensiblement de longueurs constantes durant toute l’année.
Hélas on constate cependant une précipitation injustifiée à couper le
jeûne de sorte à pouvoir faire la prière de Maghrib
dans un délai que l’on juge à tort de trop court (par rapport à quoi ?).
Cela pose évidemment le problème de l’heure de la prière de Maghrib. Nulle part dans le Coran ou les
hadiths il n’a été indiqué cette « étroitesse » du délai alloué à
cette prière qui est simplement indiqué comme survenant après le coucher du
soleil et au début de la nuit. Donc en clair la prière de Maghrib intervient après la disparition de la rougeur laissée par
les derniers rayons de soleil tandis que la coupure du jeûne doit la précéder
dans cette même période… sans aucune précipitation. Mais non plus sans aucun
temps mort entre les deux.
Sur ce point des heures de prière, nous renvoyons le lecteur à la
partie ci-dessous consacrée aux regroupements des prières.
V - LA
PRIÈRE :
ABLUTIONS :
« Ô les croyants ! Lorsque vous vous
levez pour la Salât,
lavez vos visages et vos mains jusqu'aux coudes; et essuyez (ou massez) une partie de votre
tête et de vos pieds jusqu'aux chevilles. Et si vous êtes
pollués "jounoub", alors purifiez- vous (par un bain); mais si vous
êtes malades, ou en voyage, ou si l’un de vous revient du lieu où il a fait ses
besoins ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d’eau,
alors recourez à la terre pure, passez- en sur vos visages et vos mains. Allah
ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire
sur vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants. » (Al Mâ’ida 5 : 6)
« Ô les croyants ! N'approchez pas
de la Salât
alors que vous êtes ivres jusqu'à ce que vous compreniez ce que vous dites, et
aussi quand vous êtes en état d'impureté (pollués) - à moins que vous ne soyez
en voyage - jusqu'à ce que vous ayez pris un bain rituel. Si vous êtes malades
ou en voyage, ou si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins, ou
si vous avez touché à des femmes et que vous ne trouviez pas d'eau, alors recourez
à une terre pure, et passez-vous en sur vos visages et sur vos mains. Allah, en
vérité, est Indulgent et Pardonneur. » (An Nîsâ 4 : 43)
Ces deux versets nous disent l’essentiel de ce qu’il y a à connaître
sur les ablutions et leurs conditions de rupture.
Les ablutions constituent pour la prière un préalable indispensable
pour au moins deux raisons :
-
d’abord elles sont une recommandation divine ;
-
ensuite elles permettent de purifier spirituellement le fidèle en le
débarrassant des impuretés recueillies par certaines parties du corps et en le
préparant mentalement à l’acte qu’il va accomplir et qui doit le rapprocher de
Dieu et l’éloigner des vanités de ce monde ; il faut dire à ce niveau que
les ablutions ne remplacent pas un bon lavage préalable et obligatoire des
membres et autres parties du corps s’ils sont sales.
Les principales divergences qu’il convient de noter entre les musulmans
à propos des ablutions, concernent les gestes de purification des pieds et des
oreilles, ainsi que le nombre de passages.
Chez le grand nombre chaque membre ou partie reçoit trois passages au
lieu de deux et pas plus comme chez les Ahl Bayt (P). Les deux tendances
acceptent de compter le premier des passages comme étant celui qui a été
intentionnellement défini comme tel par le fidèle, laissant ainsi la
possibilité de se nettoyer à souhait avant la purification proprement dite.
Mais les Ahl Bayt considèrent comme invalide le troisième passage, et rendant
telles toutes les ablutions. Répéter ce premier passage intentionnel n’est que
prescription recommandée mais en faire trois devient vraiment superflu.
Par ailleurs, comme nous le lisons dans le premier verset du début de
ce sujet, certains traducteurs du Saint Coran ont rendu la partie soulignée de ce
verset sous la forme :
« …passez les mains
mouillées sur vos têtes; et lavez- vous les pieds… »
Ce qui est plutôt écrit en arabe signifie :
« …essuyez une partie de votre tête et de
vos pieds… »
Dans L’expression wamsaqu bî ruhu sikum wa arjulakum, on
note le bî : en grammaire arabe il s’agit du "al bâ
ul baghdiya" c’est-à-dire le bâ de l’exception, de la
limitation et qui se traduit ici par "une partie de…".
Le verbe est ici wamsaqu (=mas’h qui signifie essuyer),
les compléments d’objet direct sont bî ruhu sikum (= une partie de vos têtes) wa arjulakum
(= et de vos pieds). Dans tout cela où figure l’expression « lavez vos
pieds » et surtout le verbe laver ? Nulle part.
Il est donc question de passer la main sur les pieds exactement comme
pour la tête. Des orteils à la cheville avec la paume de la main droite pour le
pied droit et la paume de la main gauche pour le pied gauche, sur une largeur
égale à celle de la paume. Quant à la tête l’essuyage débute du ras frontal des
cheveux au milieu de la tête environ (longueur d’un doigt, largeur de trois
doigts joints).
Il reste vrai que laver les pieds est plus complet que de faire passer
les mains mouillées dessus. Mais le texte est clair et net. Et Dieu ne dit rien
au hasard. Respecter scrupuleusement les gestes clairement prescrits par Dieu
contribue de façon sûre à mieux se connecter à Lui.
Ce qui est en outre clair c’est qu’il n’est pas question du nettoyage
des oreilles. Nulle part cela n’a été recommandé lors des ablutions.
L’on peut dés lors comprendre que les adeptes de la famille purifiée du
prophète se massent le dessus des pieds comme le dessus du crâne et ne se
nettoient pas les oreilles. Respectant en cela les prescriptions précises du
Coran mais aussi les pratiques traditionnelles du Prophète (P) qu’ils ont
observées[90] et
conservées intactes.
Lorsqu’on fait les ablutions, il n’est pas obligatoire de laver
l’intérieur du nez, des yeux et des lèvres. Toutefois, la portion du visage à
laver va du bord frontal du cuir chevelu à l’extrémité du menton et, en
largeur, couvre l’ouverture de la main entre le bout du majeur et le bout du
pouce. C’est donc pour s’assurer qu’on s’est bien lavé toutes les parties
prescrites, qu’il est obligatoire de laver aussi une portion des parties
non prescrites (l’intérieur du nez, des lèvres et des yeux).
Dans tous les cas les actes obligatoires des ablutions sont :
-
Se laver le visage.
-
Se laver les mains jusqu’aux coudes.
-
Suivre l’ordre prescrit des actes.
-
Passer les mains mouillées sur la tête.
-
Passer les mains mouillées sur les pieds.
LA PRIÈRE
DU VENDREDI :
« Ô vous qui avez cru! Quand on appelle à
la Salât
du jour du Vendredi, accourez à l'invocation d'Allah et laissez tout négoce.
Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez! » (Al Joumou’a 62 : 9)
“Quand ils entrevoient quelque commerce ou
quelque divertissement, ils s'y dispersent et te laissent debout. Dis: "Ce
qui est auprès d'Allah est bien meilleur que le divertissement et le commerce,
et Allah est le Meilleur des pourvoyeurs". » (Al Joumou’a 62 : 11)
« Nul grief n'est à faire à l'aveugle,
ni au boiteux ni au malade. Et quiconque obéit à Allah et à Son messager, Il le
fera entrer dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux. Quiconque
cependant se détourne, Il le châtiera d'un douloureux châtiment. » (Al Fath 48 : 17)
Dans le deuxième verset, l’on voit une preuve concrète, un témoignage
historique du fait que la khutba ou discours prononcé par l’Imam le jour de la
prière, était prononcée par le Prophète après la prière. Ce verset nous montre
comment certaines personnes, pressées de retourner aux attractions et autres
gains exceptionnels du marché hebdomadaire qui avait lieu tous les vendredi,
laissaient derrière eux le Prophète « debout » pour faire son discours.
Bien entendu, la question qui nous vient alors tout de suite à l’esprit
est la suivante : D’où nous vient-il alors de faire la khutba avant la
prière ?
Après la mort du Calife Usmân, Mu’âwiyah s’était rebellé contre le
pouvoir de l’Imam ‘Ali (P). Dans toutes les mosquées qui étaient sous son
autorité, il exigeait que l’imam qui y dirigeait la prière du Vendredi, insulte
ouvertement l’Imam ‘Ali (P) et sa famille pendant la khutba. Cela,
malheureusement pour lui, ne rencontra pas souvent l’assentiment des musulmans
qui vouaient à la sainte famille du Prophète (P) un grand amour et un profond
respect. Ainsi donc les fidèles partaient systématiquement dés la fin de la
prière sans attendre la khutba. C’est alors que, fort de ce constat, Mu’âwiyah
décida de renverser l’ordre des choses : la khutba sera alors désormais
placée juste avant la prière afin d’obliger tous les fidèles à entendre les
insultes profanées sur l’Imam ‘Ali (P) par l’imam officiant de la prière et
seul maître à bord en ces moments cruciaux du culte.
Voilà donc l’origine du changement de l’ordre observé dans la cérémonie
de prières du Vendredi.
Quant au contenu de la khutba, il est bon de signaler qu’il est souvent
dévoyé de son objectif essentiel qui consiste à donner le point de vue de
l’Islam sur l’actualité tant sociale, politique qu’économique mais aussi à
renforcer la foi des fidèles. Elle doit être prononcée, par conséquent, dans la
(les) langue (s) la (les) plus parlée (s) par les fidèles.
En effet certains imams préfèrent lire à la place de la khutba un texte
écrit en arabe dont le sens reste mystérieux pour la presque totalité des
musulmans qui ne comprennent pas l’arabe. Pour ceux qui en comprennent le sens,
la situation est encore pire car ils écouteront tous les Vendredi un discours
plat et statique sans aucun lien avec leur époque.
C’est d’ailleurs une des raisons qui renforcent certains dans leur
point de vue sur le caractère non obligatoire de la prière du Vendredi sous
certaines conditions : ils soutiennent que dans un Etat non islamique, un
imam (officiant de la prière) n’est pas suffisamment libre et n’a aucune
autorité pour donner et faire appliquer le jugement de l’Islam sur l’actualité.
Les objets
accessoires du culte (la tourbal-housseiniya, le
chapelet, drap du wazîfa tijane, le bâton
de l’imam du vendredi, etc.) :
Les conditions et l’environnement dans lesquels le musulman doit
pratiquer ses cinq prières quotidiennes sont généralement bien connus. Il
s’agit en gros d’en avoir l’intention, de respecter le temps prescrit de chaque
prière, de faire ses ablutions (ou autre purification selon les règles
prescrites dans ce domaine), de respecter sans hâte ni lenteur excessive les
différentes étapes de la prière dans l’ordre et la description clairement
prescrits.
Cependant certains autres aspects liés à notre environnement de prière
méritent notre attention. Il s’agit notamment de l’endroit où l’on pose le
front lors de la prosternation. Le Prophète (P) a toujours prié sur le sable. A
l’époque du Prophète (P), les gens priaient directement sur le sable, même à
l’intérieur des mosquées où il était régulièrement entretenu. L’argile et la
roche, assimilables au sable pour leur pureté naturelle et originelle, étaient
également appropriées. Voilà donc ce que le Prophète (P) nous a légué.
Les Ahl Bayt et leurs adeptes utilisent pour la prière, une pierre plus
connue sous le nom de tourbal-housseiniya,
sorte d’agrégat solidifié de la terre de Karbala sur laquelle mourut Al Hussein
(P), le petit-fils du Prophète (P). Ils portent cette pierre sur eux partout où
ils vont afin d’y poser leur front lors de la prosternation.
Evidemment on peut se demander : pourquoi la terre de Karbala et
pas n’importe quelle autre terre ?
Il faut préciser que ce n’est pas une obligation et le fait d’utiliser
le tourbal-housseiniya à la place du
sable ordinaire n’est pas considéré comme un acte sans lequel la prière est
invalide. D’où, cette pratique ne peut être considérée comme un bidâh.
En outre, il est évident qu’il est assez pratique d’avoir un petit peu
de sable avec soi afin d’être partout prêt à prier sans crainte quant à la
pureté du sol. En particulier le sol de Karbala est reconnu béni par Dieu pour
le sang martyr des descendants du Prophète (P) qu’il a reçu.
Dés lors cette préférence est simplement un acte d’adoration
surérogatoire, de recherche de bénédictions. Tout comme beaucoup de musulmans
préfèrent utiliser le chapelet et même avec des perles d’une matière bien
précise, à la place des doigts pour compter. Tout comme les Imams (dirigeants
de la prière) ont la tradition de posséder un bâton de commandement pour la
prêche du Vendredi. Les exemples sont nombreux. Il est à noter que le prophète
lui-même avait demander à sa fille Fatima (P) d’utiliser la terre où est
enterré Hamza (RA), l’oncle du prophète (P) tué en martyr à Ohud, pour en faire
un chapelet pour réciter le tasbih
Zahra (34 fois Allahou akbar, 33 fois
Al hamdou lillah, 33 fois Soubhanallah).
Par ailleurs, il est impératif pour tout fidèle musulman de porter des
effets vestimentaires débarrassés de toute souillure. D’où l’importance qu’il y
a à accorder à certains objets qui nous entourent et qui ne sont pas toujours
forcément purs :
- la ceinture que nous
portons autour de la taille et la montre que l’on a au poignet dont l’origine
de la peau avec laquelle elles ont été fabriquées peut être douteuse,
- la peau d’animal ou la
natte sur laquelle on prie. Leur pureté doit être vérifiée et recherchée. Sans
oublier que la matière dont elles sont faites ne permet pas la pose du front.
Tout doute doit être levé par une séparation d’avec l’objet du doute.
Il s'agit des deux prières du jour, Zuhr et Açr et des deux prières du soir, Maghrib et Ichâ.
Nous allons examiner les conditions de leur
regroupement deux par deux dans les temps qui leur sont impartis. Pour nous
éclairer : la lumière d’un verset coranique et celle des saintes pratiques
du Prophète Muhammad (P). Sur ce dernier point, nous tiendrons compte
essentiellement des témoignages des contemporains du Prophète (P) tels que
rapportés par les Ulémas.
Les écoles musulmanes sont tous d’accord sur
la légalité du regroupement de Zuhr
et Açr; ils appellent ce genre de
prière « Djam’ou Taqdimi »
c’est à dire « prière avancée ». Cela signifie concrètement que la
prière de Açr est avancée pour être
accomplie juste après la prière de Zuhr.
Ils sont également d’accord pour le regroupement de Maghrib et Ichâ qu’ils
appellent « Djam’ou Tâjîl »
ou « prière retardée ». Ce qui veut dire que la prière de Ichâ est accomplie juste après celle de Maghrib qui, elle, est légèrement
retardée par rapport à son heure habituelle.
Cependant il n’y a accord unanime entre
toutes les écoles sur le regroupement des prières que dans une situation bien
précise. A savoir pendant le pèlerinage, à Muzdalifa pour les deux prières du
jour (Zouhr et Açr). Comme le pratiquait le Prophète Muhammad (P) sur les lieux
saints.
En dehors du pèlerinage, les écoles telles
que les Malikites, les Châfiites et les hanbalites acceptent le regroupement de
deux prières dans le contexte du voyage mais elles ont des positions
divergentes quand il s’agit de faire ce regroupement dans d’autres
circonstances : maladies, guerres et intempéries.
Les Hanafi, eux, rejettent toute pratique de
regroupement de prières en dehors du cadre du pèlerinage.
Quand aux adeptes des Ahlul Bayt (p), ils
paraissent comme les plus modérés et les plus tolérants. Pour eux, la pratique
du regroupement de deux prières est légale non seulement dans le cadre du
pèlerinage, mais aussi en dehors du pèlerinage. Dans ce dernier cas, elle n’est
même pas soumise à conditions préalables comme le soutiennent les autres.
Pour notre part nous allons nous en référer à
la Sunna du
Prophète (p).
L’Imam Ahmed Ibn Hanbal cite dans son livre
intitulé Musnad (tome 1, page 221), un hadith rapporté par Ibn Abbâs qui
dit « Le Prophète (P) a prié sept et huit, à Médine, sans
contrainte aucune, pendant la période où il était sédentaire ». Par
sept et huit, il faut comprendre le nombre de rak’âts regroupées pendant les
deux prières du soir (Maghreb plus Ichâ = 3+4) et pendant les deux prières
du jour (Zuhr plus Açr = 4+4).
L’Imam Malick, dans son livre Muwata[91]
a rapporté que Ibn Abbas a dit : « Le Prophète (P) a prié Zuhr et Asr
dans le même temps, sans être dans des conditions de voyage ni de grande
peur » il faut comprendre par là que le Prophète (P) était sédentaire
et n’était pas dans des conditions d’insécurité pouvant inspirer la peur.
Muslim, dans ses Sahih[92],
a écrit que Ibn Abbas a dit : « Le Prophète (P) a prié Zuhr et Açr
dans le même temps, Maghrib et Ichâ dans le même temps, sans être dans des
conditions de voyage ni de grande peur. » Dans les mêmes Sahih[93],
Muslim répète ce même hadith rapporté par Ibn Abbas. Quand Ibn Abbas demanda au
Prophète (P) pourquoi il a regroupé ces prières, le Prophète (P)
répondit : « pour ne pas fatiguer ma Umma ». Le Prophète
(P) avait donc le souci depuis ce temps là, d’alléger le poids du culte pour sa
communauté présente et à venir.
L’Imam Bukharî, dans ses Sahih[94],
écrit : Adam nous a rapporté que Amru Ibn Dîn a
dit : « j’ai entendu Djabr Ibn Zaid qui a entendu Ibn Abbas dire
que : le Prophète (P) a prié sept, ensemble ; et huit,
ensemble ». Dans les mêmes Sahih de Bukharî[95],
le même Adam rapporte : « j’ai entendu Abba Umamata dire :
nous avons prié avec ‘Umar Ibn Abdul Aziz, Zuhr
puis on est sorti pour aller chez Annas qu’on a trouvé entrain de prier. Une
fois sa prière terminée, j’ai dit : ô frère, quelle était la prière que tu
faisais ? ». Il répondit « C’était Açr, la prière que nous
avions l’habitude d’accomplir avec le Prophète ». Il apparaît donc à
travers ce témoignage que Annas s’est acquitté de la prière de Açr juste après
celle de Zouhr, en regroupant donc ces deux prières comme l’a autorisé et
pratiqué le Prophète de l’Islam lui-même selon les différents témoignages que
nous vous avons rapportés.
Si les prières sont regroupées deux par deux,
Zouhr et Açr ensemble, et Maghreb et Ichâ ensemble, cela implique que les
prières regroupées partagent le même temps. C’est ainsi que les farîda de Zouhr
et Açr partagent le même temps qui commence à partir de Zawal (Zénith) pour
finir au crépuscule. Les farîda de Maghrib et Ichâ partagent le même temps qui
commence du coucher du soleil jusqu’à tard dans la nuit (aux environs de
minuit).
Le farida de Subh commence à l’aube et finit
juste avant le lever du soleil. Il apparaît donc un découpage du temps de
prières en trois périodes ou moments.
Ces trois temps sont :
- l’aube (« quand
on peut distinguer le fil noir du fil blanc ») pour la prière de
Subh,
- la période qui commence dès que le soleil quitte le zénith (votre
ombre dépasse vos pieds) et prend fin avec le coucher du soleil ou crépuscule,
- la nuit, période qui commence aprés le coucher du soleil (les
derniers rayons rouges du soleil ont disparu) et se termine tard dans la nuit
(autour de minuit).
Ces trois périodes sont clairement exprimées
à travers ces versets :
« Et accomplis la salât aux extrémités du
jour et à certaines heures de la nuit. Les bonnes œuvres dissipent les
mauvaises. Cela est une exhortation pour ceux qui réfléchissent. » (Hoûd 11 : 114)
« Accomplis la Salât au déclin du
soleil jusqu'à l'obscurité de la nuit, et (fais) aussi la Lecture à l'aube, car la Lecture à l'aube a des
témoins. » (Al Isrâ 17 : 78)
« Supporte patiemment ce qu'ils
disent et célèbre Sa louange, avant le lever du soleil, avant son coucher et
pendant la nuit; et exalte Sa Gloire aux extrémités du jour. Peut-être auras-tu
satisfaction : » (Tâ Hâ 20 : 130)
« Endure donc ce qu'ils disent; et
célèbre la louange de ton Seigneur avant le lever du soleil et avant (son)
coucher; » (Qâf
50 : 39)
Il convient de ne pas prier Subh ni avant
l’aube, ni après le lever du soleil ; et ce n’est pas légal de regrouper
les prières en dehors des regroupements autorisés et pratiqués par le Prophète
Muhammad (P) lui même.
Quels avantages nos contemporains peuvent-ils
tirer de cette pratique ?
Le rythme alternatif (matin et soir) du
travail s’adapte parfaitement au regroupement des prières. Subh avant d’aller
au travail, Zuhr et Açr pendant la pose de 12h à 15h, Maghrib et Ichâ après la
descente (et même la douche) du soir.
Cependant, il n’est pas rare de les voir
absorbés par un train de vie infernal tributaire du monde moderne avec tous ses
aléas, au point de se laisser prendre à défaut dans l’exercice du culte de la
prière. Ils regroupent trois, quatre, voire les cinq prières du jour au moment
de se coucher. Cela s’appelle dans le langage populaire consacré en Afrique de
l’Ouest « faire la prière en gros ». Ce faisant, ils contreviennent
aux prescriptions de Dieu et attirent le malheur sur eux comme le dit le
Coran :
« Soyez assidus aux Salât et
surtout la Salât
médiane; et tenez-vous debout devant Allah, avec humilité. » (Al-Baqara 2 : 238)
« il dit: "Oui, je me suis complu à
aimer les biens (de ce monde) au point (d'oublier) le rappel de mon Seigneur
jusqu'à ce que (le soleil) se soit caché derrière son voile.
Ramenez-les moi." Alors il se mit
à leur couper les pattes et les cous. » (Sâd 38 : 32, 33)
« Malheur donc, à ceux qui prient
tout en négligeant (et retardant)
leur Salât, » (Al Mâoun 107 : 4, 5)
VI – LES GROUPES EN ISLAM :
« Et cramponnez-vous ensemble au câble de
Dieu ; et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait de Dieu
sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos
cœurs ; puis par Son bienfait, vous êtes devenus frères.
Et alors que vous
étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous a sauvés. Ainsi Dieu vous
expose Ses signes. Peut-être vous guiderez-vous. » (Al
Imran ; 3 : 103)
« Dans l'alternance de la nuit et du
jour, et aussi dans tout ce qu'Allah a créé dans les cieux et la terre, il y a
des signes, certes, pour des gens qui craignent (Allah). » (Yûnous, 10 - 6)
« Et c'est Lui qui donne la vie
et qui donne la mort; et l'alternance de la nuit et du jour dépend de Lui. Ne
raisonnerez-vous donc pas ? » (Al mou’minûn, 23 - 80)
VII – ÂCHURA (10 MOHARREM) :
Le dixième jour du mois lunaire de Moharrem est une date mémorable dans
l’histoire de l’Islam. Il est jour de réjouissances pour certains, de jeûne et
de piété pour d’autres, de grande tristesse marquée par le deuil et le souvenir
pour une tierce partie. Chacun y célèbre ce dont il veut bien se souvenir si ce
n’est par simple mimétisme sans trop savoir les vrais motifs de cette
célébration.
Les évènements supposés ayant marqué ce jour du 10 Moharrem seraient
multiples. Pas moins d’une dizaine d’entre eux sont cités. Certains d’entre eux
avant même l’arrivée du Prophète de l’Islam (P). Nous en citerons brièvement
six.
Ce serait, par exemple, un 10 Moharrem que l’Arche bénie du Prophète
Nuh (P) aurait touché la terre ferme après le Déluge. Sauvant ainsi d’une perte
certaine les multiples espèces vivantes de la terre.
Deuxième exemple : les juifs auraient fêté[100]
ce jour comme étant celui où Moussa (P) aurait réalisé un miracle pour sauver
son peuple. Poursuivi par les hommes de Firâouna (Pharaon) et bloqué dans son
avancée par la Mer Rouge,
il fendit cette dernière en deux à l’aide de son bâton. Son peuple passa tandis
que derrière lui les vagues se refermaient sur les hommes de Firâouna. Pour les
juifs donc le 10 Moharrem est un jour de victoire.
Troisième exemple : Ce serait un 10 Moharrem que Yunus (P) fut
libéré du ventre de la baleine qui l’avait avalé des mois voire des années
durant. Il ne perdit jamais sa foi en Dieu pendant tout ce temps, ce qui le
sauva d’une perte certaine.
Quatrième exemple : C’est encore un 10 Moharrem que la famille de
Yûsuf (P) se retrouva pour sceller définitivement la paix et l’entente retrouvées
après les vilains actes[101]
posés par ses demi-frères de même père.
Cinquième exemple : Le Prophète (P) avait l’habitude d’être très
triste dés que ce jour du 10 Moharrem arrivait. Lorsqu’on lui demandait la
raison d’un tel comportement, il répondait qu’on le saura après sa mort à
travers un grand malheur qui frappera sa sainte descendance. Par ailleurs, il
embrassait souvent ses petits-fils Al Hassan (P) sur la bouche et Al Hussein
(P) sur la nuque. Chacun sur la partie à travers laquelle il recevra plus tard
l’arme fatale : le poison pour Al Hassan, le sabre qui lui trancha la tête
pour Al Hussein.
Sixième exemple : Yazid, le fils de Mu’âwiyah, qui lui succéda au
trône, fut le bourreau de Al Hussein Ibn Ali Ibn Abi Talib, le petit-fils du
Prophète. Al Hussein et de nombreux autres membres de la famille du Prophète
(P) ainsi que des compagnons de ce dernier furent massacrés comme on vous l’a
déjà décrit. Ce jour-là, Yazid fit un beau poème à la gloire de ses ancêtres.
Pour lui c’était là la preuve qu’il n’y eut point de révélation. Il décréta ce
10 Moharrem jour de gloire et de réjouissances.
Alors de toutes ces raisons, et d’autres, laquelle doit-on retenir pour
commémorer le 10 Moharrem ? Très certainement celle du Prophète (P) car
celui-ci est le modèle pour tout musulman. On ne saurait en retenir non plus
une autre pour deux motifs :
- D’abord les autres raisons sont souvent incompatibles avec celle
unique pour laquelle le Prophète (P) a célébré le 10 Moharrem et qui est le
triste massacre de sa descendance, notamment de son petit-fils Al Hussein (P).
- Ensuite, aucune tradition du Prophète ne nous a appris que l’Envoyé
de Dieu célébrait cette date pour une raison autre que celle évoquée.
D’où nous vient alors cette idée de fêter, nous disons bien fêter, le
10 Moharrem ? En effet, ce jour est, chez la plupart des musulmans de
l’Afrique de l’Ouest et d’ailleurs, un jour où l’on demande aux gens de se
nourrir le plus possible lors du dîner car ils seront pesés et les plus légers
n’iront pas au paradis (?!). Et même, la nuit arrivée, des festivités
ressemblant fort curieusement en certains points à la fête américaine de
Halloween[102], se
déroulent. Au Sénégal, cela s’appelle le Tâjabone en woloff. En Côte
d’Ivoire, même si la fête est différente dans sa forme, elle est appelée fâssou
en Djoula.
Il est temps que de telles incongruités cessent. Car on ne saurait
commémorer le 10 Moharrem comme le faisait Yazid l’ivrogne, le prédateur de la
sainte famille du Prophète. Souvenons-nous de ce jour comme d’un jour de tristesse
et de deuil donc de recueillement et de piété, suivant en cela l’exemple du
Prophète.
VIII : LA ZAKÂT ET
LE KHOMS :
« Et sachez que, de tout butin que vous
avez ramassé, le cinquième appartient à Allah, au messager, à ses proches
parents, aux orphelins, aux pauvres, et aux voyageurs (en détresse), si vous
croyez en Allah et en ce que Nous avons fait descendre sur Notre serviteur, le
jour du Discernement : le jour où les deux groupes s'étaient rencontrés,
et Allah est Omnipotent. » (Al Anfâl 5 : 41)
« Et accomplissez la Salât, et acquittez la Zakât, et
inclinez-vous avec ceux qui s’inclinent. » (Al Baqara, 2 : 43)
« Et (rappelle-toi), lorsque Nous avons pris
l'engagement des enfants d'Israël de n'adorer qu'Allah, de faire le bien envers
les pères, les mères, les proches parents, les orphelins et les nécessiteux,
d'avoir de bonnes paroles avec les gens; d'accomplir régulièrement la Salât et d'acquitter la Zakât - Mais à
l'exception d'un petit nombre de vous, vous manquiez à vos engagements en vous
détournant de Nos commandements. » (Al Baqara, 2 : 83)
« Et accomplissez la Salât et acquittez la Zakât. Et
tout ce que vous avancez de bien pour vous-mêmes, vous le retrouverez auprès
d'Allah, car Allah voit parfaitement ce que vous faites. » (Al Baqara, 2 : 110)
Vingt neuf (29) autres versets du Saint
Coran, soit 32 au total, enjoignent au musulman de s’acquitter de la Zakât.
L'Islam
a bien déterminé les moyens légaux de satisfaire les besoins d'un individu,
d'une société ou d'un Etat.
Si
ces deux obligations (Zakât et Khoms) seules, avaient été acquittées, i1 n'y
aurait plus aucun pauvre, aucun nécessiteux dans la société islamique, la cause
de l'Islam n'aurait jamais souffert, et toutes les questions de bien-être
public auraient été réglées ; comme cela se passait à l'époque où les
Musulmans pratiquaient sincèrement les dogmes de l'Islam.
Et si
ces deux obligations ne s'avéraient pas suffisantes pour le bien-être de
l'Islam et le progrès des Musulmans, l'Etat Islamique devrait faire appel à
d'autres sources de revenus, telles que l'agriculture et les mines. Il est
illégal pour les musulmans de s'emparer de la propriété des autres, comme l'a
bien précisé le Coran :
« Et ne dévorez pas mutuellement et
illicitement vos biens; et ne vous en servez pas pour corrompre des juges pour
vous permettre de dévorer une partie des biens des gens, injustement et
sciemment. » (Al Baqara, 2 : 188)
C’est là d’ailleurs le fondement du droit musulman. On ne saurait
appliquer la rigueur de la chari’ah à un fauteur lorsque celui-ci est exposé à
la faute par le fait de la non application des règles élémentaires de partage
en Islam. L’Islam est un tout entrelacé et l’on ne peut en tirer un fil sans
tirer le reste.
Cependant, si la
Zakât semble être bien connue des musulmans, il n’en est pas
du tout de même du Khoms. En effet peu de membres de la Umma connaissent et pratiquent cette prescription
d’Allah. Le fait de ne pas vivre dans un Etat islamique ne saurait constituer
une excuse à ce manquement car le Khoms, tout comme la Zakât, est un élément
clé de l’équilibre spirituel et économique donc social, juridique et culturel
de la société musulmane.
Rappelons d’abord les règles de pratique de la Zakât :
La Zakât est obligatoire pour neuf
articles :
1.
les dattes
2.
les raisins / les vignes
3.
le blé
4.
l’orge
5.
les chameaux
6.
les chèvres et les moutons
7.
le bétail (vaches et buffles)
8.
la monnaie en or
9.
la monnaie en argent
Il est aussi recommandé de payer la Zakât sur le capital de travail, ainsi que sur
les bénéfices réalisés dans les affaires. Une telle aide favorise
l’augmentation de la richesse de la personne qui l’offre.
Il est obligatoire de formuler l’intention en donnant la Zakât. L’intention
est formulée comme suit :
« Je donne la
Zakât pour m’approcher d’Allah ».
La Zakât est redistribuée comme suit :
1.
pour les nécessiteux
2.
pour les pauvres
3.
pour le salaire de ceux qui collectent la Zakât,
4.
pour ceux qui parmi les non-croyants dont le Prophète, l’Imam ou leur
Représentant pensent qu’ils seraient susceptibles de sympathiser avec l’Islam
et les musulmans en recevant l’aide de la Zakât.
5.
pour émanciper ceux qui ont été asservis
6.
pour payer les dettes de ceux qui sont incapables de s’acquitter
eux-mêmes de leurs dettes
7.
pour subventionner les affaires religieuses : aider les
mudjahidine dans leur djihad, construire des Madrasa (école), etc.
8.
pour aider le voyageur à court d’argent, même s’il s’agit de quelqu’un
qui est riche dans son pays.
Il
existe également une Zakât spéciale
appelée Zakât al-Fitr. Il est
obligatoire pour toute personne saine d’esprit et adulte (à partir de l’âge de
la puberté) de payer la Zakât al-Fitr, le jour de la fête de l’Aïd el
fitr (1er Chawwâl,
lendemain de la fin du mois de jeûne ou encore Korité en Afrique de l’Ouest).
Elle doit être donnée par le chef de famille pour lui-même et pour sa famille,
à raison de 3 Kg
d’aliments par personne.
Il
est préférable de donner du blé, des dattes, des raisins, du riz ou tout autre
aliment de base consommé habituellement par le donneur ou les gens de la
région. Il est permis d’offrir l’équivalent de ces portions prescrites
d’alimentation en argent.
Cette
Zakât doit être offerte à un croyant
nécessiteux qui ne possède pas de moyens de subsistance pour un an.
Sur
qui et comment prélever le Khoms ?
à qui est-il destiné ?
Nous
allons essayer d’y répondre de façon succincte car bien des développements ont
être faits à ce propos, que l’on pourra trouver dans d’autres ouvrages.
Le Khoms signifie le cinquième. Il doit
être prélevé sur sept sortes d'articles :
1. les butins de guerre
que l'on acquiert à la suite d'une guerre légale contre les infidèles.
2. les minéraux :
tels que l'or, l'argent, le pétrole, le fer, le sel, etc.
3. les trésors
enterrés : quiconque exhume un trésor enterré, par ses propres moyens, est
obligé d'en payer le Khoms.
4. la richesse extraite de
la mer, telle que les perles.
5. si un homme honnête
acquiert légalement une richesse mélangée à une richesse illégale dont le
propriétaire et le montant sont inconnus, l'acquéreur doit payer en Khoms le
cinquième de la richesse acquise, pour que le reste devienne légal pour lui.
6. tout bénéfice réalisé
dans les affaires, l'agriculture, l'industrie, le loyer de la propriété, ou sur
toutes autres sources de revenu ‑ après déduction des dépenses annuelles
pour soi-même et sa famille.
7. les parcelles de
terrains achetés par un Kafir Dimmi
(un non musulman vivant dans un Etat islamique sous la Protection du
Gouvernement, conformément à la
Chari'ah islamique) à un Musulman.
Il n'est
pas obligatoire de payer le Khoms sur la dot (mahr) qu'une femme obtient de son mari, ni sur le bien qu'un mari
obtient de sa femme à titre d'indemnité de divorce (khula’h) demandé
par la femme, et la même règle s'applique aux biens dont on hérite. Si on
hérite un bien d'un parent dont on n'attendait pas un héritage, on devrait, par
précaution obligatoire, payer le Khoms sur l'excédent du bien ainsi
hérité.
Le Khoms se divise en deux parties :
1. La
moitié revient à l’Imâm infaillible et, en son absence, à notre époque par
exemple, elle doit être confiée à un Mujtahid
hautement qualifié ou utilisée pour la promotion de l’Islam.
2.
Les fidèles Seyyed (les descendants
du noble Prophète (p)) sont attitrés pour recevoir l’autre moitié, qui doit
être offerte à ceux d'entre eux qui sont indigents ou orphelins, ou qui sont à
court de moyens de subsistance pendant le voyage.
IX : COMPORTEMENTS
ET TRAITS CULTURELS :
La prédestination et le libre-arbitre :
« Où que vous soyez, la mort vous
atteindra, fussiez-vous dans des tours fortifiées. Qu’un bien les atteigne, ils
disent : « c’est de la part de Dieu ». Qu’un mal les atteigne,
ils disent : « c’est de ta part à toi ». Dis : « tout
est de Dieu ». Mais qu’ont-ils, ces gens, à comprendre à peine un
mot » (An
Nisâ’, 4 : 78)
« En quelque situation que tu te trouves,
et quelque Lecture que tu récites de ceci, et quelque œuvre que vous oeuvriez,
Nous sommes témoin sur vous quand vous vous y lancez. Ni sur terre ni dans le
ciel n’échappe à ton Seigneur chose du poids d’un atome. Et, de plus petit ni
de plus grand, rien qui ne soit dans un livre évident. » (Jonas, 10 : 61)
« Quiconque fait un bien, fût-ce du poids
d’un atome, le verra,
et quiconque fait un mal, fût-ce du poids
d’un atome, le verra. » (La secousse, 99 : 7 et 8)
« Et au cou de chaque homme nous avons
attaché son œuvre. Et au jour de la Résurrection, Nous lui sortirons un écrit qu’il
trouvera déroulé :
« Lis ton écrit. Aujourd’hui, tu te suffis
d’être ton propre comptable ».
Quiconque prend le droit chemin ne le prend
que pour lui-même ; et quiconque s’égare, ne s’égare qu’à son propre
détriment. Et nul ne portera le fardeau d’autrui. Et nous n’avons jamais puni
(un peuple) avant de (lui) avoir envoyé un Messager.
Et quand Nous voulons détruire une cité, nous
ordonnons à ses gens opulents (d’obéir à nos prescriptions), mais (au
contraire) ils se livrent à la perversité. Alors la Parole prononcée contre
elle se réalise, et nous la détruisons entièrement. » (Al-Isrâ’, le voyage nocturne,
17 : 13, 14, 15, 16)
« Ne lui a-t-on pas annoncé ce qu’il y
avait dans les feuilles de Moïse
et celles d’Abraham qui a tenu parfaitement
(sa promesse de transmettre)
qu’aucune (âme) ne portera le fardeau (de pêché)
d’autrui,
et qu’en vérité, l’homme n’obtient que le
fruit de ses efforts ;
et que son effort, en vérité, lui sera
présenté (le jour du Jugement).
Ensuite il en sera récompensé pleinement
Et que tout aboutit, en vérité, vers ton
Seigneur,
Et que c’est Lui qui a fait rire et qui a
fait pleurer,
Et que c’est Lui qui a fait mourir et qui a
ramené à la vie. » (An-Najm, l’étoile, 53 : 36 à 44)
« En vérité, Allah n’est point injuste à
l’égard des gens mais ce sont les gens qui font du tort à eux-mêmes. » (Jonas, 10 : 44)
« Cependant, vous ne saurez vouloir qu’à
moins que Dieu veuille. Dieu demeure savant, vraiment, sage. » (Les envoyés, 76 : 30)
« Dis : « O Dieu, maître de
royauté, Tu donnes la royauté à qui Tu veux, et Tu arraches la royauté de qui Tu veux ; et
Tu donnes puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux, Le bien est en
Ta main. Oui, Tu es capable de tout. » (La famille d’Imrân, 3 : 26)
« (…) – Mais Allah égare qui Il veut, et
guide qui Il veut. (…) » (Le créateur ou les anges, 35 : 8)
« Et si Dieu fait qu’un mal te touche, il
n’est personne alors pour repousser Sa grâce. Il fait qu’elle atteigne qui Il
veut parmi Ses esclaves. Et c’est Lui le pardonneur, le miséricordieux. » (Jonas, 10 : 107)
« Et de chaque chose Nous avons créé un couple.
Peut-être vous rappelleriez-vous ? » (Qui éparpillent, 51 : 49)
« Ne lui avons-Nous pas assigné deux yeux
et une langue et deux lèvres ?
et Nous l’avons guidé aux deux voies (du bien et du mal). » (La cité, 90 : 8, 9, 10)
« Eh bien, rappelle ! Tu n’es qu’un
rappeleur.
Et tu n’es pas un dominateur sur eux,
(…)
Ensuite c’est à Nous de leur demander
compte. » (l’enveloppante,
88 : 21, 22 et 26)
On pourrait encore citer une multitude de versets qui se rapportent au
double sujet du libre-arbitre et de la prédestination.
Cependant, il apparaît clairement à la lecture attentive des versets
ci-dessus que ce thème que nous désirons aborder ici et qui reste infiniment
vaste, révèle les certitudes coraniques suivantes :
1. le bien et le mal sont d’origine
divine tout comme de toute chose Dieu a créé un couple (positif-négatif,
bien-mal, mâle-femelle, chaud-froid, etc),
2. le libre-arbitre est un
privilège que Dieu laisse aux hommes ; Il demande même au Prophète (P) de
rappeler sans dominer les croyants car c’est à Lui Seul qu’ils auront à rendre
compte. Cependant cette liberté accordée à l’homme a une contrepartie :
son entière responsabilité le Jour du Jugement dernier pour tous les actes
qu’il pose (du plus petit au plus grand),
3. Allah prédétermine le
destin de tout être à l’instar de celui de la Création
entière : Il est et reste le décideur ultime pour toute chose ; Il
fait rire ou pleurer, détruit la cité qu’Il veut, fait vouloir qui Il veut,
donne la royauté, la puissance, la guidance, la vie, la mort, ou l’humiliation
à qui Il veut.
Nous voyons donc là une coexistence de deux voies parallèles et
disjointes qui tantôt se fondent dans une symbiose génératrice d’espoir et de
liberté sans limite pour l’homme, tantôt s’opposent dans un face-à-face reflétant
à l’homme une image d’objet insignifiant devant la grandeur de la création,
d’éternel résigné devant le changeant qui l’englobe sans aucune chance
d’échapper à la fatalité de son destin.
L’espoir se présente à l’homme lorsqu’il se dit que ce qu’il fait ne
lui est pas ordonné par Dieu. Il se sent alors protégé par sa prétendue totale
liberté d’action dans le mal comme dans le bien qu’il fait. Cette position est
injuste car Dieu dit que nous sommes entièrement responsables de tous les actes
que nous posons mais qu’Il fait vouloir et pouvoir qui Il veut..
La résignation ou le fatalisme est également une attitude injuste car
le destin de l’homme n’appartient pas uniquement à Dieu sinon nous n’aurions
pas eu le libre-arbitre, c’est-à-dire la liberté de choisir entre le bien et le
mal, tout en sachant que c’est le bien qui nous est fermement recommandé.
Le destin est donc le fruit d’une synthèse entre la prédestination à
laquelle Dieu nous a préparés et le bilan de nos actions mais également de
celles des autres qui arrivent à influer sur notre vie.
C’est comme si, pour utiliser un langage familier aux utilisateurs de
l’ordinateur, devant chaque acte que nous posons, nous sommes en face d’une
boîte de dialogue où plusieurs options nous sont offertes mais l’option choisie
« par défaut » (ou encore prédéfinie, c’est-à-dire avant tout choix)
par Dieu Maître d’œuvre de ce grand programme est la meilleure.
Malheureusement, nous ne connaissons pas forcément cette meilleure option que
Lui seul connaît. Avant, pendant et après l’acte, Dieu nous suit et connaît
tout ce qui se déroule mais nous sommes seuls maîtres et responsables du
résultat de l’acte que nous posons et nous serons par conséquent sanctionnés
(en bien ou en mal) pour cet acte.
Cette comparaison a des limites : dans un programme informatique
les options sont limitées et les erreurs de programme restent toujours
possibles, cependant que chez Dieu, les options sont infinies et pourtant les
résultats restent tous prévisibles et connus d’avance. Cela n’enlève en rien à
l’homme la liberté de choix (le libre-arbitre) avec pour conséquence
l’obligation d’assumer ce choix, quoique Dieu aie tracé « par
défaut » pour chacun d’entre nous une feuille de route (la prédestination)
que nous modifierons par nos actions et celles des autres pour en faire notre
destin.
Quelle est finalement la juste attitude pour le croyant ? Eh bien,
elle consiste à toujours aborder les difficultés avec une méthodologie basée
sur la foi sincère et la logique :
1. Commencer par
identifier clairement le ou les problèmes que vous souhaitez résoudre ;
2. Recenser toutes les
solutions pratiques envisageables selon votre niveau de connaissances, la
période de l’année, du mois ou du jour, vos relations, vos moyens matériels et
financiers, vos capacités intellectuelles, morales et physiques, vos
compétences professionnelles, votre culture, les moyens juridiques, économiques
et sociaux que l’Etat met à votre disposition, etc.
3. Agir en conséquence
avec la foi et la conviction nécessaires pour résoudre votre (vos) problème (s) en
utilisant les solutions susdites.
Le temps aidant, essayez à nouveau les solutions les meilleures en
gardant foi en Dieu et surtout en priant, en faisant des offrandes, en
pratiquant le jeûne et les sacrifices ou en vous faisant aider et assister par
un guide spirituel, afin qu’Allah vous soutienne dans l’obtention du résultat
souhaité. Le destin, en effet, n’est pas entièrement absolu. Il comporte des
parties fixes et des parties variables. Il s’agit là d’influencer les parties
variables en se gardant de dépasser leurs limites.
Alors si le résultat escompté n’est pas obtenu, il vous est permis,
mais seulement après cette démarche, de conclure que ce problème relève du
destin. Dés lors sa résolution viendra du bon vouloir de Dieu.
Cependant, il ne faut surtout pas oublier que lorsqu’une porte nous est
fermée, bien d’autres portes nous restent ouvertes. Demandons à Dieu dans nos
prières ce qui est meilleur pour nous parmi toutes les choses que nous désirons
sans persister dans ce qui pourrait nous nuire à force d’insister. Un
Rappel :
« (…) il se peut que vous ayez de
l'aversion pour une chose alors qu'elle vous est un bien. Et il se peut que
vous aimiez une chose alors qu'elle vous est mauvaise. C'est Allah qui sait,
alors que vous ne savez pas » (La vache, 2 : 216)
Il est donc important de savoir laisser à Dieu ce qui Lui appartient
exclusivement, tout en agissant de votre côté de la façon la plus efficace qui
soit pour ce qui relève de vous. Si Dieu le veut Il peut changer, par votre
simple influence résultant de vos actions, le cours de votre destin. C’est cela
le lien entre la prédestination et le libre-arbitre : Faisons de notre
mieux et Dieu fera le reste et alors rien de mal ne saura nous arriver,
inch’Allah.
Droits et
devoirs du musulman vis-à-vis de son environnement humain et naturel :
Allah nous a fait l’honneur de responsabiliser tout homme à travers un
certain nombre de droits mais aussi de devoirs vis-à-vis de son environnement
tant humain que naturel.
Le Prophète de l’Islam (P) nous a légué l’enseignement suivant :
« Est maudit celui qui rejette tout sur les autres ».
Il s’agit de celui qui ne fait rien de ce qu’il veut que les autres
fassent et qui ne voit que ses droits sans s’occuper de ses devoirs.
Le père a des droits et des devoirs sur son fils et réciproquement. Par
exemple, le père est en droit d’attendre de son enfant une parfaite obéissance
et un total respect. De la même façon qu’il est en devoir d’élever et de donner
à cet enfant la meilleure éducation et les meilleurs soins de santé qu’il
puisse lui offrir en rapport avec ses moyens.
Des situations similaires existent entre le mari et son épouse, le
maître et son élève, les voisins entre eux.
L’Amir Al Moû’minîne Ali Ibn Abi Talib a dit[103] :
« Craignez le Seigneur à travers Ses créatures vivantes et Ses
terres puisque vous êtes responsables des animaux et de la terre qui vous
entoure. Le cercle du devoir s’étend au-delà des êtres, de la patrie, des
animaux et de tout l’environnement terrestre. Tout ce qui existe appartient à
l’homme à condition qu’il en tire un réel intérêt. »
Dieu dit dans le Saint Coran :
« Certes, Nous vous avons donné du
pouvoir sur terre et Nous vous y avons assigné subsistance. (Mais) vous êtes
très peu reconnaissants ! » (Al-‘Arâf, : 1)
Chacun a besoin de l’autre, quelque soit son rôle dans la vie, grand ou
petit. Le Saint Créateur a dit :
« Entraidez-vous dans l’accomplissement
des bonnes œuvres et de la piété, et ne vous entraidez pas dans le pêché et la
transgression. » (Al Mâ’îda, 5 : 2)
Il existe des gens qui se croient supérieurs aux autres. Les premiers
pensent non seulement ne pas être en devoir d’aider les seconds mais encore
estiment pouvoir toujours se passer de leur aide. En faisant cela, ils oublient
ou ignorent que l’Islam est la religion par excellence de la solidarité qui
conseille la consultation en toute chose particulièrement dans le domaine du
travail social. Dieu dit :
« Et pour ceux qui répondent à l’appel
de leur Seigneur, accomplissent la salât, se consultent entre eux à propos de
leurs affaires, dépensent de ce que nous leur attribuons. » (Achûra, la consultation, 42 :
38)
Même le Prophète de Dieu, Al Mustapha le Bien-Aimé, est soumis à cette
règle de la consultation malgré son statut inégalable. Toutefois, il faut
comprendre que le Prophète avait un autre objectif, voire un devoir, à travers
cette consultation. Il s’agissait pour lui de donner l’exemple, d’éduquer son
peuple dans le respect de cette attitude afin de la garder comme une bonne
tradition.
L’Imam Ali dit dans Nahjoul Balâgha :
« Il est une obligation pour Ses créatures, parmi les droits
d’Allah sur Ses esclaves, que ces derniers se consultent entre eux pour ce qui
est de l’intérêt commun.
Les hommes doivent s’entraider pour restaurer la vérité. »
Et enfin, un grand érudit musulman africain disait :
« On peut être non encore utilisé mais jamais inutile ». Pour
dire tout simplement qu’il ne faut pas croire qu’on n’aura jamais besoin de
plus petit que soit.
X : COUPER
LA MAIN DU
VOLEUR :
Dans bien des pays musulmans où la charia est appliquée aujourd’hui, on
punit les voleurs en leur tranchant la main au niveau du poignet, conformément,
pense-t-on, à la Parole
de Dieu. Allah dit ceci à ce propos :
« Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez
la main, en punition de ce qu'ils se sont acquis, et comme châtiment de la part
d'Allah. Allah est Puissant et Sage. » (Al Mâ’idâ, 5 : 38)
Or le mot utilisé dans ce verset et qui est justement traduit par couper,
ne signifie pas trancher comme eux ils le pratiquent.
L’école des Ahlul Bayt a une compréhension de cette prescription, aux
antipodes des actes de barbarie gratuite dénués en plus de tout fondement. En
effet, ils enseignent ce que le Prophète, leur inspirateur, leur a légué. Il
s’agit plutôt de blesser les extrémités des quatre doigts, le pouce étant
exclu. Une première fois ce sera la main droite puis le pied gauche, ensuite à
la troisième récidive, le voleur est emprisonné et à la quatrième il est
exécuté. Cette interprétation est de loin plus logique et plus humaine et ceci
pour plusieurs raisons :
1 – une fois les mains tranchées, l’individu devient un handicapé donc
une charge pour une société où chacun est appelé à produire pour ne pas être un
boulet aux pieds de la communauté.
2 – un tel individu devient difficilement propre or l’Islam est une
religion de propreté.
3 – Dieu dit que les (7) appuis utilisés dans la prière Lui
appartiennent exclusivement donc il ne revient à personne de les
trancher :
« Les mosquées sont consacrées à
Allah : n' invoquez donc personne avec Allah. » (Al Jinn, 72 : 18)
Ici Hamidullah traduit ces appuis par mosquées car c’est en effet la
même signification : confusion entre le lieu de prières et les outils
(réceptacles) de la prière. De plus « sont consacrées » porte la
place de « appartiennent ».
4 – De plus Dieu est Pardonneur or si le voleur se repentit et que sa
main est déjà partie alors quel le satisfaction ou gain pourra-t-il tirer d’un
tel repentir ?
5 – Avant même de couper les bouts des quatre doigts, au moins huit
conditions doivent être remplies :
-
le voleur doit être adulte,
-
il doit jouir de toutes ses facultés de discernement,
-
il doit avoir choisi délibérément de commettre l’acte,
-
il ne doit pas être dans une situation de besoin,,
-
le vol doit se dérouler avec effraction car le voleur ne devrait pas
avoir été tenté par sa victime ou alors l’objet volé devra avoir été déplacé de
son endroit d’origine par le voleur avec l’aide éventuelle de complices,
-
le voleur ne doit pas être le père de sa victime,
-
le vol doit s’être déroulé à l’insu de la victime ou d’un public.
6 – le même mot couper (khâta’)
et non trancher a été utilisé dans le Coran et aurait donc pu être encore
« compris » par trancher comme dans ce cas du verset du
voleur. Le même mot compris différemment dans deux cas pourtant similaires. En
effet, la femme du gouverneur (Al-Aziz) aimait son serviteur Yûsuf (P) qui
était d’une beauté jamais égalée. Elle invita des femmes pour prouver par la
faiblesse, le manque de contrôle dont elles allaient faire preuve, qu’elle
n’était qu’une victime comme pouvait l’être n’importe quelle femme. Dieu nous
raconte la scène en ces termes :
« Lorsqu'elle eut entendu leur fourberie,
elle leur envoya (des invitations,) et prépara pour elles une collation; et
elle remit à chacune d'elles un couteau. Puis elle dit: "Sors devant
elles, (Joseph!)" - Lorsqu'elles le virent, elles l'admirèrent, se
coupèrent les mains et dirent: "ÔAllah ne plaise! Ce n'est pas un
être humain, ce n'est qu'un ange noble!" » (Yoûsouf, 12 : 31)
Peut-on dire qu’elles se sont tranchées les mains à partir du
poignet ?
En tout état de cause, il n’est jamais arrivé du temps du Prophète que
l’on tranchât la main à un voleur en guise de sanction. Peut-être parce que le
système socio-économique mis en place ne laissait pas de place à de tels actes.
Hélas, comme dans beaucoup d’autres domaines où nous avons reçu en
l’héritage des déviations, la confusion existe encore de nos jours et fait
croire à tort que la charia prévoit de trancher la main du voleur.
Cette tradition s’applique à tort dans beaucoup de pays dits islamiques
ou non avec la cohorte de problèmes que cela pose.
Ces problèmes proviennent certes du fait de vouloir appliquer au nom de
Dieu une décision qui ne vient pas de Lui. Mais en plus, le développement
effréné des moyens de télécommunications et de transport, les nouvelles règles
économiques mondiales agissant, les inégalités dans la répartition des
richesses d’une nation étant érigées en règles de droit et d’économie,
l’application d’une telle loi est absurde et injuste. Disons-le tout net pour
lever toute équivoque : cela ne voudrait pas dire que l’application de la
charia dans son entièreté, est inadaptée à notre époque ou à notre
environnement moderne. Il s’agit pour y arriver de définir et d’appliquer
toutes les conditions qui doivent concourir à asseoir davantage de justice
sociale et de bien-être, en somme de développement humain pour les populations
concernées.
Le constat de l’augmentation fulgurante de la demande de confort
spirituel surtout auprès des jeunes, parallèlement à l’aggravation de la perte
de nos repères, de nos origines et des vertus cardinales, nous portent à garder
l’espoir qu’un jour, la vérité triomphera des ténèbres. Alors ce jour verra
pousser comme des champignons des états véritablement islamiques où l’Islam
sera vécu dans sa plénitude.
XI : CONSEQUENCES
ET ENJEUX ACTUELS :
1 – Conséquences actuelles :
Les conséquences d’une mauvaise succession du Prophète (P) marquée par la
séparation des pouvoirs temporel et spirituel avec son lot de déformations des
enseignements originels du Prophète (P), sont aujourd’hui visibles un peu
partout à travers le monde dans les comportements des musulmans qui n’ont pas
su appliquer les prescriptions de l’Islam originel.
Cela se manifeste à deux niveaux :
1 – au plan communautaire : les graves confusions et erreurs ou
innovations introduites dans les pratiques cultuelles, les croyances et les
principes, les mauvaises relations entre les musulmans d’un même groupe ou de
groupes différents et entre eux et les non musulmans.
2 – au plan international : d’une part les froides relations (sans
solidarité, ni entraide) entre pays musulmans,
l’état de guerre larvés entre ces premiers et Israël, la soumission sans
rémission à la puissance et aux richesses de l’Europe et de l’Amérique, le tout
couronné par un manque criard de leadership musulman au plan mondial. D’autre
part les groupes dits « terroristes »[104]
avec leur nouveau et faux culte du martyr et leur promptitude à fleur de peau à
mener une guerre sainte (djihad)[105]
contre un ennemi souvent confondu à une foule de gens innocents.
A cela s’ajoute la baisse de la qualité au profit de la quantité. Les
musulmans deviennent de plus en plus nombreux mais de moins en moins bons.
L’Imam ‘Ali insistait dans la nécessité et l’intérêt pour la Umma de gagner davantage en
qualité qu’en quantité. C’était certainement un discours prémonitoire.
Les exemples d’applications erronées de préceptes islamiques foisonnent
dans l’histoire mais aussi dans notre présent à l’instar de l’Afghanistan
des Talibans (la mauvaise gestion de la question des femmes et des ressources,
l’obscurantisme, le zèle, etc.), l’Irak de Saddam Hussein (la dictature, le
népotisme, la destruction massive de populations innocentes, etc.). Certes une
autre injustice est venue s’abattre sur eux (talibans comme Saddam): l’Amérique
des « néo-conservateurs ». Nous réprouvons et condamnons également de
toutes nos forces cette injustice flagrante et diabolique. Cela ne saurait
faire oublier les erreurs de ces dirigeants musulmans-là.
Les actes « terroristes », quant à eux, de plus en plus
nombreux trouvent leur terreau certes dans les grandes injustices des pays
dominants mais également dans le nouveau culte du martyr développé au
Moyen-Orient et dans les pays arabes.
Le résultat en est que là où les occidentaux se perdent dans la
recherche effrénée de la liberté, des plaisirs, de la jouissance des biens de
ce monde, les « terroristes » s’attachent frénétiquement aux
bénéfices d’un au-delà de martyr. Au paradis terrestre que prônent les uns
s’oppose le paradis du martyr dans l’au-delà dont rêvent les autres. Les uns
tiennent à leur vie et la défendent bec et ongles tandis que les autres n’y
tiennent pas et la donnent pour rester immortels. Aux bombes jetées des avions
répondent les avions jetés en bombes. A celles lancées répondent celles
portées. Les « anti-terroristes », plus terroristes que jamais, se
sont jurés de traquer et éliminer les « terroristes » du monde entier
tandis que les kamikazes n’ont plus de limites ni dans leurs méthodes, ni dans
leurs cibles.
La situation semble dés lors inextricables. Une médiation est
indispensable.
Aux uns de comprendre que la liberté a des limites et que la richesse
et la force ne permettent pas de tout obtenir car pour qu’elles soient
efficaces elles doivent se joindre à la justice et à la vérité. Leurs propres
religions leur interdisent de commettre le mal. En s’y référant et en analysant
le bien-fondé des raisons qui militent en faveur de la paix, ils finiront par
s’y soumettre.
Aux autres de comprendre que le sacrifice de la vie d’un homme, par
suicide ou meurtre, est un don ultime que l’on ne doit pas faire tant qu’il
reste d’autres moyens de résoudre les problèmes. Or ces moyens existent et la
durée ou les sentiments passagers que l’on peut avoir ne devraient nullement
influencer l’issue heureuse à trouver. La guerre sainte n’est qu’un dernier
recours ultime que le Prophète (P) n’a utilisé que de façon défensive.
C’est pourquoi il est rare de voir des disciples de l’école des Ahlul
Bayt se tuer dans des opérations kamikazes au nom du culte du martyr. Par
contre on les verra toujours négocier pour l’avènement de la paix. Lorsque l’un
d’eux se rebelle contre cet état des choses ils le rappellent à l’ordre et en
général cela se passe bien
Tenons-nous en à ces quelques cas pour illustrer les difficultés du
monde musulman (conséquences de la succession) par souci d’éviter de citer
d’autres situations encore inachevées.
2 – Enjeux
actuels :
Il s’agit, comme le dit le Robert, de ce que l’on peut gagner ou perdre
dans une compétition, un conflit. Ici, nous dirons plutôt ce que l’on peut
gagner ou perdre dans cette évolution tumultueuse des musulmans, conséquence
pour une large part du déroulement de la succession du Prophète (P) et des
événements qui en ont résulté.
Expansion incontrôlée et
manque de direction :
Au seuil de ce second millénaire, l’Islam est à nouveau victime d’une
crise de croissance. Cette fois-ci il ne s’agit pas de succession du Prophète
(P) – avec les suites néfastes ayant résulté d’un testament non exécuté – mais
de son extraordinaire expansion incontrôlée.
Aujourd’hui, les musulmans – c’est connu – ne se réunissent pas sous
l’autorité d’un clergé ou ensemble des ecclésiastiques (i.e les non laïcs)
d’une église donnée. Il est vrai qu’il n’y a pas en réalité une Eglise
chrétienne mais plusieurs : la catholique ou orthodoxe et les nombreuses
Eglises réformées ou protestantes. Autre
réalité qui rend difficile la comparaison avec les chrétiens, c’est le
mode de recrutement des dirigeants : le volontariat suivi de la formation
chez les chrétiens, la formation suivie du volontariat et surtout de la
désignation par la communauté entière (Marji)
ou par Dieu tout simplement (Imams ou Pôles), chez les musulmans.
La population musulmane augmente à une vitesse effarante pour plusieurs
raisons : la plupart des pays musulmans font partie des pays les pauvres
au monde or ceux-ci ont les taux de croissance démographique les plus
élevés ; ensuite c’est apparemment la religion qui enregistre le nombre le
plus élevé de conversions ; cela semble être dû à des raisons liées à
l’espérance suscitée, la cohésion, la justesse et le charme intrinsèque du
Message mais aussi Son adéquation avec notre époque et nos angoisses.
Objectif
de qualité et non de quantité :
Malheureusement c’est à la vitesse de son expansion que se multiplient
également les subdivisions, que se raffermissent les positions sectaires, que
s’ancrent les différences, en somme que la quantité se substitue à la qualité.
Devant cette rapide expansion, aujourd’hui donc, la Umma islamique a besoin de se
retrouver autour d’un minimum de points communs indiscutables. Non seulement
parce que ce minimum existe mais surtout parce qu’il nous permettrait :
-
de restaurer l’Islam originel avec tous Ses avantages attendus sur
l’environnement et sur les hommes en corrigeant les déformations et autres
déviations enregistrées,
-
d’agir en conformité avec l’Islam et donc d’assurer un meilleur partage
des richesses entre pays musulmans par une solidarité agissante à l’extérieur
et à l’intérieur des pays musulmans (et des autres pays ne serait-ce que par le
truchement de l’aide bi- et multilatérale). C’est là d’ailleurs l’unique
solution (divine) pour réduire les inégalités et de façon concomitante la
criminalité et les exodes massifs de populations ;
-
de parler d’une seule et même voix (uniformisation des voix et donc
formation d’un puissant lobby interétatique) sur un grand nombre de problèmes
jusque-là sans solution,
Tout ceci n’est pas utopique quoique difficile à atteindre au vu de la
distance qui nous sépare de ces objectifs. Mais il faut savoir que cela se fera
de façon progressive par cercles concentriques. Le temps que cela peut prendre
importe peu. La Voie
de Dieu n’a pas de prix et il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Conclusion
« … C’est Allah qui sait, alors
que vous ne savez pas. » (Al Baqara, 2 : 216)
« Dans l’alternance de la nuit et du
jour, et aussi dans tout ce qu' Allah a créé dans les cieux et la terre, il y a
des signes, certes, pour des gens qui craignent (Allah). » (Yoûnouss, 10 : 6)
« Et si tu obéis à la majorité
de ceux qui sont sur la terre, ils t'égareront du sentier d'Allah: ils ne
suivent que la conjecture et ne font que fabriquer des mensonges. » (Al An’âm, 6 : 116)
4 – Citons pour terminer ce sermon de l’Imam
Alî, extrait de Nahjul Balâgha et qui nous explique la pureté du message
conservé par les Ahlul Bayt avec l’indispensable persévérance dont il a fallu
faire usage à travers les âges pour y arriver :
« Vous ne pouvez connaître la bonne
direction que lorsque vous connaîtrez ceux qui l’ont quittée, et vous ne vous
attacherez au pacte avec le Livre que lorsque vous connaîtrez ceux qui l’ont
rompu, et vous ne l’appliquerez qu’après avoir connu ceux qui s’en sont
séparés.
Demandez donc tout cela à ceux qui maîtrisent
le Livre, ils sont la nourriture du savoir et l’ennemi de l’ignorance. Ce sont
eux qui vous révéleront leur savoir par leur jugement, leur silence exprimera
leurs pensées et leurs apparences révéleront leur fond.
Ils n’outrepassent pas les lois religieuses
et ne se contredisent pas. Le Livre est entre eux un témoin véridique et un
silencieux éloquent. »
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